La BCE peut-elle protéger l'euro dans une période de forte inflation  ?

CHRONIQUE. Chaque pays de la zone euro n'a pas une autonomie monétaire. La conjoncture actuelle masque de profonds déséquilibres structurels. Sans une véritable union budgétaire, sommes-nous certains que la BCE avec un resserrement quantitatif pourra soutenir l'euro et répondre aux dettes souveraines des États membres ? Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.
(Crédits : Ralph Orlowski)

Comprendre l'euro et la zone euro. La valeur de l'Euro est un taux de conversion et non un taux de change comme avec les autres valeurs monétaires mondiales. La zone euro n'est pas une zone monétaire traditionnelle ou accomplie : elle n'a pas de mécanismes pour éviter la fragmentation financière. Il y a beaucoup de divergences budgétaires entre les pays de la zone euro.

Certains, comme la France, accumulent des déficits extérieurs et d'autres, comme l'Allemagne, enregistrent des surplus qui leur permettent de réaliser un plan massif de soutien à leur économie de 200 milliards d'euros.

Confrontée à des déficits extérieurs (150 milliards d'euros fin septembre 2022 sur un an), la France sera peut-être contrainte de réduire ses dépenses, ce qui entraînera une augmentation du chômage, etc.

Enfin, chaque pays de la zone euro ne dispose pas de sa propre devise pour dévaluer ou réévaluer sa monnaie et régler les déséquilibres.

Qui préserve le pouvoir d'achat de l'euro ?

D'après la Banque centrale européenne : "l'Eurosystème, qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales de la zone euro, assure plusieurs missions visant à maintenir la stabilité des prix. "La BCE assume des missions spécifiques ayant trait à la surveillance bancaire, aux billets de banque, aux statistiques, à la politique macroprudentielle et à la stabilité financière ainsi qu'à la coopération internationale et européenne".

"Elle s'emploie à maintenir la stabilité des prix et à préserver le pouvoir d'achat de la monnaie unique (article 127 TFUE)." Mais de 2008 à 2022, la Banque centrale européenne a-t-elle réellement lutté contre l'inflation ?

Pourquoi l'euro baisse ? En réalité, ce n'est pas tant l'euro qui baisse mais c'est le dollar qui monte et le yuan chinois qui résiste. Guerre en Ukraine, hausse des coûts de l'énergie et des denrées alimentaires créent une menace de récession en Europe.

La Réserve fédérale américaine (FED) a été plus agressive dans la mise en œuvre de hausses de taux d'intérêt dans le cadre d'une politique monétaire restrictive. La FED peut être considérée comme exerçant plus d'influence sur le taux EUR/USD que la BCE. L'euro baisse, car la BCE a tardé d'intervenir et les données macroéconomiques récentes montrent que l'économie de la zone euro ne se porte pas bien.

D'après Eurostat, le taux d'inflation est à 10,7%, le taux de chômage à 6,6%, le PIB en hausse uniquement de 0,2% et le déficit public de 5,1% du PIB. Dans une période d'incertitude, les investisseurs recherchent une monnaie refuge plus sûre pour leurs placements. Un euro faible est-il bon pour l'économie européenne ?

Y a-t-il des avantages à un euro faible ?

Le principal avantage d'un euro faible est la possibilité d'exportation plus importante. Une exportation plus élevée signifie une augmentation de la production et une plus forte croissance de l'économie. Mais d'après Eurostat : "la zone euro a enregistré un déficit des échanges de biens avec le reste du monde de 50,9 milliards d'euros en août 2022, contre un excédent de 2,8 milliards d'euros en août 2021". Il semble que pour la zone euro cet avantage soit effacé par des inconvénients plus importants.

Y a-t-il des inconvénients à un euro faible ?

Le premier désavantage est l'augmentation du prix de toutes les importations payées en dollar ou en yuan. Cela augmente l'inflation déjà très élevée en Europe et réduit le pouvoir d'achat des ménages. En revanche, des produits importés plus chers affectent positivement les entreprises, car il devient plus intéressant pour les Européens d'acheter des produits locaux.

La production européenne peut se développer si elle dispose des crédits pour l'investissement. Hélas, avec des taux d'intérêt plus élevés aux États-Unis et un dollar fort, la conséquence est une sortie de capitaux de l'Europe. Il devient alors plus difficile d'obtenir des crédits.

Une politique budgétaire bien adaptée. Bien qu'il incombe principalement à la Banque centrale européenne de lutter contre l'inflation et préserver le pouvoir d'achat de la monnaie unique, une politique budgétaire bien adaptée en France et en Europe peut aider à réduire le taux d'inflation tout en minimisant les effets négatifs sur le pouvoir d'achat.

Vers une véritable union budgétaire : l'euro aurait dû offrir plusieurs avantages dont les plus importants seraient : la stabilité des prix, une stabilité et une croissance économiques plus grandes, des marchés financiers mieux intégrés et plus efficaces, etc. Depuis la pandémie, on note plutôt une tendance à accroître les déséquilibres et divergences macroéconomiques entre les pays de la zone euro.

Pour faciliter l'intégration, des contraintes budgétaires ont été mises en place, des fonds de soutien seront payés en contrepartie de "réformes structurelles" : une réduction drastique des dépenses publiques, une baisse du coût du travail et une ouverture à la concurrence des secteurs protégés. Des réformes issues des critères de convergences établis lors du traité de Maastricht. Cette rigueur budgétaire a été suspendue depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020 et ne sera de retour qu'au début 2024.

Aujourd'hui les pays de la zone euro peuvent dépasser un déficit public annuel fixé à 3% de leur PIB. Ils peuvent avoir une dette publique supérieure à 60% du PIB, et un taux d'inflation non contrôlé. Un autre critère le taux de change est l'interdiction de dévaluer sa monnaie. Certes avec l'euro ce critère devient obsolète. Mais comment restaurer la compétitivité d'un pays en difficulté sans dévaluer sa monnaie et sans fonds de soutien de sa Banque centrale (la BCE souhaite réduire la taille de son bilan pour lutter contre l'inflation) ?

De même, avec la guerre à la porte de l'Europe et la flambée des prix de l'énergie, il paraît aujourd'hui très difficile de réduire les dépenses publiques et de limiter la hausse des salaires. Reste l'ouverture à la concurrence des secteurs protégés. Bien que la politique de la concurrence soit une composante historique de la construction européenne, et ce depuis les années 1950, la Commission européenne a assoupli les règles pour permettre aux États membres d'aider les entreprises en difficulté.

Investir pour le climat, investir dans la croissance et soutenir l'euro. Laisser l'euro se déprécier ne ferait qu'alimenter l'inflation. Tenter d'arrêter la chute de l'euro implique des hausses des taux plus forts donc une croissance limitée et un risque de récession. Au lieu d'esquiver le sujet, il est important d'investir massivement pour le climat : "Conformément aux objectifs de l'Accord de Paris, on peut stimuler la croissance économique, faire progresser la productivité et réduire les inégalités sans condamner la planète à continuer de rejeter de grandes quantités de gaz à effet de serre. Tout est dans la qualité de la croissance" OCDE.

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