Alors qu'un nombre croissant d'États se voient contraints de revoir à la baisse leurs ambitions environnementales face à la grogne sociale, entreprises comme investisseurs ne peuvent rester passifs devant l'urgence climatique. Mais comment attendre qu'ils s'engagent massivement dans la décarbonation s'ils ne sont pas récompensés et valorisés pour cela ?

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Repenser la manière dont la valeur est créée

Pour réussir la transition, nous devons repenser la manière dont la valeur est créée, mesurée et valorisée par notre système financier. Imaginez que les activités d'une entreprise ne soient pas seulement évaluées lorsqu'elles dégradent la planète, mais aussi lorsqu'elles représentent une contribution positive en faveur du climat. Et que les entreprises ne soient pas valorisées financièrement uniquement pour leur résultat économique, mais aussi pour leurs bienfaits environnementaux. Alors toutes seraient encouragées à investir dans la transition et les investisseurs encouragés à les soutenir financièrement.

Nous promouvons en ce sens les « dividendes climat », une innovation visant à récompenser les actionnaires et les fonds, à mettre en lumière les entreprises qui agissent et à donner une information décisive aux marchés sur leurs contributions climatiques.

Par exemple, une société qui produit et commercialise des pompes à chaleur, en substitution de chaudières au fioul, génère des émissions lors de la fabrication mais elle permet à ses clients de réduire leur propre empreinte carbone. Elle évite des rejets de gaz à effet de serre et a ainsi une contribution positive globale à la lutte contre le changement climatique. De même, une compagnie qui construit des bâtiments en bois permet de stocker longtemps (jusqu'à cent ans) le CO2eq (1) capté pendant la croissance de l'arbre. Elle retire davantage de CO2eq de l'atmosphère qu'elle n'en émet (par les opérations forestières ou le chantier par exemple). Ces activités favorables au climat doivent être valorisées et encouragées.

L'engagement concret pour la transition repose encore, pour beaucoup, sur la bonne volonté des entreprises, malgré les avancées de la réglementation. En Europe, les industriels sont certes soumis au principe du pollueur-payeur à travers les quotas de CO2. Et les sociétés cotées doivent publier un bilan carbone, qui mesure surtout l'héritage climatique de leurs process de production. On regarde le passé. Or les investisseurs ne peuvent pas savoir avec précision si les produits et services développés par les entreprises permettent et permettront d'éviter des émissions de CO2eq ou de le séquestrer. Comment investir en connaissance de cause si les données ne sont pas standardisées et partagées ?

Les dividendes climat répondent à cela. Ils sont portés par une association indépendante, à but non lucratif, cofondée par l'Ademe, Mirova, Sweep, Team for the Planet, la Fondation 2050 et la fondation Kanopée Partage. Dans ce système, chaque entreprise voit sa contribution climatique positive établie par une évaluation rigoureuse et transparente, réalisée selon un protocole coconstruit par des experts, des financiers et des institutionnels (dont l'Ademe), avec l'intervention de tiers indépendants (des auditeurs extrafinanciers). Le mécanisme est très simple : 1 tonne de CO2eq évitée ou séquestrée par une entreprise lui permet de distribuer un dividende climat à ses actionnaires.

Un indicateur extrafinancier

Le dividende climat est donc un indicateur extrafinancier (ni un flux ni un actif ) standardisé qui permet de prendre en compte une réalité nouvelle dans les choix économiques et financiers, en comparant par exemple l'évolution du chiffre d'affaires ou des dividendes financiers avec l'évolution des dividendes climat. Immédiatement applicable, il s'insère dans un contexte réglementaire européen et international en évolution. En complément de la mesure de l'empreinte carbone, il prend place dans les stratégies d'entreprise et d'investissement, et ainsi facilite l'orientation des capitaux vers la décarbonation. C'est, pour nous, l'opportunité de promouvoir une nouvelle grille de lecture financière et climatique ambitieuse à l'échelle internationale.

