Salaire des patrons : l’autorégulation n’existe pas, il faut légiférer !

Si la rémunération d'un grand patron correspondait à un quelconque génie, leur disparition parfois brutale affecterait l'appréciation de l'entreprise. Il n'en est rien. Cette caste de dirigeants ne reviendra jamais d'elle même à la raison. Il faut donc en passer par la loi. Par Benoît Hamon, député PS, ancien ministre

Le débat sur le salaire des grands patrons a opportunément ressurgi avec la publication de la rémunération de Carlos Ghosn. Les rémunérations des patrons du CAC 40 choquent par leurs montants. Elles choquent par l'écart qui existe entre les efforts consentis par les salariés et les gratifications que s'attribuent ces patrons. Elles choquent parce que ces rémunérations des dirigeants semblent échapper aux aléas économiques : on liquide ses stocks options quand l'entreprise va bien ou on profite de son parachute doré quand l'entreprise va mal. Elles choquent car les bons résultats de ces chefs d'entreprise passent toujours sous silence ce qu'ils doivent parfois à l'intervention de la puissance publique dans la bonne santé de leur entreprise.

Un marché des patrons, comme pour les joueurs de foot?

L'argumentation principale du patronat pour défendre ces rémunérations indécentes aux yeux de la majorité des français est inchangée. Il existerait un marché des patrons comme il existe un marché des joueurs de football ou un marché des grands acteurs. Une vedette ça se paye. Ce qui est rare est cher. Carlos Tavares patron de Peugeot est donc comparable à son compatriote Cristiano Ronaldo. Carlos Ghosn est comparable à Antoine Griezmann. Pourquoi ce marché si fermé existerait-il ? Parce que selon les membres du club très fermé des grandes fortunes, la productivité marginale associée aux décisions du dirigeant est extrêmement élevée.

Si ce facteur « patron » est si influent sur la santé économique de l'entreprise et la valeur de son action en bourse, on peut supposer que la disparition d'un grand patron se traduit invariablement par une chute de la valeur de l'entreprise.

 Ces disparitions de patrons qui n'affectent pas la valeur en bourse de l'entreprise

Trois exemples récents semblent démontrer le contraire.

Le premier frappe l'esprit. Il s'agit de la disparition de Steve Jobs. Steve Jobs c'était Apple. Apple c'était Steve Jobs. La marque se confondait avec son créateur et vice versa. En l'espèce, observer l'impact du décès de Steve Jobs sur Apple est particulièrement intéressant quand on sait que la société créée dans un garage de Los Altos en Californie est devenue la première capitalisation boursière au monde. A l'annonce du décès de Steve Jobs, la valeur de l'action Apple perdait 0.23% en clôture du marché à New York. La force et le leadership exercés par les produits phares d'Apple sur leurs marchés respectifs ainsi qu'une liste d'innovation à venir sur les 10 ans ont assis la valeur boursière d'Apple au point qu'elle soit quasi insensible au décès de son fondateur.

Second exemple : en 2006 disparaissait subitement lors d'une sortie en mer, Edouard Michelin. Le patron de la célèbre firme de pneus de Clermont-Ferrand est mort brutalement dans des conditions très différentes de du décès de Steve Jobs dont le cancer était connu depuis longtemps. La mort accidentelle d'Edouard Michelin impacte le cours de l'action de 0.59% au moment de la clôture de la bourse de paris le jour de l'annonce du décès. Ainsi, le décès accidentel du dirigeant a eu un impact léger sur le cours en Bourse. Grâce à une gouvernance stable et à la forte influence de la famille Michelin sur le groupe, l'action n'a que faiblement varié à la baisse.

Enfin le 20 octobre 2014, Christophe De Margerie patron « hors-norme » de Total disparaissait tragiquement lors du crash de son avion en Russie. Après une ouverture en baisse de 2 %, le titre Total a rapidement repris le dessus, affichant un gain de 3 % dans l'après-midi. Le Figaro commentait la nouvelle ainsi « Voilà la meilleure preuve du bien-fondé des organes de gouvernance, organisés pour faire face à une disparition aussi brutale, et de la robustesse de l'entreprise qui demeure l'un des géants de son secteur, quelle que soit l'identité de son pilote ».

 Selon ces trois exemples, la disparition de trois patrons aux compétences et qualités unanimement reconnues n'a eu qu'un impact insignifiant sur la valeur de l'entreprise qu'ils dirigeaient.

Zidane, Messi: de rares génies

 Le génie existe et il peut parfaitement trouver à s'épanouir dans des fonctions de dirigeants d'entreprise. Mais le génie est rare. C'est qui explique qu'en football un Zidane ou un Messi aient été ou soient aussi bien payés. Mais revenons aux grands patrons. Toutes leurs rémunérations sont élevées même quand ils sont défaillants. Et c'est bien aussi cela que les salariés et citoyens leur reprochent. Elles ne distinguent pas vraiment les bons des mauvais. Elles placent en haut de l'échelle sociale une caste de dirigeants dont les revenus augmentent constamment. Constatant l'échec de l'autorégulation qui dans ce domaine relève du mirage tenace, et pour ceux parmi les dirigeants politiques qui y croient encore relève de la crédulité coupable, il est nécessaire de légiférer pour encadrer la rémunération des grands patrons.

