Les erreurs méthodologiques et l'agenda militant d'Oxfam nuisent aux enjeux climatiques

OPINION. Dans Libération (1), l'entrepreneur français Bernard Arnault est présenté comme un « ultra pollueur », car il « émettrait autant de CO2 que 1.158 Français ». Cette affirmation s'appuie sur une enquête de l'ONG Oxfam. Ces prétendues révélations font partie d'un rapport plus large, publié par Oxfam à l'approche du sommet « climatique » COP28 de l'ONU qui se tiendra à Dubaï à la fin du mois. Un document, entaché par les biais politiques et militants et les errements méthodologiques, qui doit être regardé avec beaucoup de circonspection. Par Pieter Cleppe, Rédacteur en chef de BrusselsReport.eu
(Crédits : DR)

Une ONG des informations infondées

Dans ce rapport, Oxfam affirme que les 1% les plus riches émettraient plus de CO2 que 66% de la planète. Une affirmation très problématique et factuellement plus que contestable. Dans son calcul, Oxfam ne tient pas seulement compte du mode de vie des plus riches — ce qui serait acceptable —, mais aussi des émissions des entreprises dont ils sont actionnaires. Cette logique, poussée jusqu'au bout, devrait donc contraindre Oxfam à attribuer aussi aux millions de personnes associées à ces entreprises — des actionnaires aux consommateurs ordinaires, en passant par les employés — les émissions de CO2 de ces structures. Ce qu'elle ne fait évidemment pas.

La déformation des faits est, chez OXFAM, une méthode commune. Centrées sur la critique des riches, ses publications dénoncent « l'enrichissement des milliardaires, qui se produit au détriment des plus pauvres, lesquels s'appauvrissent ». Dans son rapport de janvier 2022, elle a par exemple qualifié de «  scandale absolu  » la croissance des richesses observée au cours des deux années précédentes. Un examen plus approfondi des données révèle toutefois que la part de la richesse mondiale détenue par le fameux « 1% » a en fait diminué depuis 1900 dans tous les pays européens, passant de 50 à 70% au début du siècle, à 20 à 23% en 2017. Ce n'est qu'aux États-Unis et, dans une moindre mesure, en Grande-Bretagne, qu'une tendance à la reconcentration des richesses est perceptible, mais même dans ce cas, dans une mesure bien moindre qu'au cours des années 1900-1950.

À l'échelle mondiale, l'inégalité des revenus est en baisse constante

De même, à l'échelle mondiale, l'inégalité des revenus s'est accrue pendant deux siècles, mais elle diminue aujourd'hui. Rares sont ceux qui prétendent encore que la révolution industrielle n'a finalement pas profité à l'humanité. J'en veux pour preuve les sondages d'opinion allemands qui montrent clairement à quel point les électeurs sont en colère lorsqu'ils vivent la « décroissance » au quotidien. Les partis de gouvernement allemands sont mis à mal par la désindustrialisation qui s'opère sous leurs yeux, principalement en raison des politiques énergétiques expérimentales qui ont conduit à l'arrêt de centrales nucléaires parfaitement fonctionnelles, mais aussi de la production nationale de combustibles fossiles, en échange d'un modèle d'importation d'énergie risqué et onéreux.

Même face à cette évidence, Oxfam chérit les idées du mouvement de "décroissance", apparemment sans savoir que cela priverait également l'ONG d'une grande partie de l'argent des contribuables dont elle dépend. Dans un communiqué de presse publié en février, l'ONG cite Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace France, pour dénoncer les « ultra-riches » qui, selon lui, « posent un continuum de problèmes à la collectivité : ils dirigent des entreprises généralement tueuses de climat, bâtissant ainsi leur fortune sur des investissements néfastes pour celui-ci  ».

L'année dernière, il a même clairement indiqué quelle était l'alternative :

« L'urgence c'est de changer de système économique, d'abandonner le paradigme complètement fanatique de la croissance ».

L'écologie est un prétexte d'Oxfam pour diffuser un agenda politique militant décroissantiste

Certes, si l'inégalité était le résultat de privilèges spéciaux accordés à certains par les gouvernements, il serait juste de protester. En fait, les politiques monétaires souples en Occident ont, au cours des quarante dernières années, favorisé les détenteurs de capitaux, car plus on possède de capitaux, moins il est risqué de se protéger contre l'inflation en achetant des biens durables tels que l'immobilier, les actions ou l'or. Mais ce n'est manifestement pas ce que fait Oxfam. Dans sa communication, elle s'attaque au fondement de notre niveau de vie actuel : le système capitaliste.

Pour ce faire, le « changement climatique » n'est qu'un prétexte. Si Oxfam se souciait vraiment de réduire les émissions de CO2 et de combiner cela avec le maintien de notre niveau de vie, elle ferait tout pour promouvoir l'énergie nucléaire, étant donné que les autres sources d'énergie qui n'entraînent pas de fortes émissions de CO2, l'énergie éolienne et l'énergie solaire, ne sont pas encore suffisamment fiables. Pourtant, au milieu de l'année 2022, malgré la crise énergétique qui s'annonce, la directrice générale d'Oxfam France, Cécile Duflot, rejette ouvertement l'énergie nucléaire, préférant les « solutions radicales », c'est-à-dire les taxes et la réglementation.

