Une logistique performante au service de la réindustrialisation et du verdissement de l’économie

OPINION. L'importance des chaines d'approvisionnement et de distribution n'est pas une nouveauté. Dimension déterminante des armées depuis Jules César, la logistique a ensuite accompagné le développement de l'industrie et de la consommation de masse. Elle est devenue une fonction centrale de la société tout en restant largement invisible au quotidien, victime de son efficacité, suivant l'adage selon lequel « l'intendance suit ». Par Thomas Courbe, Directeur général des Entreprises (Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique) et Thierry Coquil, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires)
Thierry Coquil, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités au ministère de la Transition écologique Thomas Courbe, patron de la Direction générale des Entreprises à Bercy.
Thierry Coquil, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités au ministère de la Transition écologique Thomas Courbe, patron de la Direction générale des Entreprises à Bercy. (Crédits : DR)

La crise sanitaire a agi tel un rappel sur le caractère toujours stratégique de la logistique qui a approvisionné les magasins et acheminé des milliards de masques. Le conflit en Ukraine a renforcé ce constat. La logistique est un enjeu public majeur de souveraineté - pour disposer des ressources énergétiques, matières premières et composants essentiels - et de transition écologique. Sans une logistique plus durable, l'atteinte des engagements écologiques semble compromise : malgré des efforts, le niveau d'émission de CO2 des transports de marchandises reste au-dessus de 1990 et représente plus de 10% des émissions totales.

Des centaines de milliers de postes à pourvoir d'ici 2030

Le secteur logistique rassemble en France près de 2 millions de personnes, il conditionne, entrepose et achemine 320 milliards de tonnes-kilomètres par an dont près de 90% grâce aux 600.000 chauffeurs de véhicules de transport routier de marchandises. Ces métiers de la logistique sont un des premiers gisements d'emploi - plusieurs centaines de milliers de postes à pourvoir d'ici 2030 - certains hautement qualifiés, comme en témoigne le succès d'Exotec, première licorne française spécialisée dans l'aménagement automatisé des entrepôts.

La performance de la logistique française est une condition de succès de la politique de relocalisation lancée par le ministre Bruno Le Maire dès 2017. Plus du tiers des entrepôts logistiques du pays sont en effet destinés à l'industrie hors agroalimentaire. La direction générale des entreprises et la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités ont lancé une première stratégie logistique en 2019 avec les acteurs privés, réunis sous l'égide de l'association France Logistique, pour renforcer sa compétitivité, améliorer sa qualité de service et verdir ses modes de transport. La stratégie nationale de la logistique annoncée par Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'Industrie, et Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, lors du 3e Comité Interministériel de la Logistique (CILOG) du 12 décembre 2022, doit nous permettre d'accélérer encore.

Décarbonation, premier enjeu du secteur

La décarbonation est le premier enjeu du secteur : depuis le premier CILOG en 2020, l'Etat a investi 2 milliards d'euros pour renforcer l'utilisation de modes de transports moins énergivores comme le train ou les péniches et les premiers chiffres de 2021 sont encourageants : le fret fluvial a progressé de 4% et le fret ferroviaire a augmenté de 14,3% portant la part modale de 9 à 11% en 2021.

Le transport routier restant majoritaire, l'Etat accompagne l'achat de poids lourds électriques et l'émergence d'une filière française de véhicules lourds électriques comme ceux assemblés par Renault Trucks à Blainville-sur-Orne et Bourg-en-Bresse. L'appel à projets « Ecosystèmes des véhicules lourds électriques » dont les lauréats ont été annoncés au CILOG 2022 est une première étape en vue d'économiser à terme 30.000 tCO2/an via 65 millions d'euros de soutien public. Il est pérennisé en 2023.

En deuxième lieu, l'activité logistique continue à optimiser son usage du foncier : elle représente moins de 1% de la consommation foncière mais doit participer à la réduction de l'artificialisation des sols et s'intégrer de façon vertueuse dans les équilibres territoriaux. Une démarche d'excellence environnementale a été engagée avec les professionnels de l'immobilier logistique via la signature d'une charte en juillet 2021. D'ici 2040, les nouveaux entrepôts logistiques devront être neutres en carbone comme c'est déjà le cas pour le projet Prologis/Monoprix de Moissy-Cramayel. En 2022, plus de 60% des projets d'entrepôts suivis dans le cadre de la charte ont été construits sur des friches et plus de 85% avec une couverture partielle en panneaux photovoltaïques.

Par ailleurs, la logistique urbaine, essentielle pour l'approvisionnement quotidien, la gestion des déchets et l'aménagement des villes, doit s'adapter à des modes de consommation qui évoluent vite, à la structuration des circuits courts et aux enjeux de pollution des  centres-villes. L'Etat soutient chaque année l'achat de 9.000 véhicules utilitaires légers (VUL) pour 40 millions d'euros grâce au bonus écologique. En partenariat avec les acteurs privés, l'Etat conçoit de nouveaux outils pour suivre en temps réel l'occupation des aires de livraisons et fluidifier les trajets.

Suivi de marchandises

Enfin, le dynamisme de l'écosystème français d'innovation en logistique est un atout pour répondre à ces enjeux. Accompagnée à hauteur de 90 millions d'euros dans l'appel à projets Logistique 4.0, la filière s'est mobilisée pour proposer des solutions innovantes : par exemple, la filiale Nealog de La Poste optimisera le remplissage des camions pour diminuer leur impact carbone et la start-up Dashdoc permettra aux transporteurs de calculer l'impact environnemental de leur flux. Toutes ces innovations permettront d'éviter à terme plusieurs centaines de milliers de tCO2/an. Les technologies numériques doivent aussi faciliter l'entrée et le suivi des marchandises sur le territoire.

La filière logistique française dispose de tous les atouts pour devenir l'une des plus performantes et décarbonées d'Europe, au service de la réindustrialisation des territoires. Ses défis sont stimulants et décisifs pour le bon fonctionnement de la société. Il faut accélérer encore en renforçant le partenariat à toutes les échelles entre l'ensemble des acteurs publics et privés.

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Commentaire 1
à écrit le 19/01/2023 à 9:16
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Les entrepôts logistiques y en a beaucoup qui sont proches d'une ligne de train, voire y ont accès pour charger des wagons et non pas des camions ? C'est moins flexible que la route mais pour tout ce qui est routine, prévisible, régulier, le train ça...

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