« Un Parlement des Entrepreneurs d’avenir pour humaniser le progrès » (Jacques Huybrechts)

Jacques Huybrechts, fondateur du Parlement des Entrepreneurs d’avenir, explique les enjeux du 10e anniversaire de cet événement qui se tiendra à l’OCDE les 22 et 23 janvier.
Philippe Mabille
Jacques Huybrechts, fondateur du Parlement des Entrepreneurs d’avenir.

LA TRIBUNE - Le Parlement des Entrepreneurs d'avenir fêtera ses 10 ans à l'OCDE, enceinte emblématique et inspiratrice, depuis soixante ans, de l'économie capitaliste dominante. Comment célébrer ces dix années d'un rassemblement quasi annuel (huit éditions, à Paris, Lyon, Nantes et Bordeaux), inauguré en juin 2009, sur les braises de la crise financière des subprimes ?

JACQUES HUYBRECHTS -  Avec beaucoup de gravité, bien sûr, et une immense détermination au regard du plus grand défi que l'humanité ait eu à relever dans son histoire : assurer sa survie et celle du vivant sur Terre. Les conséquences et les coûts du réchauffement climatique et de la perte dramatique de la biodiversité sont effroyables. En 2019, les catastrophes climatiques, soit une quinzaine d'événements météorologiques majeurs, coûteront plus de 140 milliards de dollars, sans compter les pertes humaines, d'espèces animales et végétales. Les 22 et 23 janvier, nous n'aurons pas le temps de nous retourner sur les dix années passées tant les urgencesqui sont devant nous doivent nous mobiliser totalement. Faisons, malgré tout, un léger retour en arrière et rappelons que le Parlement des Entrepreneurs d'avenir, tire sa raison d'être d'une réaction à la crise financière de 2008 qui, loin d'être conjoncturelle, s'est avérée être l'un des symptômes de l'ébranlement de notre civilisation thermo-industrielle.

L'ambition du Parlement, à ce moment-là, fut de s'attaquer au moteur de l'économie, aux entreprises, en appelant d'urgence à repenser un modèle économique en redéfinissant l'entreprise au regard d'un impératif d'équilibre social et environnemental. Le Parlement avait été ouvert, à l'Assemblée nationale, par Nicole Notat, ex-dirigeante de la CFDT, qui dix ans plus tard, inspira, par son rapport coécrit avec Jean- Dominique Senard, l'actuel PDG de Renault, la loi Pacte et, spécifique- ment, l'une des grandes évolutions législatives françaises de ces dernières années : la modification de l'article 1833 du Code civil qui touche l'objet social de l'entreprise et la  nécessité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux comme impératif de bonne gestion. La loi ajoute la possibilité d'insérer une « raison d'être » dans les statuts, c'est-à-dire une finalité supérieure qui la relie aux défis humains et écologiques et reconnaît l'entreprise à mission, qui permet à des organisations, à leurs dirigeants et actionnaires d'aller plus loin dans leur volonté contributive au bien commun et à la transformation du monde.

Cette évolution est une petite victoire bien sûr, fruit d'une maturation culturelle du monde économique et poli-tique sur le rôle et la contribution des entreprises, qui a fait passer la RSE d'une démarche normative à une vocation transformatrice de l'économie et du monde. Plus que jamais, un devoir de vigilance sur l'intentionnalité et la sincérité des engagements s'imposera. Le Parlement des Entrepreneurs d'avenir a participé avec beaucoup d'autres à ce repositionnement et a été ces dernières années la caisse de résonance des grandes évolutions économiques et sociétales, et le rassemblement des forces vives entreprenantes pour la transformation du monde et de la société. Parmi ces avancées historiques, dont le Parlement s'est aussi saisi depuis dix ans et qu'il faut rappeler, et ce, malgré le chemin qu'il reste à faire, le progrès de l'égalité entre les hommes et les femmes, marqué par le soulève- ment mondial des femmes à la suite de l'affaire Weinstein, est la plus éloquente. Nous avions lancé le Parlement du féminin en décembre 2017 pour accueillir ce nouvel humanisme en mouvement.

Quel sera le thème du Parlement des Entrepreneurs d'avenir en 2020 ?

