L’avenir du tourisme spatial ne dépend pas uniquement de la technologie, ni du prix

OPINION - Pour développer le tourisme spatial, il faut tenir compte de l'écologie, de la santé et des assurances. Par Michel Messager, président de Consul’Tours et expert en tourisme spatial.
« Pour l'industrie spatiale la préservation environnementale de l'espace est une nécessité, voire une obligation » (Michel Messager, président de Consul’Tours et expert en tourisme spatial)
« Pour l'industrie spatiale la préservation environnementale de l'espace est une nécessité, voire une obligation » (Michel Messager, président de Consul’Tours et expert en tourisme spatial) (Crédits : DR)

On a beaucoup disserté et communiqué sur l'incidence que peuvent avoir la technologie et le niveau de prix dans le développement du tourisme spatial. La technologie - on le constate quasiment tous les jours - progresse. Quant aux prix, ils baisseront au fur et à mesure que le nombre de passagers sera croissant et que les vaisseaux s'agrandiront, tout comme l'a fait le modèle aérien. Les nombreuses prises de positions et études à ce sujet vont d'ailleurs quasiment toutes dans le même sens. En dehors de ces deux critères, le tourisme spatial ne pourra se développer comme on le souhaite, si l'on ne tient pas compte également : de l'écologie, de la santé et des assurances.

Préservation environnementale

Pour l'industrie spatiale la préservation environnementale de l'espace est une nécessité, voire une obligation. Il ne faut pas oublier, que ceux qui voyageront demain dans l'espace appartiennent à la génération des 20/35 ans, génération - on le constate quotidiennement - plus impliquée dans la protection de leur environnement que dans la conquête spatiale. Il faut donc les convaincre et répondre à leurs attentes.

L'industrie spatiale consciente de la nécessité écologique a donc, depuis plus d'une dizaine d'années, multiplié les recherches que ce soit au niveau des carburants, des moteurs, du nettoyage de l'espace ou de la conception des fusées, mais encore faut-il le faire savoir... !

Freins majeurs

Dans une société où la réassurance est érigée en dogme, les appréhensions sur le plan du physique et de la santé font également partie des freins de ceux qui souhaitent aller dans l'espace. Lorsque l'on collationne les multiples observations, expériences et découvertes que la médecine spatiale a pu réaliser en une dizaine d'années, répondant ainsi aux multiples questionnements des futurs voyageurs comme par exemple les problèmes de risques cardiovasculaires, la vision, l'efficacité des médicaments, les performances de la télémédecine et tout dernièrement la « chirurgie à distance » suite à l'expérience menée dans la Station spatiale internationale (ISS) par le mini-robot Mira (Miniaturized In Vivo Robotic Assistant), ces appréhensions ne peuvent que s'estomper, mais encore faut-il le faire savoir... !

Une fois que l'on aura plus communiqué sur ces deux « freins » majeurs un autre problème demeure, et pas des moindres : les assurances. Dans une société où les notions d'assistance et de réassurance sont privilégiées, les futurs touristes de l'espace, même s'ils possèdent un esprit « aventurier », souhaitent également, au cas où... être assurés.

2023, Annus horribilis

C'est peut-être un paradoxe, mais il en est ainsi : sans assurance, le tourisme spatial ne pourra se développer autant qu'il le souhaite. Or, nous constatons que le marché de l'assurance spatiale est un marché pour le moment difficile, voire extrêmement difficile, notamment l'année 2023, définie par certains assureurs comme « Annus horribilis ! ».  Lors d'une conférence au Global Satellite Servicing Forum, le 12 octobre 2023, Mark Quinn, directeur général de WTW Global Inspace, a reconnu en parlant des différents incidents spatiaux survenus depuis le début de l'année : « c'est le pire marché que nous ayons connu au cours des 20 dernières années. »

Sans aucun doute, ces résultats vont entrainer des questionnements sur la politique à mener chez les assureurs de l'industrie spatiale et qui, à l'instar de Brit Insurance annonçant dernièrement qu'elle cessait de souscrire les risques du spatial, pourraient être tenté d'en faire de même. Une telle décision viendrait s'ajouter à celles d'assureurs historiques qui ont déjà quitté le marché depuis la dernière crise de 2019, à savoir : Swiss Re, AIG, Aspen Re et AGCS (Allianz)... Outre l'aspect médiatique, cela pourrait remodeler l'évolution du marché, notamment dans l'offre faite vis-à-vis du tourisme spatial.

Vol habité : quelle volonté de l'Europe ?

Face à cette situation, pour être solutionnée celle-ci pourrait par exemple, passer par le développement de partenariats d'assurance public-privé à long terme et d'un partage des risques entre les gouvernements et les partenaires commerciaux. C'est ce que suggère Christopher J. McKeon vice-président senior, responsable de la gestion des risques commerciaux et des risques chez Everest Insurance, « pourquoi ne pas s'inspirer de ce qui a été fait dans les années 1950 pour encourager la croissance de l'industrie nucléaire, en s'inspirant de la loi Price-Anderson Nuclear Industries Indemnity Act de 1957 », mais encore faut-il en avoir la volonté politique et commerciale... !

Voici donc les problématiques auxquelles doit faire face aujourd'hui le développement du tourisme spatial, mais nul doute qu'elles seront bientôt surmontées par la qualité et l'abnégation des femmes et des hommes qui croient en cette grande aventure du XXIème siècle qu'est le Tourisme Spatial. Comme l'a écrit le physicien russe Constantin Édouardovitch Tsiolkovski, considéré comme le précurseur de l'ère spatial et le théoricien de la cosmonautique moderne : « La Terre est le berceau de l'humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau ».

Les récents propos de Philippe Baptiste, PDG du CNES(« Notre industrie ne pivote pas assez vite. Il faut bouger rapidement... ») sont là pour en témoigner. Mais encore faut-il que l'Europe et la France aient la volonté politique et les moyens financiers de développer le vol habité. Et là, c'est une autre question...

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Commentaires 5
à écrit le 24/04/2024 à 18:34
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Ne rêvez pas ! L’avenir du tourisme spatial dépend surtout du nettoyage de tout les déchets envoyés en orbite autour de notre planète ! ;-)

à écrit le 23/04/2024 à 17:21
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Ce sera sans moi. Sans intérêt de s'enfermer dans une capsule

à écrit le 23/04/2024 à 10:21
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Il faut vraiment avoir atteint les limites de l'oisiveté et de l'indecence pour envisager de dépenser des millions de dollars pour aller faire un petit tour dans l'espace.

à écrit le 23/04/2024 à 8:10
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C'est à partir du moment où la société marchande a cherché à vendre à tout le monde ce que les riches consommaient seuls que la biodiversité a commencé à s'effondrer. Le saumon par exemple, tandis qu'ils les ont éradiqué des rivières françaises à cau...

le 23/04/2024 à 9:14
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Pour ceux qui ont quelques années à faire passer, ils vont leur proposer, un jour, du tourisme sur Mars. :-)

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