La polémique sur l'«islamo-gauchisme» n'est pas le débat dont la recherche française a besoin

OPINION. En pleine crise sanitaire et économique, un nouveau débat anime les universités après les propos de la Ministre de la Recherche sur l’islamogauchisme. Alors que notre pays se montre incapable de financer un vaccin qui fonctionne ou de soutenir ses Nobel… l’heure ne devrait-elle pas être à la place de l’Université et à la contribution de la recherche dans l’avenir de notre pays ? À quand une enquête menée sur la valorisation efficiente de la recherche française et du doctorat en France ? Par Me Yann-Maël Larher, Avocat fondateur legalbrain - OkayDoc.fr. (*)
Frédérique Vidal, ministre en charge de l'Enseignement supérieur, a déclaré mi-février que l'université était gangrenée par l'islamo-gauchisme
Frédérique Vidal, ministre en charge de l'Enseignement supérieur, a déclaré mi-février que l'université était gangrenée par "l'islamo-gauchisme" (Crédits : POOL)

La recherche, c'est le futur de la France, mais c'est paradoxalement une thématique absente des débats actuels qui visent à le construire. Serge Haroche, prix Nobel de physique 2012, déplorait déjà lors du « Grand débat des idées » en 2019, « le décrochage inquiétant de la France dans la compétition internationale » en matière de recherche, et « le manque d'attractivité des carrières scientifiques ».

Handicapé notamment par la lourdeur de ses institutions, notre pays souffre du cloisonnement des disciplines et d'une surreprésentation des sciences dites dures au détriment des sciences humaines et sociales. Grâce à leurs compétences et de leurs aptitudes, les diplômés du doctorat en France peuvent pourtant jouer un rôle crucial dans la résolution des problèmes sanitaires, économiques et sociaux qui se profilent.

Déliquescence de la valorisation des chercheurs

Alors que la croissance de l'économie du savoir réclame une main-d'œuvre hautement qualifiée, les diplômés du doctorat des universités françaises devraient jouer un rôle central face aux défis auxquels la France est déjà confrontée. Mais alors pourquoi 30% de nos chercheurs sont amenés à partir à l'étranger?

À l'instar des derniers prix Nobel obtenus par des Français pour des recherches financées par des pays étrangers, les titulaires d'un doctorat quittent souvent notre pays pour continuer leurs recherches et contribuent in fine à améliorer le niveau de connaissances de nos voisins. Les jeunes chercheurs se heurtent en effet à d'importants obstacles tout au long de leur parcours jusqu'à leur entrée sur le marché du travail.

À côté de leurs travaux, bien des doctorants courent après les financements tout en cumulant enseignement et parfois petits boulots qui n'ont rien à voir avec leurs parcours. À cela peut s'ajouter l'administratif qui va à contre-courant de leurs recherches. Une fois diplômés, les jeunes docteurs français sont à nouveau pénalisés par certains employeurs (privés et publics) qui ne perçoivent pas ce qu'ils gagnent à les embaucher, croyant qu'il leur manque des attributs ou des compétences professionnelles essentiels.

Déconstruire les préjugés sur la recherche

L'enjeu d'une valorisation efficace de la recherche en France pour conserver des entreprises innovantes et attirer de nouveaux profils dans les laboratoires de nos universités devient crucial grâce à des dispositifs simples et compréhensibles par toutes les structures, quelle que soit leur taille. Comme le fait par exemple Okay Doc, des pratiques prometteuses sont actuellement à l'œuvre dans notre pays pour rapprocher les employeurs et les jeunes chercheurs. Il est notamment possible d'encourager les doctorants à réaliser des missions de conseil pendant quelques jours ou semaines en entreprise en lien avec l'expertise qu'ils développent pendant leur thèse. Ces missions peuvent également favoriser les liens entre des mondes qui ne se parlent pas suffisamment.

La thèse CIFRE qui associe une entreprise, un doctorant et un laboratoire,  est un autre exemple de dispositif qui fonctionne et qui gagnerait à être promu notamment auprès des TPE/PME et des collectivités. Ces liens peuvent aider à accroître la capacité d'intégration en montrant aux employeurs qu'il y a des avantages à embaucher des détenteurs d'un doctorat pour faire de la recherche, mais aussi pour occuper des postes considérés comme plus « opérationnels ».

En pratique, il reste pourtant très difficile de développer ces nouvelles formes de partenariats en raison notamment des préjugés dans certaines entreprises vis-à-vis des universités, ou dans le sens inverse, considérant que la recherche publique n'a rien à faire avec le privé.

