Présidentielle : les responsables développement durable proposent trois mesures pour accélérer la transition

OPINION. A un mois du premier tour de la présidentielle 2022, le plus grand réseau professionnel français des responsables du développement durable en entreprise se mobilise pour appeler le futur locataire de l'Élysée et tous les porteurs de mandats électoraux à considérer les limites planétaires en tant que données d'entrée de leurs programmes politiques. Par Fabrice Bonnifet, président du Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D) et son Conseil d'Administration.
(Crédits : Claire Grandnom)

Alors que les nations peinent à sortir de la crise sanitaire du COVID et que la folie d'un seul homme entraine le monde dans un conflit tragique aux perspectives incertaines, la crise climatique et de la préservation du vivant restent des thématiques secondaires - du moins sur le front de l'action. Force est de constater que le second volet du rapport du GIEC n'a toujours pas fait la une des médias et encore moins celle des programmes électoraux. Une fois encore, l'agenda, catastrophique, du court terme, balaie celui, dramatique, du long terme !

Une autre boussole pour naviguer dans la tempête

A les écouter, les politiques mesurent tout à l'aune de la sécurité et de l'emploi. Et ils ont raison ! Sur une planète en train de se transformer en étuve, tout va devenir incertain. Comment promettre des emplois stables dans des secteurs qui vont devoir se réformer radicalement ? Comment parler de sécurité quand une large part de la population mondiale ne va plus tarder à réclamer haut et fort une justice climatique ? Il est de la responsabilité des décideurs de dire la vérité et de préparer les populations : oui, nous devons changer notre façon de produire la valeur. Nous ne pouvons plus continuer à valoriser la seule performance financière, sans évaluer objectivement les conséquences délétères des externalités négatives associées à la production.

Trois mesures phares à inscrire d'urgence dans tous les programmes

La responsabilité sociétale, c'est avant tout de reconfigurer une économie compatible avec la crise climatique qui s'exacerbe. Pour les professionnels de la RSE, il est urgent de moins discourir et de plus agir. La première mesure concrète consiste à imposer le déploiement d'un nouveau système comptable qui permettra de maximiser le capital financier, tout en tenant compte de l'essentiel : la préservation du capital naturel et du capital humain. La France s'honorerait de pousser nos partenaires de l'UE pour que la future directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) soit calibrée pour cela - au risque qu'elle vienne rejoindre la longue liste des dispositions bureaucratiques inutiles.

La seconde consiste à reconfigurer les modèles économiques des entreprises par l'intermédiaire d'une fiscalité incitative et de régulations adaptées. Il s'agit de dissuader la fabrication de quoi que ce soit, si l'on ne s'est pas auparavant préoccupé a minima de la fin de vie des produits. La collectivité n'a plus, depuis longtemps, les moyens de réparer les inconséquences des modèles linéaires dominants, qui consistent à extraire toujours plus de matières premières, à fabriquer et vendre des produits à durée de vie éphémère, qui finissent en tant que déchet le plus souvent dans la nature. Pour produire sans détruire et sans altérer les écosystèmes, nous n'avons pas d'autres choix que de privilégier l'adoption de modèles dits de fonctionnalité, basés sur la commercialisation des usages des produits en favorisant par tous les moyens le réemploi.

Enfin, la troisième mesure et sans doute la plus importante : flécher la majorité de nos flux financiers en faveur de la rénovation de nos logements et de nos systèmes de transports (l'ensemble représentant plus de 50% des émissions de CO2), mais aussi pour réimplanter en France une industrie de l'essentiel (alimentation, énergie...), basée sur la sobriété et les circuits courts. Ces investissements sont les seuls qui vaillent à l'ère de la refondation de la géopolitique mondiale et de notre obligation de nous adapter au changement climatique en cours. C'est précisément la conclusion du second volet du rapport du GIEC sorti le 28 février dernier.

Les entreprises ont besoin de courage politique

Ces mesures sont difficiles à présenter dans un programme : on parle bien de plus de régulation et de changements. Mais il est temps d'avoir le courage de dire la vérité. La première est que non, la main invisible du marché ne sera pas capable de corriger les dérèglements qu'elle a elle-même engendrés. La seconde est qu'il y aura de moins en moins d'énergie pour alimenter le système économique et qu'elle sera de plus en plus chère. Au lieu de perpétuer les mêmes fausses croyances d'arbres qui montent au ciel, sachons réinventer les promesses politiques en définissant des plans structurels pour restaurer notre souveraineté alimentaire et énergétique.

Nous ne pourrons pas adresser l'urgence climatique sans accepter avec humilité la finitude des ressources, non pas comme un risque, mais plutôt comme une opportunité pour améliorer le bien-être de tous. Ainsi loin de condamner nos entreprises dans une mondialisation déshumanisée, l'adoption de ces mesures phares adossées à un mécanisme ambitieux d'ajustement carbone aux frontières européennes, confèrerait à la France une plus grande résilience, y compris sur le front de l'emploi, et plus de sécurité. Voilà un programme qui ne manquerait pas d'inspirer les politiques publiques et les entreprises du monde entier.

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Commentaires 2
à écrit le 30/03/2022 à 9:55
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Au lieu de jongler avec la finance, le simple abandon de "la politiques de l'offre", ainsi que de ses indispensables publicités, nous pousseraient vers "le temps long"!

à écrit le 30/03/2022 à 8:32
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Un virus, une guerre et pour finir un great reset ? Ça pourrait marcher en effet mais ça manque cruellement de finesse tout ça quand même hein.

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