L'inclusion numérique, clé de l'émancipation citoyenne

En quelques années, le numérique s'est imposé comme la « porte d'entrée universelle » de toutes nos activités : s'informer sur l'actualité ou sur ses démarches administratives, nouer des liens, échanger des services ou des biens... Les livres, journaux et annuaires cèdent la place à Internet, aux applications smartphone, et même désormais aux assistants personnels. Par Dominique Mahé, Président du groupe MAIF
Dominique Mahé, Président du groupe MAIF

En cette période de rentrée, de nombreux foyers font le même constat, et souhaiteront peut-être investir dans un nouvel ordinateur ou une tablette. Mais combien d'entre eux iront au bout de cette démarche ? Et combien d'entre eux ne la formuleront même pas ?

En réalité, notre « nouvelle ère numérique » tient du trompe l'œil : si les outils numériques se multiplient, nous sommes encore loin d'en avoir démocratisé l'accès et l'utilisation. La « Mission Société Numérique » soulignait en mai dernier [1], que 13 millions de Français éprouvent des difficultés face au numérique. Et une étude récente de l'Institut CSA [2] indiquait qu'un tiers des Français ont déjà « renoncé à faire quelque chose » (une démarche liée aux loisirs, un achat...) parce qu'il fallait utiliser Internet et qu'ils ne le pouvaient pas. C'est parfois le manque d'équipement numérique qui est en cause, et parfois le manque de maîtrise des usages du numérique, c'est-à-dire des connaissances et compétences requises pour une pratique autonome.

Or, cette « fracture numérique » constitue une menace importante pour notre cohésion républicaine et sociale, parce qu'elle est le décalque de fractures territoriales et sociales qu'elle contribue à aggraver. L'accès au numérique est plus difficile dans les territoires ruraux, auprès des individus à faible niveau de qualification et de revenus (les jeunes de banlieue notamment), et chez certains individus isolés du fait de leur âge ou de leur situation familiale, comme les familles monoparentales. Les plus jeunes ne sont hélas pas en reste : il ne suffit pas d'avoir grandi à l'époque des nouvelles technologies pour avoir eu toutes les opportunités de les apprivoiser et de se les approprier...

Pour tous ces citoyens, l'inégalité numérique est facteur d'inégalité tout court. Une Inégalité réelle, parce qu'elle limite l'accès à certains services essentiels qui sont de plus en plus dématérialisés : impôts, sécurité sociale, assurance.... Mais une inégalité ressentie, aussi, parce qu'elle nourrit l'impression de « ne plus vivre avec son temps » et d'être dépassé par les évolutions technologiques. Deux facteurs qui accélèrent le décrochage d'une partie des citoyens : sans inclusion numérique, l'inclusion sociale pourrait bien tomber en panne.

Face à ce risque, nous devons promouvoir une vision citoyenne ambitieuse de « l'émancipation par le numérique ». Car son potentiel est immense : il libère les individus et leur apporte les clés de l'autonomie, en leur donnant accès aux services et à leurs droits. Et il les aide à se construire en tant que citoyens actifs dans la cité, en leur donnant accès à l'information et à la connaissance, et en leur ouvrant une fenêtre sur les autres et sur le monde.

Il est temps de mettre ce « pouvoir émancipateur » inédit au service du rapprochement des individus, des citoyens et des territoires, en agissant sur deux leviers complémentaires.

D'une part, le levier de la formation numérique : à l'heure du « tout numérique », sa maîtrise est devenue aussi indispensable que de savoir lire, écrire et compter. Si l'école a bien sûr tout son rôle à jouer pour transmettre un « socle numérique fondamental » aux jeunes citoyens, les entreprises sont un acteur clé pour compléter et actualiser cette formation tout au long de la vie. C'est le sens par exemple de « l'Académie digitale » lancée par la MAIF : en familiarisant ses collaborateurs aux pratiques numériques d'aujourd'hui et de demain, elle contribue à leur employabilité et nourrit leur émancipation professionnelle.

D'autre part, le levier de « l'appropriation culturelle » : les populations fragiles ne pourront « monter dans le train numérique » que si on lève les obstacles psychologiques et les barrières mentales qui les freinent. Il faut les accompagner de manière personnalisée, avec empathie, pour battre en brèche l'idée que « Le numérique, ce n'est pas pour moi ». Le succès du « MAIF Numérique Tour », classe numérique qui sillonne les territoires depuis 2015, illustre la portée de cette démarche : les publics que nous rencontrons gagnent en confiance et en autonomie à chaque fois que leur pratique numérique s'appuie sur un échange humain.

« Encourager à oser » et « donner les clés pour apprendre » : voici les deux exigences que nous - entrepreneurs, pouvoirs publics, associations - devrons conjuguer collectivement pour faire du numérique un moteur essentiel de l'émancipation citoyenne. L'inclusion numérique doit être notre combat à tous : menons le ensemble !

_______

[1] Rapport « Stratégie nationale pour un numérique inclusif », mai 2018.
[2] « L'illectronisme en France », Institut CSA, mars 2018.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 14/09/2018 à 16:39
Signaler
Mais alors complètement faux !! je travail auprès de ces jeunes que vous citez et vous étés en marge de la réalité. Il ne peux y avoir de fracture sociétal des lors qu'aujourd'hui les tablettes d'entrée de gamme sont a environs 69,99€ . je voie tous ...

à écrit le 14/09/2018 à 16:15
Signaler
"l'inclusion numérique", "l'émancipation citoyenne": quel beau langage d'énarque vivant hors sol !

à écrit le 14/09/2018 à 8:42
Signaler
"le numérique s'est imposé" Non. On nous a imposé le numérique, celui-ci ne pouvant définitivement pas s'imposer tout seul. On se rend compte déjà que vous voulez nous vendre un truc dont on a pas besoin là...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.