Polarisation croissante des débats

Améliorer la situation des détenteurs d'un doctorat en France leur profitera personnellement, mais bénéficiera également à la société tout entière. Alors que le monde s'engage vers une économie davantage axée sur le savoir, on constate tout aussi paradoxalement une polarisation croissante des débats publics avec des prises de positions de plus en plus simplistes et caricaturales. Les titulaires du doctorat ont pourtant un rôle essentiel à jouer dans la transformation de la société et la compréhension des mutations.

Les jeunes chercheurs souhaitent de plus en plus souvent casser les codes de la recherche traditionnelle en vulgarisant par exemple leurs travaux sur Youtube ou lors d'évènements comme "Ma thèse en 180 secondes" ou encore grâce à des médias dédiés à la diffusion des sciences comme The Conversation. Il faut les encourager et les former dans les universités sur ce chemin. Des sciences physiques aux sciences humaines et sociales, il s'agit de s'assurer que la valorisation des chercheurs dans la recherche, mais aussi dans l'opinion publique soit à la hauteur des enjeux climatiques, sanitaires, sociaux, économiques, géopolitiques... mais également démocratiques auxquels nous faisons face.

En somme, plutôt que d'alimenter des débats stériles, créons des conditions « d'épanouissement » pour les jeunes docteurs avec des débouchés sérieux. Comme le disait Jean d'Ormesson :

"La science présente beaucoup de dangers, mais il faut lutter contre ces dangers non pas par moins de science, mais par davantage de science, une science qui puisse aussi créer sa propre éthique."

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(*) Yann-Maël LARHER est Avocat fondateur legalbrain OkayDoc.fr, Docteur en droit social - relations numériques de travail et conseiller municipal délégué à Boulogne-Billancourt

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Commentaires 12
à écrit le 10/03/2021 à 14:58
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Le mot est lancé et il dérange beaucoup :) l'islamo gauchisme dans les facs et chez les chercheurs est une réalité avérée et vérifiable, des millions de Français le constate et il faudra faire trouver autre chose que faire comme si ca existe pas ou...

à écrit le 07/03/2021 à 0:05
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Un déclaration du Ministre en charge de l'enseignement supérieur On touche le fond là. Mais LREM ne s'avoue pas vaincu et continue de creuser.

à écrit le 05/03/2021 à 18:56
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L islamo gauchisme est surtout le fait des avantager de la nationalité . Comprenne qui voudra ! Une fois le bordel mis , ils repartiront vers un autre monde Mais nous les desavantager resterons pour subir . Pas simple il faut faire un effort ...

à écrit le 05/03/2021 à 10:06
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Ils sont complètement cinglés mais attention cela nous permet par contre de prendre mesure du niveau intellectuel au ras des pâquerettes de notre classe dirigeante quand même et c'est moche, une véritable catastrophe. L'avantage c'est que la tél...

à écrit le 05/03/2021 à 10:04
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Il y a quelques décennies, c'était le christiano-droitisme dans la recherche, et personne ne s'en plaignait.

le 05/03/2021 à 17:10
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Je n'ai jamais entendu un ministre ou quiconque désigner le "christiano-droitisme". Par contre, il y a quelques décennies, l'ancêtre de l'islamo-gauchisme s'appelait le judéo-bolchevisme. Comme quoi les apôtres du monde d'après ressemblent étrangemen...

le 06/03/2021 à 12:25
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"Par contre, il y a quelques décennies, l'ancêtre de l'islamo-gauchisme s'appelait le judéo-bolchevisme." N'importe quoi, signalé.

à écrit le 05/03/2021 à 8:51
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Amusant tous ces cris d'orfraie de la part de chercheurs et universitaires, pour un phénomène qui n'existe prétendûment pas.

le 05/03/2021 à 9:48
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Oui c'est assez effrayant de voir toutes les contestations que cela suscite. Ils ont mis le doigt sur quelque chose...

le 05/03/2021 à 10:52
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"Ils ont mis le doigt sur quelque chose" Oui j'ai d'ailleurs bien une petite idée de ce sur quoi "ils ont mit le doigt" ^^

le 05/03/2021 à 17:12
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Ils ont effectivement mis le doigt sur ce qu'on croyait réservé aux dictatures et qui semble vous convenir: que l'Etat s'occupe de dicter aux chercheurs et universitaires l'objet de leurs travaux....

le 06/03/2021 à 12:24
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@ BIB57: Tu me parles ? Si oui va falloir préciser gros hein parce que ta peur est trop condensée là faut me l'expliquer, merci.

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