Télétravail, pourquoi ça coince encore ?

Le télétravail peine à s'imposer dans les entreprises françaises, dont les services RH et le management veulent garder le contrôle sur les employés. Pourtant, il s'agit d'un important gain de productivité, et donc de croissance. Par Anne-Charlotte Mazet, directrice de clientèle TeamViewer
Une étude de la caisse des dépôts de 2014 souligne les effets positifs du télétravail : baisse de l'absentéisme estimée à 5,5 jours par an par télétravailleur ; augmentation des heures de production due au réinvestissement partiel du temps gagné dans les transports ; croissance de la productivité journalière estimée à 7%.

En finir avec la culture du présentéisme et le management de contrôle. Est-ce vraiment possible ? C'est, pourtant, le défi que devra relever les directions RH, encore nombreuses à percevoir le télétravail, non comme projet d'organisation de l'entreprise, mais comme un avantage supplémentaire accordé au salarié. Le chemin vers une acceptation du télétravail, dans un environnement où la présence compte plus que le résultat, promet d'être long et difficile.

Présentéisme et idées reçues

Il existe une exception culturelle française, en matière de télétravail. Il semble que les directions RH ne jurent que par le management de contrôle ou de « suspicion ». Si vous n'êtes pas là, eh bien c'est que vous ne travaillez pas ! En somme, le télétravail ou « home office », va à l'encontre des pratiques managériales traditionnelles ou admises. Loin des théories, dans les faits, 59% des salariés souhaiteraient pouvoir télétravailler, au moins plusieurs jours par semaine ou de temps en temps, d'après les résultats d'une étude de l'institut Odaxa, publiée en avril 2015. Le chiffre est là, parlant. Hors des frontières ? Le besoin est le même, les réponses différentes : en Grande-Bretagne, depuis l'an dernier, et aux Pays-Bas, depuis cet été, télétravailler est devenu un droit, reconnu par la loi. L'employeur ne s'opposera à une demande que, s'il est en mesure de justifier son refus par des arguments recevables.

Comment expliquer que nous sommes, une fois de plus, à la remorque des pays anglo-saxons et scandinaves, déjà adeptes du home-office ? Réponse : à en croire 52% des salariés, les obstacles au télétravail en France sont liés à un manque de confiance des employeurs. Pis, 28% évoquent un refus de principe du management. Les optimistes diront, qu'il faut y voir une forme de résistance naturelle au changement. Les plus critiques soutiendront qu'il s'agit d'une peur de perte de contrôle sur le personnel.

Quand le sexisme s'en mêle

Nous sommes d'avis, qu'il faut faciliter l'accès au télétravail, compte tenu des difficultés de plus en plus grandes à concilier vie professionnelle et privée. Pour preuve, 55% des parents occupant un emploi, estiment compliqués de s'occuper de leurs enfants, et 49% indiquent éprouver des difficultés à passer du temps avec leur conjoint, d'après les résultats d'une enquête TNS-Sofres, menée auprès de 1026 salariés français, en 2014. Doit-on parler d'urgence ?

Au-delà des chiffres, un effort devra aussi être mené pour mettre un terme à l'idée qui voudrait que le télétravail est une forme de caprice féminin. Plusieurs études récentes mettent à mal cette idée reçue, en montrant que les hommes sont plus nombreux à y recourir. La raison ? Les femmes sont moins nombreuses à occuper des fonctions où le télétravail est répandu. Mais, plus grave : un homme qui souhaite télétravailler a plus de chance d'obtenir une réponse positive qu'une femme. Cette dernière sera perçue comme exprimant purement et simplement une énième requête, quand l'homme qui demandera un aménagement pour être au plus près de sa famille, sera vu comme un héros sacrifiant sa carrière...

Des avantages et pourtant des freins

La difficulté du télétravail à s'imposer en France aurait pu s'expliquer par des lacunes technologiques. Mais, il n'en est rien. Aujourd'hui, les entreprises disposent de toutes les technologies utiles au travail à distance : visioconférence, ordinateur portable, messageries instantanées, calendrier partagé, smartphones, etc. Nous aurions pu évoquer des désavantages pour la productivité. Là aussi, il n'en est rien.

Une étude de la caisse des dépôts de 2014 souligne les effets positifs du télétravail : baisse de l'absentéisme estimée à 5,5 jours par an par télétravailleur ; augmentation des heures de production due au réinvestissement partiel du temps gagné dans les transports ; croissance de la productivité journalière estimée à 7%. Le cumul de ces trois effets conduit à évaluer la hausse de la production à 13%. En télé-travaillant, l'employé est donc plus rentable pour l'entreprise. Si les freins ne sont liés ni aux technologies, ni aux méthodes de travail, ils sont à trouver ailleurs, et notamment dans une culture d'entreprise dépassée.

Gardons tout de même à l'esprit qu'en matière de télétravail, la France est un jeune pays. N'oublions pas, en effet, que le cadre juridique du télétravail a été posé il y a à peine trois ans. Si la France entend, normaliser le recours au télétravail ou légiférer en ce sens, elle devra progressivement adopter un management de confiance. Elle devra aussi s'interroger sur l'organisation du travail, dans un monde où la mobilité s'est banalisée. Le chemin promet d'être long et difficile, mais pas impossible.

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