Dans l'après covid-19, de nouvelles opportunités de développement à capter

LE MONDE D'APRES. Début janvier, lorsque j'apprenais l'existence d'un virus ultra contagieux originaire de la province chinoise de Hubei, affectant gravement le système respiratoire des êtres humains, je n'imaginais pas l'ampleur de ce phénomène, qui en quelques semaines, conduisit l'économie mondiale au point mort. Par Etienne Cadestin, président-fondateur de Longevity Partners (*).
Etienne Cadestin
Etienne Cadestin (Crédits : DR)

En tout juste trois semaines, Wall Street a perdu un cinquième de sa valeur et a bouleversé les marchés financiers mondiaux. Dans un effort collectif pour stopper l'hémorragie, les gouvernements annonçaient des milliers de milliards de dollars dédiés aux plans de relance. Notre réponse financière urgente traduit notre désir incontestable d'éviter une crise économique mondiale. Il est pourtant évident qu'au long terme, nous allons devoir écouter et prendre en considération le message que la nature essaye de nous faire passer si nous voulons préserver la vie des dix milliards d'habitants de la planète Terre.

Il est peut-être temps de faire face aux conséquences de notre incapacité à considérer et respecter notre planète. Comme l'expliquait la semaine dernière le directeur du département de l'Environnement des Nations Unies, Inger Anderson, cette pandémie, c'est la nature qui fait raisonner une alerte, une alerte qui nous demande d'arrêter de détruire notre planète. D'autres scientifiques de renom affirment que le comportement humain est presque systématiquement à l'origine de ces maladies virulentes qui tournent à la pandémie.

Le rapport entre l'essor de l'agriculture industrielle intensive, l'exploitation minière irresponsable, les constructions non-durables et le réchauffement climatique couplé à la destruction de notre faune est aujourd'hui indéniable. Nous savons par exemple que les pathogènes les plus récents proviennent de la faune, comme le Sars, Mers, Covid-19, grippe aviaire, Zika et bien d'autres encore.

Lire aussi : Le coronavirus, une "bombe à retardement pour le climat"

En octobre dernier, dans des temps plus heureux, je recevais la prestigieuse récompense 'Future of Real Estate' aux Cérémonies « Estate Gasette Awards ». Cette récompense arrivait après une décennie de lobbying et de dur labeur pour encourager la transformation du secteur immobilier européen en un secteur plus inclusif et responsable. En automne, j'observais un secteur immobilier solide dans lequel des investissements dit 'prop-tech' prospéraient. La problématique la plus importante restant celle de l'accessibilité pour le plus grand nombre.

Aujourd'hui, le secteur de l'immobilier change à toute vitesse. Notre époque est idéale pour prendre le temps de s'arrêter, réfléchir et se poser les questions suivantes : A quoi ressemble le futur du secteur de l'immobilier en ces temps difficiles ? Pouvons-nous sortir de cette période de tourments plus forts et plus agiles ? Pouvons-nous reconstruire, restructurer le secteur pour un avenir plus durable ?

A quoi ressemble l'avenir du secteur immobilier ?

Les magasins, les bars, les restaurants, les salles de sports et les salles des fêtes sont fermés. Les vols et les trajets en train, annulés. Les plus chanceux, capables de travailler depuis le confort de leur maison ont tout de même dû faire face à des changements radicaux tandis que les bureaux restent, pour la plupart, totalement vides. Si les appels aux gestes barrières et au confinement ne seront pas éternels, il est normal de se demander, à quoi ressemblera notre Europe après la crise de Covid-19 ?

  • La résilience long-terme aux crises et aux risques liés au climat deviendra une priorité qui boostera les entreprises tout en leur assurant une réelle protection. Les investisseurs immobiliers continueront leur quête vers une économie sans empreinte carbone ;
  • Les bureaux deviendront des communautés au sein desquelles les employés se rencontreront, se sociabiliseront et apprendrons. Leur taille réduira considérablement tandis que le travail à domicile deviendra la norme ;
  • Par conséquent, le bureau sera symbole de bien-être, de productivité, de culture et de créativité, un espace qui répondra aux principes de durabilité et qui intègrera la nature en son sein ;
  • La rareté des ressources et les coûts de constructions de plus en plus élevés encourageront les architectes à intégrer les principes de l'économie circulaire dans leurs procédés ;
  • Les secteurs du service et de l'hôtellerie referont doucement surface, stimulés par des clients de plus en plus en recherche de lieux responsables et respectueux de l'environnement ;
  • Le domaine de la logistique travaillera dur pour répondre à une augmentation de la demande du « dernier kilomètre » et des livraisons dû à l'essor du commerce en ligne.

