L'accord commercial transpacifique, un modèle ?

Il faut défendre l'accord commercial conclu entre les Etats-Unis et 12 pays du pourtour de l'Océan pacifique, malgré ses imperfections. La coopération commerciale contribue à apaiser les conflits. Par Michael J. Boskin, professeur d'économie à l'Université de Stanford.
Michael J. Boskin est professeur d'économie à l'Université de Stanford et membre de l'Institution Hoover. Il a présidé le groupe des Conseillers économiques du président George H. W. Bush de 1989 à 1993.

Suite à la conclusion de l'Accord de Partenariat Trans-Pacifique (TPP) par 12 pays du pourtour de l'Océan Pacifique, les débats sur les coûts et les avantages de la libéralisation des échanges s'intensifient. Les premiers leaders de la campagne présidentielle des États-Unis, le républicain Donald Trump ainsi que la démocrate Hillary Clinton, ont exprimé leur opposition à l'APTP, même si en tant que Secrétaire d'État Mme Clinton a l'appelé « la référence absolue en matière d'accords commerciaux. »

Les gains du commerce

Le degré convenable d'ouverture du commerce n'est pas un débat nouveau. Historiquement les systèmes commerciaux d'abord plutôt ouverts évoluent vers une stricte limitation par des règlementations, des droits de douane ou des barrières non tarifaires, sous l'influence de changements dans la force relative libérale ou protectionniste des forces économiques et politiques en présence. Mais même dans des systèmes fermés, aussi sévères que soient les sanctions qu'ils imposent sur le commerce, des marchés noirs se développent en général, en raison des « gains réalisés grâce au commerce » produits par les forces économiques naturelles.

 Les avantages ricardiens

Le désir de commercer survient lorsque les avantages nationaux d'importation d'une marchandise (un produit fini ou un composant) excèdent le prix payé, par exemple si le produit importé ne peut pas être produit sur le territoire national, ou seulement à un coût supérieur. Comme l'a montré l'économiste britannique David Ricardo il y a deux siècles, il peut être encore préférable pour un pays d'importer des marchandises qu'il peut produire à un prix plus avantageux, si cela permet la production d'autres marchandises encore moins chères à produire. Les gains supplémentaires issus du commerce comprennent une diversité accrue et des économies d'échelle impliquées dans la production pour le marché mondial.

Des inconvénients potentiels

Il existe bien évidemment des inconvénients potentiels au commerce. Alexander Hamilton, le premier Secrétaire américain au Trésor, a fait valoir que le fait d'autoriser des importations moins coûteuses pouvait entraver le développement de la « jeune » industrie nationale, qui avait besoin de temps prendre suffisamment d'ampleur afin de réduire les coûts à un niveau compétitif. Ces dernières décennies, l'argument anti-commerce a porté en grande partie sur la concurrence « déloyale » et sur la perturbation économique.

Des accords "gagnant-gagnant"

Mais la réalité est que, quand deux parties prenantes sont d'accord pour faire du commerce, on peut supposer que toutes les deux s'enrichissent par ce processus. Dans le cas contraire, l'une d'entre elles refuseraient de faire du commerce. Ainsi, bien que la libéralisation du commerce puisse entraîner certaines pertes (plus petites) pour certains groupes, ceux-ci peuvent (et doivent) être aidés par des programmes nationaux de réinstallation et d'assistance, comme le programme d'Aide aux ajustements commerciaux et les règles de transition pour les secteurs, les entreprises et les employés américains concernés.

L'expérience passée renforce l'opinion selon laquelle en définitive le commerce volontaire est une bonne chose. Le protectionnisme extrême du début des années 1930, qui a fait suite à une ère de commerce international relativement libre, a eu des conséquences dévastatrices, qui ont fini par préparer le terrain de la Seconde Guerre mondiale. Comme l'a montré l'économiste du MIT Charles Kindleberger, la loi tarifaire américaine Smoot-Hawley en particulier a permis de transformer une récession profonde en dépression mondiale.

