Portugal : six mois de gauche au pouvoir, et après ?

En péril démographique, le Portugal cherche de nouveaux relais de développement. Par Jean-marc Pasquet, Think tank Novo Ideo

Bruxelles a renoncé tout récemment à sanctionner le gouvernement portugais de coalition de gauche et des écologistes pour non atteinte de ses objectifs. Un certain pragmatisme pour ne pas fragiliser la reprise naissante. Pour autant, le Premier ministre Antonio Costa (PS) a confirmé le pays sur la trajectoire des fameux 3 % de déficit. En rupture, selon une presse unanime, avec le côté « technocrate » de son prédécesseur. Mais sans le renier sur cette orientation de fond.

 Un premier semestre au pouvoir fêté sans effusions

 Dans les grandes villes, le parti socialiste a fait discrètement placarder sur des panneaux d'affichage les « engagements tenus ». Parmi lesquels, la politique sociale, avec la revalorisation du revenu d'insertion ou du complément solidarité pour les personnes âgées. La politique familiale du pays, minée par sa faible natalité, a été renforcée et la meilleure prise en charge des dépenses personnelles de santé signent une ligne clairement progressiste. Faute toutefois de disposer des marges de manœuvre budgétaires de ses ambitions, la gauche s'est engagée sur les 35 heures dans l'essentiel de la fonction publique, dès le 1er juillet prochain. Du temps redonné faute d'argent. Sans pour autant mettre sous tension accrue le secteur de la santé, elle négocie pour ces salariés des contreparties dont des jours de congés et des crédits d'heures.

 Trouver un modèle original de développement

Convalescent et sous perfusion des crédits européens, le Portugal tente de trouver un modèle original de développement. En misant sur son ensoleillement, son statut de porte d'entrée de l'Europe. Lisbonne s'impose comme un pays d'accueil des sièges européens, de l'économie créative, maritime, touristique et du bien-être. Le pays bénéficie d'une position d'interlocuteur privilégié de l'Amérique latine. Il favorise sur son territoire les installations issues des pays émergents d'Afrique et d'Asie. Il lance des appels du pied à la jeunesse de pays en plein chaos comme le Venezuela, ou de retour au pays auprès de ses natifs. L'urgence est de retourner la tendance à la baisse préoccupante de la population. Les projections à horizon de quelques décennies laissent entrevoir des risques importants pour les régimes sociaux.

 Péril démographique et modèle de développement

 La natalité, en berne, explique en partie le tassement récent du solde naturel. L'excédent des décès sur les naissances est de 22 000 en 2014. Il reflète en partie les incertitudes de la population. Contrairement à une idée reçue, le solde migratoire est régulièrement négatif, c'est encore le cas en 2014 : 30 000 personnes on quitté le Portugal en solde net.

 La politique (controversée) des « golden visas » et les exonérations fiscales décennales des résidents étrangers ont pourtant créé un climat de confiance. Les demandes en attente d'attribution de « statuts de résidents non habituels » doivent contribuer à atteindre l'objectif très volontariste pour 2016 de 20 000 de la Chambre de commerce et d'industrie franco-portugaise. En outre, ces mesures produisent des effets en décalage avec les attentes initiales. Beaucoup de séniors sans activité en sont bénéficiaires. Seuls 20% des « résidents non habituels » en exercent une ici, considérée comme « à forte valeur ajoutée ». En revanche, ces nouveaux habitants représentent 20% du total des transactions immobilières en 2016. Et déjà, les répercussions sur les prix immobiliers font la « une » de certains médias inquiets des effets possibles d'un tourisme de masse.

 Nouveaux relais d'activité

Le Portugal est donc contraint de trouver de nouveaux relais d'activité. Il a déjà réformé son marché du travail : baisse du coût du travail, assouplissement des règles de licenciement, dégressivité accrue des allocations chômage, moins généreuses mais plus universelles. Le gouvernement peine à améliorer des points faibles singuliers comme une bureaucratie souvent pesante et un enseignement supérieur inadapté : à rebours de ses voisins européens, il ne protège pas ou peu du chômage.

 Antonio Costa mise également sur des points d'excellence de l'économie lusitanienne. Dans le domaine des énergies renouvelables par exemple, les efforts depuis le début des années 2000 sur l'hydraulique et l'éolien ont permis au pays de fonctionner en début d'année quelques jours sans énergie fossile. Les écoles de santé, dans lesquelles de nombreux établissements suisses viennent recruter infirmiers et autres assistants de soins, constituent aussi un gisement d'emplois locaux en lien avec l'économie des séniors. Le Portugal, « Floride de l'Europe » ? Quand se faire soigner une dent pose le choix entre un rendez-vous dans plusieurs mois à l'hôpital public ou payer un libéral pour près de 15 % du salaire minimum, le redécollage portugais oscille encore entre désir d'excellence et vie quotidienne difficile.

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