Le secteur privé doit et peut être à l'initiative. Plus de 35 entreprises de toute taille et leurs investisseurs utilisent déjà les dividendes climat, en s'appuyant sur une démarche résolument non partisane, transparente et collaborative. Elles font émerger un nouveau paradigme qui place la valeur climatique au cœur de décisions économiques et financières, invitant un maximum d'acteurs à les rejoindre pour favoriser une transition vers une économie plus verte et durable.

* Et 60 signataires

Jean-Edouard Allard (CFO, TSE), Marine Alonso (Chargée d'Affaires VC & Impact, NCVI), Arthur Auboeuf (Cofondateur, Team For The Planet), Laurent Babikian (Membre d'honneur, Association DC), Julian Bacabara (Chargé de mission RSE/économie circulaire et carbone, Léon Grosse), Hakim Baka (CEO, Geev), Jean-Marc Bazenet (CEO, Ikaros Solar), Laura Beaulier (Directrice générale, Association Dividendes Climat), Philippe Benquet (Président fondateur, Acorus), Renaud Bettin (VP finance, Sweep), Sylvain Bogeat (Cofondateur, Vestack), Clément Bongibault (Président, e-Recycle), Eric Camirand (CEO, Waste Robotics), Ronan Caradec (Cofondateur, Cool Roof France), Manuel Coeslier (Lead expert climat et environnement, Mirova), Medhi Coly (Cofondateur, Team For The Planet), Harald Condé Piquer (VP Impact et Gouvernance, Ecov), Rodolphe Deborre (Directeur Innovation et Développement Durable, Rabot Dutilleul), Aymeric Déchin (CEO et cofondateur, Faume), Léa Degardin (Chief Impact Officer, Via Id), Rachel Delacour (CEO et cofondatrice, Sweep), Maël Disa-Vingataramin (Cofondateur, GazoTech), Nathan Douillard (Cofondateur, La Virgule), Antoine Duchêne (Directeur des opérations, finance et admin, Accenta), Sébastien Duprat (Président, Cycle Up), Marie Ekeland (Fondatrice et CEO, 2050), Lionel Epely (Président, LISEA), Sophie Flak (Membre du directoire, managing partner ESG et digital, Eurazeo), Stéphanie Gosset (Cofondatrice et directrice générale, Zeway), Benoît Gourlet (Cofondateur, La Virgule), Yves Guiol (Directeur Associé, NCI), MIkes Hayes (membre d'honneur de l'Association Dividendes Climat, KPMG International), Marion Henriet (Directrice impact, CVE), Amaury Korniloff (Président, Zeway), Maxime Labat (Cofondateur, La Virgule), Bertrand Lacoste (CEO, Be Energy), Jérémie Lagarrigue (CEO, EODev), Fabio Lancellotti (Directeur général, Aster), Alban Lapierre (Président, Altyn), Damien Laymond (CEO, IDM France), Julien Lesage (Fondateur et CEO, Hubcycle), Hervé Lucas (Cofondateur, CVE), Pierre-Yves Meerschman (Cofondateur et managing partner, Daphni), Antoine Meffre (Fondateur et PDG, Eco-Tech Ceram), Naoufel Menadi (CEO, Leviathan Dynamics), Karine Merere (Directrice générale, Ademe Investissement), Fanny Moizant (Cofondatrice et présidente, Vestiaire Collective), Léo Mongendre (Membre du comité technique de l'association Dividendes Climat, KPMG International), Sophie Paturle (Cofondatrice et managing partner, Demeter), Baptiste Perrissin Fabert (Directeur général délégué, Ademe), Timothée Poulain (Directeur d'investissement, MAIF Ventures), David Schwarz (CEO, Via ID), Gaëtan Severac (Cofondateur, Naïo Technologies), Jérémie Sicsic (CEO, Keenest), Cécile Tirbonod (Directrice générale, Aster), Anna Turrell (Chief sustainability Officer, Decathlon), Dominique Valentin (Président-fondateur, Relais d'Entreprises), Marie-Anne Vincent (VP Finance, Sweep), Juliette Vogler (CEO, Okamac), Benoit Yameundjeu (CEO, Fifteen).

(1) Équivalent CO2. Unité de mesure utilisée pour comparer les émissions des gaz à effet de serre.