Pour un numérique qui rapproche

HOMO NUMERICUS. Dans un monde de plus en plus numérique, la capacité à embarquer l'ensemble des citoyens est cruciale. Par Philippe Boyer, directeur relations institutionnelles et innovation à Covivio.
Philippe Boyer
(Crédits : Istock)

« Haro sur les PANG ! » C'est à peu près en ces termes, dignes d'onomatopées de bandes dessinées, que Claire Hédon, Défenseure des droits a déploré l'affaiblissement des droits à la mobilité des usagers. Les coupables ? Les « PANG », entendez « Points d'Arrêt Non Gérés » qui depuis plusieurs années envahissent nos gares. Dit plus simplement, il s'agit de l'abandon progressif des guichets au profit d'une multitude de bornes automatiques qui permettent d'acheter ou d'échanger ses billets.

Pour qui maitrise les codes de notre société numérique, ces machines présentent d'indéniables avantages. Pour tous les autres, « éloignés du numérique » qui assistent impuissants à cette numérisation à marche forcée de presque tous les services publics, ces « PANG » sont de redoutables adversaires face auxquels il n'est pas possible d'avouer son manque d'assurance et encore moins son réel besoin d'assistance.

Discrimination

Saisie par un grand nombre d'usagers verbalisés suite à l'impossibilité d'acheter leur billet en gare lorsque cette dernière était dépourvue de guichet, la Défenseur des droits s'est saisie de cette question en rendant une décision censée faire date, demandant ainsi à la SNCF de mettre en œuvre plusieurs recommandations dont celles de «limiter la suppression des guichets dans les gares et la transformation des gares en Points d'arrêts non gérés (PANG), en particulier sur le réseau TER » ou encore « de modifier les modalités de régularisation des voyageurs empruntant des trains au départ d'un PANG». Et d'ajouter que le fait de ne « pas offrir d'alternative à l'achat de billets dématérialisés est susceptible de constituer une discrimination à l'égard de certains usagers, notamment ceux en situation de handicap.»

La confiance, facteur clé pour apprivoiser le numérique

Symptomatique d'une société qui s'appuie de plus en plus sur le numérique, ce sujet dont vient de se saisir la Défenseur des droits illustre le risque que le plus grand nombre décroche face au numérique, voire, et ce serait pire, perde confiance dans ces technologies au motif qu'elles excluent bien plus qu'elles ne rassemblent. À ce sujet, et si la crise sanitaire a considérablement accéléré les usages numériques, année après année, il ressort que la confiance globale envers le numérique, et singulièrement internet, ne progresse pas, voire reste toujours majoritairement minoritaire.

Dans un rapport récemment remis au Premier ministre sur les pouvoirs de contrôle de l'administration, le Conseil d'État prévient sur le risque que notre « pacte social se trouve affecté » notamment du fait de la numérisation à marche forcée de l'administration qui peut créer une distance avec les citoyens, sauf lorsqu'il s'agit de les contrôler... Et comme en écho à l'avis de la Défenseur des droits au sujet des PANG, de poursuivre en mettant en garde sur le risque que nos concitoyens identifient seulement l'État et ses services publics à des « portails Internet et des accueils téléphoniques qui remplacent les guichets... Bref, et selon la juridiction administrative, il ne faudrait pas que l'aspect essentiel de l'expérience que nos concitoyens se font de l'administration soit cette vision réductrice, loin devant les dimensions de conseils et d'accompagnement de nos services publics.

Fracture numérique

Il n'en reste pas moins que ce rappel salutaire du Conseil d'État pour que l'administration s'adapte et soit plus « respectueuse des citoyens et des entreprises » ne pourra réussir qu'en faisant en sorte que l'accessibilité et la simplicité des démarches soient rendues plus intuitives, plus fluides, plus proches... gage d'un regain d'intérêt et partant d'un supplément de confiance pour ces services publics dématérialisés. Pour arriver à cette meilleure appropriation du numérique, l'autre volet consiste à redoubler d'effort pour lutter contre cette « fracture numérique » qui touche près de 13 millions de Français dont, pour la majorité d'entre eux, une situation d'«illectronisme », c'est-à-dire d'illettrisme numérique, car n'ayant aucune compétence numérique de base ou ne sachant pas se servir d'Internet du fait qu'ils ne disposent pas d'un équipement adapté (connexion Internet, ordinateur, smartphone...).

Si un très grand nombre d'initiatives publiques, privées et associatives ont été lancées sur ce thème, tout le défi consiste à fédérer ces multiples initiatives en faveur d'une politique publique d'inclusion numérique a minima structurée en deux volets distincts mais complémentaires : d'une part, parvenir à  combler l'isolement numérique de millions de personnes et d'autre part, poursuivre le travail de simplification et de rationalisation grâce à un numérique humanisé, gage d'une confiance accrue des citoyens envers leurs services publics.

Philippe Boyer

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Commentaires 2
à écrit le 23/07/2021 à 10:28
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Il rapproche un peu, du moins il offre des outils pour mieux se rapprocher physiquement mais si on se contente seulement du numérique c'est la cata assurée. Internet éveille les esprits par contre ça c'est une certitude peut-être un peu trop vite et ...

à écrit le 22/07/2021 à 17:30
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Pensez vous vraiment que le numérique rapproche? Cela permet simplement de s'éloigner sans culpabilité!

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