« L'avocat sur le banc des accusés » (Julie Couturier)

« Ceux qui font souffler un vent de suspicion sur l'indépendance des avocats, ceux qui les menacent, ceux qui les attaquent, affaiblissent l'Etat de droit. » par Julie Couturier, présidente du Conseil national des barreaux
Julie Couturier
Julie Couturier (Crédits : Aurelie Vandenweghe)

Un jour, ce sont les coordonnées personnelles d'un avocat, qui sont partagées sur le réseau social X, par des adversaires. L'objectif ? Rejouer le procès en dehors du tribunal. Un autre, c'est un journaliste qui met en cause l'indépendance d'un avocat et la liberté qui appartient à chaque justiciable de choisir son conseil. Le motif de cette saillie ? Collusion d'intérêts et magouilles entre amis. Quelques jours plus tard, c'est une magistrate auditionnée par la représentation nationale, qui dénonce la stratégie de défense de certains avocats, au motif qu'elle viendrait « paralyser le cours de l'instruction ». Voire, qu'il existerait une connivence entre ces avocats et leurs clients, en l'espèce, narcotrafiquants.

Et puis chaque jour, il y a l'amalgame entre l'avocat et son client, entre le rôle de l'un et les crimes de l'autre. L'avocat ne devrait plus défendre ni le pédophile, ni l'assassin, ni la fraude fiscale, ni l'escroquerie, s'il veut conserver sa réputation. Condamné à la place de son client avant même de plaider.

Comme si, les avocats l'avaient cherché, comme s'ils l'avaient, au fond bien mérité. Comme si notre statut de profession libérale réglementée, nous offrait le luxe d'un accommodement avec les règles et les lois.

Pourtant, nous sommes dotés d'une déontologie forte qui nous oblige. Nos instances professionnelles ne manquent ni d'autorité, ni de sévérité lorsqu'il s'agit de poursuivre et condamner ceux qui, chez nous, enfreignent les lois. Parce que justement, nous avons conscience des lourdes responsabilités qui sont les nôtres, nous sommes intraitables.

Malgré tout, à notre tour, comme les professeurs, comme les maires, comme les journalistes parfois, nous sommes devenus la cible, de ces hommes, de ces femmes qui se radicalisent sur les réseaux, qui stimulent les haines à coups de mensonges, qui nourrissent les violences. A notre tour, nous sommes victimes, de ceux qui refusent la complexité et la nuance qui fondent pourtant, la Justice des hommes. Comme si, au fond, il ne s'agissait que de nous, alors même que ce sont les fondamentaux qui font tenir notre société debout, qui sont attaqués.

C'est la démocratie qui paie

Ceux qui font souffler un vent de suspicion sur l'indépendance des avocats, ceux qui les menacent, ceux qui les attaquent, affaiblissent l'Etat de droit, ce système institutionnel dans lequel les rapports sociaux reposent sur le droit et non sur la force. Chaque fois qu'un avocat est attaqué dans la cadre de l'exercice de ses fonctions, c'est la démocratie qui paie. Car chaque fois que la mission fondamentale de l'avocat est entravée, c'est notre capacité à toutes et tous d'accéder et d'exercer nos droits qui est empêchée.

A ces incessantes mises en cause des principes fondamentaux du droit, de l'indépendance des avocats, couplées à des menaces portées à leur intégrité physique, nous devons opposer une réaction unanime de révolte, d'indignation. Pour continuer à les défendre tous.

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Commentaire 1
à écrit le 03/04/2024 à 12:06
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"Quand les avocats d'affaires écrivent les lois" Monde Diplomatique. Oui vous avez des adversaires obscurantistes mais oui également vous avez de nombreux éléments obscurantistes dans vos rangs. C'est donc au dessus qu'il faut couper.

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