Avant même la fin de la guerre, les grandes puissances se sont réunies à Bretton Woods au New Hampshire, afin d'établir un nouveau régime de finances et de commerce international, au sein de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (AGETAC ou GATT). Par une succession de négociations mondiales longues et difficiles (appelées « cycles du GATT »), les droits de douane ont été réduits de façon constante sur un choix de plus en plus large de marchandises. En conséquence, le commerce mondial a augmenté plus rapidement que le PIB mondial pendant la majeure partie de l'après-guerre.

La croissance mondiale améliorée

Presque tous les économistes conviennent que ce tournant vers la libéralisation du commerce a grandement bénéficié aux citoyens du monde et a amélioré la croissance mondiale. Les économistes Jeffrey Frankel et David Romer estiment qu'en général, le commerce a un important effet positif sur la croissance.

À l'heure où presque partout la croissance ne parvient pas à répondre aux attentes, l'APTP semble donc un bon coup à jouer. Évidemment parce que les droits de douane dans les pays membres de l'APTP sont déjà faibles (avec quelques exceptions, comme les droits de douane du Canada sur les produits laitiers et du Japon sur la viande bovine), le bénéfice net de leur élimination serait modeste (à l'exception de quelques articles qui sont très sensibles aux faibles variations de prix). Mais l'APTP devrait également réduire les barrières non tarifaires (comme les formalités administratives et la protection des entreprises publiques), harmoniser les politiques et les procédures et inclure des mécanismes de règlement des différends.

Des relations commerciales fortes contribuent à apaiser les tensions

Bien que des dispositions précises de l'APTP n'aient pas été rendue publiques, les dirigeants politiques des pays membres prédisent que cet accord, une fois ratifié et mis en œuvre, va ajouter des centaines de milliards de dollars à leur économie et favoriser l'emploi. Les économies plus petites et en développement vont probablement en bénéficier le plus par rapport à leur taille, mais dans l'ensemble tout le monde va en bénéficier.

D'autres résultats importants ne figurent pas dans ces calculs. L'alternative à la libéralisation des échanges n'est pas le statu quo : c'est un recul global opposé à la transparence. Ceci peut se produire d'un certain nombre de manières, par exemple par la construction de barrières non-tarifaires que les candidats sortants nationaux préfèrent aux dépens des importations potentielles à plus bas prix dont pourraient bénéficier les consommateurs.

En outre, il est beaucoup plus facile d'établir des relations commerciales mutuellement avantageuses que de résoudre les problèmes géopolitiques et militaires, comme dans le cas de la lutte contre l'État islamique ou dans la résolution des tensions en mer de Chine méridionale. Mais des relations commerciales fortes ont le potentiel d'encourager la coopération (ou du moins de décourager l'escalade du conflit), dans d'autres domaines plus litigieux.

 Entraver le cycle de Doha?

Il existe pourtant certaines préoccupations légitimes au sujet de l'APTP. Certains s'inquiètent qu'il puisse détourner le commerce en provenance de pays tiers ou entraver le cycle de Doha, moribond, sur les négociations commerciales multilatérales (même s'il y a vingt ans de cela, l'Alena - l'Accord de libre-échange nord-américain -, a eu l'effet contraire, en relançant le cycle d'Uruguay).

Compte tenu de tout cela (sans oublier une attention renouvelée aux frontières nationales, en raison de problèmes d'immigration controversés, comme l'afflux de réfugiés du Moyen-Orient en Europe), la ratification de l'APTP est loin d'être certaine, surtout aux États-Unis. La somme d'intérêts concentrés opposés à l'accord peut se révéler plus influente que les intérêts diffus de tous les consommateurs.

Ce serait une perte importante. Permettre aux entraves protectionnistes existantes au commerce d'échanges commerciaux de rester en vigueur, voire d'empirer, priverait non seulement les citoyens des pays de l'APTP de revenus plus élevés, mais cela porterait également un coup préjudiciable à la coopération internationale.

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L'AUTEUR

Michael J. Boskin est professeur d'économie à l'Université de Stanford et membre de l'Institution Hoover. Il a présidé le groupe des Conseillers économiques du président George H. W. Bush de 1989 à 1993.

© Project Syndicate 1995-2015

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