L'aversion au risque peut cacher un gagnant... prudent

LE TRAVAIL DANS TOUS SES ETATS. Innover et prendre des risques calculés reste une attitude vitale pour développer nos entreprises. Sauf que l'audace ne se décrète pas. Surtout avec des collaborateurs qui présentent une « aversion au risque ». Par Karine Aubry, coach de dirigeants et managers, auteure.
(Crédits : Pixabay / CC)

Consultant senior dans le développement de logiciels, David en sait quelque chose. Son manager vient de lui dire en entretien annuel : « Ose plus ! Prends des risques, c'est notre ADN. » Or David freine des deux pieds. Il refuse de vendre un déploiement sans avoir l'équipe ad hoc ou de prendre une mission dont il ne maîtrise pas les aspects techniques. Alors la frustration grandit chez son manager : « Pourquoi sécurise-t-il autant ses dossiers ? Quel frein au développement commercial ! » Conséquence logique, le manager mise moins sur David et confie à d'autres les projets qui le feraient tiquer. C'est-à-dire la plupart des dossiers...

Mais pourquoi David est-il si conservateur ? Est-ce de l'aversion au risque ou du perfectionnisme ? Écoutons son point de vue pour en comprendre la logique. David n'a jamais déçu un seul client. Il a mené tous ses projets avec succès. Et il est convaincu que ce succès, il le doit à son travail toujours bordé. Alors, pas question de changer une équipe qui gagne. Car échouer, ce n'est pas dans son logiciel. David est donc un gagnant... prudent. Problème : on ne lui demande plus d'assurer, mais de « performer ». Et pour cela, de « tailler dans le gras », lui dit son manager. Concrètement, il doit prendre moins de marge dans ses délais et travailler avec des consultants juniors. À ce jeu, David voit surtout ce qu'il peut perdre. Pas folle, la guêpe.

Il n'y a pas d'audace sans confiance

À l'échelle de l'entreprise, les David peuvent être nombreux. Même quand l'audace est affichée en valeur cardinale et la stratégie conquérante, scandée à tous les étages. Si l'incitation ne suffit pas, vérifions que l'injonction « Ose » n'est pas assortie implicitement d'un « Mais ne te rate pas ». Ce qui la rendrait paradoxale.

Pour cela, questionnons le réel droit à l'erreur dans notre organisation. En réalité, que s'est-il passé les dernières fois qu'un collaborateur a commis une erreur technique, commerciale, managériale ? Qui a été tenu responsable du départ d'un client ou du retrait d'un collaborateur pour incompétence sur une mission ? Morale de l'histoire : il n'y a pas d'audace sans une confiance suffisante de la part du management. Alors, comment accompagner la prise de risque chez ceux qui l'évitent ?

D'abord, il convient d'expliciter des règles du jeu qui créent confiance : un partage des responsabilités, par exemple. Ensuite, il faut accompagner la prise de confiance en calibrant les défis. Le petit bain de l'audace avant le grand saut. Puis user de douceur pour lever les freins car forcer, c'est consolider l'aversion. Enfin, il s'agit aussi d'afficher sa conscience du risque, ce qui peut rassurer le collaborateur. « Ce que je te demande comporte un risque. Je le sais et il est important que nous le prenions ensemble. » À l'inverse, minimiser le danger inquiéterait davantage le salarié, qui se dira : « Au secours, ma direction est inconsciente ! »

En fin de compte, la tentation peut être grande de mettre des audacieux aux commandes. Et d'écarter les plus frileux qui ralentissent la marche. Ô prudence ennemie ? N'oublions pas le rôle de ces prudents dans le système. Sans ces garde-fous, l'entreprise pourrait-elle se permettre de prendre des risques ?

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Commentaire 1
à écrit le 25/05/2019 à 12:05
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La finance a tué le côté aventurier de l'entrepreneuriat, il fallait bien se douter que de rentes en conflits d'intérêts, ceux-ci habitués à se faire de plus en plus subventionner par l'argent public allaient de moins en moins prendre de risque et du...

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