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Commentaires 17
à écrit le 28/06/2016 à 21:37
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Monsieur Hamon, Voilà une thématique loin d'être dénuée d'intérêt. Comment pourrais-je en dire autrement ? Sachez que vous évoquez-là mon sujet de thèse : "Evénement de santé du dirigeant et incidence financière sur l'entreprise : une étude compar...

à écrit le 11/06/2016 à 2:00
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De tels écarts de salaires ne datent que depuis les années 80. Benoît Hamon a effectivement raison mais c'est un problème à traiter au plan international et ce n'est pas gagné !

à écrit le 10/06/2016 à 19:46
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Hamon avec Aubry, Hidalgo.... Lebranchu.... Paul, Filoche.... et d'autres constituent l'Aile Communiste du P.S

le 11/06/2016 à 17:27
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En quoi faire une remarque de bon sens, à savoir que les changements de ces soi-disant grands patrons n'affectent en rien ni la valeur en bourse, ni la performance de ces sociétés, peut vous faire passer pour communiste. Pour votre culture, je me ...

à écrit le 10/06/2016 à 17:38
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Qui est Benoit Hamon ? Qu'a-t-il fait dans sa vie à part brasser de l'air au frais du contribuable? Par Egalité et Fraternité si je comprends bien, tous les salaires et indemnités doivent être limitées. On commence par les élus? Dès demain, aller chi...

à écrit le 10/06/2016 à 16:47
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Il y a beaucoup de salariés dans les entreprises qui refusent de devenir chef, manager, directeur ou patron, même pour des rémunérations plus élevées. Peut être Benoit Hamon pourrait il nous expliquer pourquoi, s'il ne s'agissait que de pouvoir accéd...

le 11/06/2016 à 17:39
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"La réalité est que cela correspond à une charge de travail et une pression très supérieures que la rémunération peine souvent à compenser." : Pas forcément... On peut trouver son bonheur dans la réalisation plutôt que dans l'encadrement. Pour ce qu...

à écrit le 10/06/2016 à 16:36
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Je suis passé devant la Marie. Je lis Égalité, Fraternité. Si la loi limite le salaire des grands patrons, il faut pour respecter cette devise. Si elle est vraie. Que cette même loi fixe une limite pour les sportifs professionnels, les chanteurs, les...

à écrit le 10/06/2016 à 14:55
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Evidemment le problème dans le cas des multinationales est qu'on peut facilement contourner la législation d'un pays...Sur le fond je crois également comme BH que la ressource n'est pas si rare que ça mais qu'il y a simplement un plafond de verre déf...

à écrit le 10/06/2016 à 14:17
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Cet article témoigne de façon éloquente du bourbier où la gauche héritière des grands intellectuels des années soixante, est tombée. Il ne s'agit pas de nier que les footballeurs cités n'aient quelque valeur sportive mais le moindre zigoto de l'...

à écrit le 10/06/2016 à 13:59
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l'idee est bonne je propose qu'on commence par legiferer sur les salaires des politicards, y compris ceux ( et celles, surtout) qui villipendent le cumul des mandats mais expliquent la bouche en coeur quand elles se font prendre les doigts dans le p...

à écrit le 10/06/2016 à 13:48
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Hallucinant, lire un gôche-gôche qui justifie le salaire d'un joueur de foot qui est payé pour taper dans ballon, et attaque le salaie du patronat en general, on a juste envie de le renvoyer a son bac a sable. Un grand patron est cher parce que gouv...

à écrit le 10/06/2016 à 11:30
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Lire un politique affirmant que l'auto-régulation çà ne marche pas dans l'entreprise, on a juste envie de répondre qu'en politique non plus. Dès que quelqu'un attaque les avantages auxquels ils ont droit (recrutement, rémunération, cumul de fonctions...

à écrit le 10/06/2016 à 11:11
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Petit détail sinon M. HAMON. On dit "avoir un impact" et non "impacter". Je ne suis pas un génie du français, loin de là, mais déjà que ça me déprime de remplir mes grilles du "bingo des réunions", j'espère ne pas bientôt devoir sortir des grilles...

à écrit le 10/06/2016 à 11:01
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Si les politiques légifèrent, les sociétés vont filer à l'étranger. Les sièges sociaux iront à Londres ou New-York. Il faut rappeler aux socialistes que nous sommes au 21 ème siècle et que les capitaux circulent librement et que la concurrence ent...

le 10/06/2016 à 14:58
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Sauf que de plus en plus d'américains et d'anglais en ont marre eux aussi donc la situation n'est pas nécessairement immuable.

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