Ce type de modèle de taxation et de réglementation pour réduire les émissions de CO2 a peu de chances d'apporter les bénéfices escomptés, comme le montre l'expérience de l'Allemagne. Au contraire, un nouveau modèle est nécessaire, dans lequel on fait confiance aux entrepreneurs et à leurs innovations pour résoudre les défis environnementaux.

La confiance dans les entreprises est l'une des clés de la réponse aux enjeux environnementaux

Un tel modèle est promu par la « Climate & Freedom International Coalition », un groupe d'universitaires et de décideurs politiques qui ont élaboré un projet de traité international, en partant de l'idée qu'il faut faire confiance aux marchés libres, et non à la planification centrale, pour trouver des solutions neutres en termes d'émissions de CO2. Les pays signataires d'un tel traité, qui serait une alternative de libre marché à l'« Accord de Paris », bénéficieraient d'avantages commerciaux s'ils poursuivent des politiques de libre marché respectueuses du climat.

L'une des mesures suggérées par le groupe est d'introduire des « réductions fiscales pour démonopolisation » — selon lesquelles la vente d'actions monopolistiques dans le secteur de l'énergie serait exonérée de l'impôt sur les plus-values pendant deux ans. D'autres mesures sont la réciprocité des exonérations fiscales pour les investissements dans l'innovation respectueuse de l'environnement ou des « réductions fiscales propres », spécifiquement axées sur deux secteurs qui représentent environ la moitié de toutes les émissions de gaz à effet de serre — les secteurs des transports et de l'électricité.

Les gouvernements signataires seraient également récompensés pour la « libéralisation des marchés ». Ainsi, toutes les subventions conventionnelles à l'énergie seraient supprimées et il serait mis fin à l'implication des gouvernements dans l'infrastructure énergétique ou dans d'autres activités économiques, afin d'introduire une bonne dose de dynamisme nécessaire pour générer de l'innovation.

Oxfam serait-il ouvert à cette idée  ? Ou préférerait-il céder à ses instincts de « décroissance », préférant le « business as usual », ce qui signifie se rendre au sommet climatique COP28 en compagnie d'innombrables célébrités volant en jet privé et de bureaucrates financés par le contribuable, afin de convenir de plans de réduction du CO2 toujours plus stricts et imposés d'en haut, tout en disant aux gens ordinaires de voyager moins et en jetant un regard méprisant sur les entrepreneurs et les hommes d'affaires qui pourraient en fait être capables d'apporter l'innovation nécessaire pour résoudre les problèmes environnementaux ?

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(1) https://www.liberation.fr/environnement/pollution/bernard-arnault-emet-autant-de-co2-que-1-158-francais-selon-oxfam-20231120_KULTN5FYUBBSVMZ6YUI2HWI3EU/

_______

(*) Pieter Cleppe est rédacteur en chef de BrusselsReport.eu. Il est également chercheur au think tank américain Property Rights Alliance. Avant, il était le chef Bruxellois du think tank Britannique Open Europe. Avocat de formation, Pieter a pratiqué le droit en Belgique et a travaillé en tant que conseiller de cabinet et rédacteur de discours pour le secrétaire d'État belge. Il a également été analyste à l'Itinera Institute de Belgique, qu'il a contribué à fonder. Aujourd'hui, ses écrits dans lesquels il commente la politique européennes sont relayés dans plusieurs médias européens et américaines.

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Commentaires 8
à écrit le 04/12/2023 à 13:24
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Merci pour votre opinion, En effet Oxfam fait des choix pour ses études. Vous en réalisez aussi en ne prônant que l'entrepreneuriat et l'innovation. Si la ligne directrice peut être mise en péril par le seul exemple de l'Allemagne, la votre est mi...

à écrit le 03/12/2023 à 18:26
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Il est bien de contredire, les marchands de pensées mensongères surtout en France où il y a une faible culture économique et une tendance a suivre les idéologies qui ont demontré leur faillite économique.

à écrit le 01/12/2023 à 12:54
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Dès la nomination à la présidence de Oxfam France, on connaissait la suite. Comme le précise le dicton: "c'est comme le poisson, ça pourrit par la tête"...

à écrit le 01/12/2023 à 10:19
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Non mais on le sait, qu'Oxfam raconte n'importe quoi, le mieux c'est de ne pas parler de cette association

à écrit le 01/12/2023 à 9:53
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Le fait, c'est que "la richesse" se crée à la base pour cheminer vers le sommet de la pyramide et que la contrepartie carbone en fait autant ! ,-)

le 01/12/2023 à 10:22
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En mode décarboné, on parlera de consommation d'énergie, et que les avions sans CO2 consomment trop d'énergie, il faudra trouver un nouveau critère. Pourquoi ne pas poser une éolienne tout en haut de la pyramide ? :-) Y a des pays (pas en France) o...

à écrit le 01/12/2023 à 9:24
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Dans la vie quotidienne du citoyen moyen,ça sert à quoi Oxfam?

à écrit le 01/12/2023 à 8:57
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La "confiance" est une notion abstraite, j'espère que vous le savez quand même nous l'apprenons à l'école, or il n'est pas raisonnable de se fonder sur un phénomène abstrait afin d'en attendre des résultats concrets. "À l'échelle mondiale, l'inégalit...

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