Lire aussi : Rôle de l'État, production, consommation... à quoi pourrait ressembler le "monde d'après" ?

Pouvons-nous sortir de cette période de tourments plus forts et plus agiles ?

Si la situation actuelle nous a appris quelque chose, c'est que l'investissement dans l'infrastructure sociale a longtemps été négligé. Nous assistons aujourd'hui à la création de nouvelles opportunités de développement, qu'elles soient d'ordre privées ou publiques, à l'échelle locale comme à l'échelle nationale. La formation de capital social et humain, la pauvreté et la cohésion sociale, la croissance économique et les taux d'emplois s'entrecroisent. Les investisseurs désireux d'investir dans des biens immobiliers devront à présent prendre ces facteurs en considération.

Mieux encore, il est prouvé qu'adopter une économie à faible émission carbone ainsi qu'une croissance à l'épreuve des changements climatiques aide à la création d'une économie durable offrant de bonnes prestations sociales. Selon la nouvelle économie climat, 26 mille milliards de dollars pourraient être débloqués en faveur de l'action climat d'ici 2030, le tout créant 65 millions d'emplois. PDG et dirigeants à travers la planète prennent aujourd'hui conscience des risques liés au climat mais aussi des opportunités que la bonne gestion de ces risques peut représenter pour eux. Les forces naturelles, si puissantes, que sont l'eau, le vent, le soleil doivent être exploitées pour satisfaire les besoins en énergies de nos sociétés, sans pour autant vider la planète de ses ressources.

Le secteur de l'industrie chinoise a chuté entre 15% et 40% depuis le début de la crise, entraînant une chute des émissions de CO2 d'environ 25%, selon le World Resource Institute. Dans un monde en transition vers une économie sans carbone, les pays aux faibles émissions de CO2 auront un avantage de taille. Les objectifs climats ne pourront être atteints qu'à travers des changements drastiques dans les méthodes d'approvisionnement et d'impact climat.

Pouvons-nous reconstruire, restructurer le secteur pour un avenir plus durable ?

Le secteur immobilier est en mesure de répondre à des besoins sociétaux. Le processus de reprise économique post-Covid-19, qu'il soit lent ou fulgurant, doit être considéré comme l'opportunité de débloquer les milliards que l'économie à faible émission carbone offre ainsi que l'opportunité d'intégrer à nos sociétés des standards de bien-être social concrets.

Dans le dernier rapport de l'OCDE, « In it together », le secrétaire général déclarait : « La croissance inclusive nous a amplement prouvé qu'il n'est pas nécessaire de faire un compromis entre la croissance et l'égalité. Au contraire, l'accès grandissant aux opportunités peut être à l'origine d'une performance économique plus forte ainsi que d'une amélioration des conditions de vie à l'échelle mondiale ! »

L'industrie de l'immobilier se doit de prendre conscience de la manière dont elle peut contribuer à la société tout en gardant un impact positif sur la planète et en restant profitable financièrement. Les sociétés cotées en bourse qui se concentrent sur la RSE ont été plus performantes et résistantes à la crise, mais ce phénomène reste applicable aux fonds d'investissements privés (bien que cette information ne soit pas accessible au grand public).

De plus en plus, les fonds d'investissements privés immobiliers sont contraints - par les investisseurs - de développer une approche solide aux risques liés au climat et au bien-être social. A l'avenir, nombreux seront les fonds de pension européens qui choisiront de ne pas investir dans un fond immobilier s'il n'est pas doté de principes d'investissements basés sur une approche responsable. Ce phénomène deviendra, sans aucun doute, universel.

Toute société de placement est différente et se soumet à des gouvernances, des approches, des cultures, des méthodologies et des conceptions variées. Nous sommes aujourd'hui les spectateurs et acteurs d'une époque fascinante, dans laquelle les entreprises redéfinissent leurs objectifs et leur ADN en développant des programmes RSE. Ce qui émergera de cette réponse à la crise climatique et sociale façonnera l'avenir de l'immobilier.

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Longevity Partners se présente comme un "conseiller expert en développement durable auprès du marché immobilier" qui "définit les principaux problèmes sur lesquels toutes les sociétés immobilières doivent se pencher à long terme".

Lire aussi : Le « care », espoir d'une nouvelle société

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Commentaire 1
à écrit le 03/04/2020 à 14:11
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Vous êtes bien optimiste ! Devant ? Ce ne sont que des équations inconnues... Car pour comprendre « une société avec des marqueurs post traumatique «  , il faut l’avoir vécu sois même et ça change tout.

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