Quand la finance durable redessine les processus métiers de la banque

OPINION. Depuis quelques années, la finance durable connaît un essor considérable. La société prend davantage conscience des enjeux sociétaux et environnementaux qui l'entourent, ce qui a pour effet de multiplier ces nouvelles pratiques financières. Par Cécile Joly, CEO de KLS
(Crédits : DR)

Cette mutation progressive impacte directement les banques qui, par leur activité de crédit et leur capacité à inciter leurs entreprises clientes à évoluer, deviennent des acteurs incontournables du changement. Pour répondre à ces nouveaux défis, elles ont dans un premier temps structuré des offres de prêts « verts » qui récompensent des investissements dont l'objet est durable (par exemple, la création de panneaux solaires). Ensuite, elles ont créé les crédits « à impact » qui s'adressent à n'importe quel type d'investissement (pas nécessairement orientés durabilité donc) mais auxquels elles intègrent des critères ESG.

Consommer moins d'électricité, embaucher davantage de femmes... des objectifs sont fixés, et s'ils sont atteints les conditions financières du crédit sont ajustées. Une démarche à priori louable qui est pourtant confrontée à une réalité opérationnelle complexe. Temps, ressources, outils... les banques sont peu ou mal équipées pour suivre et distribuer ces crédits.

Gain financier et meilleure image : les crédits à impact séduisent les entreprises

Difficile de ne pas voir passer les actualités sur les démarches RSE des entreprises, des cabinets de conseils, ou encore des banques. Dès que l'occasion se présente, elles œuvrent à mettre en avant leurs actions sur le sujet. Un engouement qui s'explique par 3 choses  : la prise de conscience « presque » collective évoquée plus haut, la réglementation incitative, voire contraignante, qui voit le jour, et l'enjeu business qui en découle pour chacun des acteurs.

Pour accompagner cette tendance, les banques d'entreprise ont créé les crédits à impact pour inciter - grâce à des conditions financières privilégiées - les entreprises à améliorer leurs pratiques vers la soutenabilité. Les taux d'intérêt applicables sont alors indexés sur des indicateurs ayant un impact positif, eux même basés sur les piliers du Pacte Vert, le bien être des salariés, ou sur le respect de bonnes pratiques de gouvernance (critères ESG(1)).

Ces offres de financement sont plébiscitées par les entreprises qui y voient un grand intérêt pour réaliser leur transformation tout en minimisant leurs coûts directs ou indirects. C'est aussi un moyen pour elles de montrer à leurs partenaires, clients, et collaborateurs leurs actions positives.

Gestion de ces nouvelles offres : un défi à relever pour les banques

D'après une étude du cabinet Redbridge ce sont désormais 57% des grandes entreprises qui ont contracté des prêts à impact contre seulement 35% il y a un an. La projection s'élève à plus de 75% à un horizon de dix-huit mois, et atteint 96% à cinq ans. Il est fort à parier que cette tendance sera identique sur le segment des ETI et PME dans les prochains mois.

Cette hausse d'activité risque cependant de désorganiser les métiers post trade(2). S'il est aisé de lancer ces offres, leur suivi s'annonce plus compliqué. Cela demande aux banques de mettre en place un processus de récupération de l'information auprès du client pour chaque critère, de suivi, et de communication interne efficace pour pouvoir appliquer les impacts marge contractuels. Il est vraiment essentiel de trouver des moyens pour fluidifier et simplifier les relations avec leurs emprunteurs, au risque sinon de les perdre face à la concurrence accrue. Ajoutez à cela la nécessité de calculer le Green Asset Ratio(3) pour faire un reporting de l'impact carbone des activités financées. Multipliez-le par le nombre de nouveaux contrats, et cela devient un vrai casse-tête.

La transformation des processus métier grâce au digital : une solution pour sortir de cet écueil

La « digitalisation » est un terme très large auquel on peut attribuer beaucoup de choses. Mais il a le mérite d'avoir marqué l'histoire de ce début de siècle en transformant certains métiers pour leur faire gagner en efficacité. Mirakl, Payfit, Doctolib... pour ne citer que quelques startups connues, sont des exemples très concrets d'entreprises qui ont su le faire. Dans le cas de la gestion des crédits à impact, la solution est identique. Il faut une plateforme digitale dédiée qui permet aux banques d'absorber cette nouvelle typologie de financement. C'est d'autant plus vrai que, pour préserver leur rentabilité, elles ne pourront pas augmenter leurs effectifs.

Finalement, ce qui va donner un coup d'accélérateur au changement, c'est la réglementation qui va se durcir. À titre d'exemple, si à date le Green asset ratio est déclaratif, il est quasiment certain que demain des seuils à atteindre seront exigés afin d'encadrer cette mesure. Pour éviter de se retrouver face au mur, les banques devront alors repenser leur fonctionnement.

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(1) ESG pour Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance

(2) Post Trade : activités qui prennent place après la signature d'un crédit

(3) Le Green Asset Ratio calcule la proportion des actifs de l'établissement bancaire investis dans des activités économiques durables (conformément à la classification de la taxonomie verte européenne).

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