Lubrizol : anticipons pour ne plus subir

OPINION. La transformation de la maintenance, trop souvent corrective, doit devenir prédictive. C'est l'un des enseignements tirés de la catastrophe Lubrizol, qui a été subie par l'industriel et ses équipes. Par Rémy Jacquier, directeur général d'Oxand.

La catastrophe de l'usine Lubrizol restera comme un des principaux accidents industriels de ce début de XXIème siècle en France. Contrairement à l'explosion d'AZF de Toulouse en 2001, l'incendie n'a pas causé de victimes directes. Cependant, elle aura sans aucun doute des conséquences sanitaires, environnementales et écologiques pendant de nombreux mois, voire des années sur la capitale de la région Normandie, le département de Seine-Maritime et les territoires ayant été traversés par le panache de fumée noire.

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Les toitures, les champs et l'air ont été souillés par une dispersion de suie et d'hydrocarbure. Il semblerait également que 8 000 mètres carrés de toiture en amiante soient partis en fumée au cours de l'incendie. L'impact sur la santé de la population, notamment celle de l'agglomération de Rouen, reste à évaluer. Les pouvoirs publics se veulent rassurants mais leur tâche est difficile car il est aujourd'hui complexe de prévoir les conséquences directes et indirectes à moyen et long termes.

Ce qui frappe le plus dans cette catastrophe c'est à quel point elle est subie :

  • subie par l'industriel Lubrizol et ses équipes dont la perte d'exploitation est totale, l'image profondément dégradée et l'activité remise en question ;
  • subie par les pouvoirs publics nationaux et locaux, Etat et collectivités, qui se retrouvent à agir en pompiers au sens propre comme au sens figuré ;
  • subie par les agriculteurs de la zone touchée qui ne savent pas quel sera l'avenir de leur production et comment ils seront indemnisés ;
  • subie par les populations qui, traumatisées par l'incendie, vivent encore aujourd'hui dans un air anxiogène et sentant les hydrocarbures.

Mieux vaut prévenir que guérir

Les efforts notables de communication des derniers jours du Premier ministre, des ministres, du préfet, de la ville de Rouen, des collectivités territoriales et de l'entreprise Lubrizol laissent toutefois penser qu'une situation d'une telle gravité et d'une telle ampleur n'a pas été totalement anticipée. « Mieux vaut prévenir que guérir », dit l'adage.

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Les obligations réglementaires sont nombreuses pour un site classé « Seveso seuil haut » : études de dangers, plans de prévention des risques technologiques, plans d'urgence, mises à jour et contrôles réguliers. Cette catastrophe souligne que l'approche uniquement réglementaire, si elle est nécessaire et indispensable, touche à ses limites. Le rôle des pouvoirs publics est bien de définir la norme et il y aura certainement des enseignements réglementaires à tirer de cette catastrophe, en particulier en matière de sécurité et de protection contre l'incendie.

En revanche, trop souvent les logiques publiques et privées se sont opposées sur la question du vieillissement des patrimoines industriels, de leur maintenance et des risques associés. Il n'y pas d'un côté les pouvoirs publics « seuls conscients » des risques et voulant les prévenir et de l'autre des industriels « inconscients » souhaitant réduire au maximum les dépenses de maintenance pour augmenter leurs marges.

Mieux maîtriser ses dépenses de fonctionnement et d'investissement

L'entreprise moderne se veut « consciente » : si l'industriel veut continuer à exploiter et créer durablement de la valeur, il doit assurer la pérennité de son appareil de production et son inclusion positive dans l'environnement. La transformation de la maintenance est au cœur de cet enjeu de l'industrie :  trop souvent corrective, elle doit devenir prédictive. Il est vrai que, pour certains industriels, maintenir consiste de plus en plus à ne réaliser que les actions prévues par la réglementation.

Nous constatons aussi une forme d'inflation réglementaire tendant à un transfert de responsabilité de l'industriel vers les pouvoirs publics. Or, se conformer à la réglementation ne veut pas forcément dire bien maintenir ou assurer la pérennité d'un site. Basculer à la maintenance prédictive permet de mieux maîtriser ses dépenses de fonctionnement et d'investissement, les adapter à son patrimoine et à son environnement, prévenir les risques et augmenter la performance des sites.

Atteindre des objectifs de responsabilité sociale et environnementale

Il y a dix ans, le basculement à la maintenance prédictive se heurtait à l'absence de technologie et de données. Aujourd'hui, les solutions existent et sont adoptées par de nombreux industriels. L'usine intelligente combine intelligente artificielle/capteurs pour les machines tournantes et modèles prédictifs pour les structures, l'immobilier et les « utilities » des sites. Pour tirer pleinement bénéfice du prédictif, les exploitants revoient leurs cultures et adaptent leurs organisations.

Il ne s'agit pas seulement de dire « je vais m'équiper de technologies et exploiter mes données », il s'agit de mettre en œuvre de nouvelles façons de travailler. Les gains constatés chez les industriels ayant pleinement déployés la maintenance prédictive atteignent près de 30% d'efficience en plus sur les actions menées ! Les bénéfices vont au-delà de la sécurisation sur le moyen terme des modèles économiques des industriels. Ils contribuent à l'atteinte des objectifs de responsabilité sociétale et environnementale qui sont l'ambition de tout acteur industriel majeur.

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Commentaire 1
à écrit le 03/10/2019 à 19:06
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Si l'on peut partager certains constats ou convictions de ce billet d'opinion (n'engageant a priori que son auteur éditeur d'une solution de GMAO, donc pas totalement neutre), n'est-il pas péremptoire de porter des recommandations avant même de conna...

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