D'un travail de plus de dix-huit mois, en intelligence collective avec plusieurs dizaines de dirigeants et d'acteurs engagés, et du sentiment de gravité et d'urgence qui nous anime, une ambition s'est forgée. Le Parlement des Entrepreneurs d'avenir doit participer à entraîner une aspiration commune à un monde résilient, cohérent et soutenable. Nous proposons de faire cause commune autour d'une refondation du progrès et de nous donner des raisons d'espérer, d'agir et d'entreprendre pour l'avenir de notre espèce sur cette planète que nous voulons préserver. Nous avons cru depuis plus de deux siècles à un âge du progrès par l'avancée des sciences et des technologies et la quête d'une émancipation de notre réelle condition de terrien. Nous avons pris la terre pour un réservoir inépuisable de ressources destiné à réaliser nos vœux de bien-être infini. L'addition se paie cher. Le prix est un effondrement de la biosphère et une menace d'extinction du vivant. Choisi ou subi, c'est la fin d'un monde à laquelle nous assistons et que nous devons acter pour donner un autre sens à l'avenir et au progrès. Certains pourraient voir dans cette refondation une régression. Nous y voyons une occasion merveilleuse de réconciliation et de recentrage pour l'humanité qui doit se faire gardienne des biens communs.

La tâche est tellement vaste que nous appelons tous nos alliés à converger vers cette mis-sion et à se réunir au Parlement les 22 et 23 janvier, au siège de l'OCDE, à Paris. Nous ouvrirons un chapitre dont le thème sera « Humanisons le progrès », qui devrait séquencer les dix prochaines années. Nous y avons convié plus de 150 acteurs du changement, français et internationaux, principaux témoins de ce Parlement, tous déjà attelés à la tâche dans leur domaine, qui seront questionnés et stimulés par 1 500 participants (entre- preneurs, intrapreneurs, chercheurs, politiques et jeunes). Les grandes questions du Parlement seront: quel horizon et renouveau donner à nos économies, nos sociétés et nos vies, en prenant en compte les limites terrestres ? Comment réaffecter d'urgence nos imaginations, innovations, moyens financiers et humains vers une autre civilisation ajustée à la Terre et au vivant ? Comment renouer nos liens avec la nature et revoir les cadres juridiques, économiques dans lesquels les rapports transactionnels et productifs s'opèrent ?

Nous proposerons la métamorphose des organisations et des dirigeants. Pour les premières, dans leur capacité à s'appuyer sur de nouvelles raisons d'être et missions prenant part activement à l'intérêt général et à la résilience écologique et sociétale. Pour les leaders, dont l'obsolescence semble programmée, en tout cas dans l'exercice d'un management directif, vertical et prédateur, le Parlement montrera de nouvelles voies et l'émergence d'un nouveau leadership collaboratif, altruiste et éclairé. Refonder le progrès nous engage à cultiver l'inclusion sous toutes ses formes. Alors comment bâtir concrètement une économie et une société vraiment inclusive ? Comment offrir à tous la possibilité de travailler décemment et de s'accomplir en contribuant positive- ment à la performance de son organisation, mais aussi à une transformation du monde ? Cette recherche de sens est très largement souhaitée par les jeunes qui depuis des mois se mobilisent pour ,le climat et nous disent leur attente de donner un sens à leur carrière. Le Parlement des Jeunes que nous ouvrirons le 23 janvier, à l'OCDE, en présence de nombreux étudiants, présentera leurs engagements et ils questionneront, sans concessions, quelques entreprises sur cette quête d'« entreprise idéale ».

La raison d'être des entreprises peut- elle vraiment changer quelque chose au rôle de la finance ?

Depuis sa création Le Parlement interpelle l'univers financier pour l'exhorter à changer de paradigme, à sortir de son fonctionnement autotélique et à reprendre sa place, c'est-à-dire à se ,concentrer sur le soutien à l'activité économique productive utile à l'emploi et à la société, et à prendre une part beaucoup plus active à la résilience écologique et à l'intérêt général.

Le Parlement lance pour la première fois un « Appel à une finance de progrès social et environnemental » qui sera proposé à toute la profession financière. Cette nouvelle finance appelle une nouvelle mesure de la richesse créée. Le Parlement s'est saisi de cet enjeu depuis sa fondation et a choisi, cette année, d'appuyer les initiatives innovantes et partagées qui participent à une transparence de la mesure d'impacts positifs et négatifs.

C'est l'avenir de notre planète qui se joue dans les chiffres et les comptes. Ce Parlement 2020 annonce une décennie d'audace, d'enthousiasme et, plus que jamais, d'imagination au service de priorités et d'une forme de radicalité. La demi-mesure n'est plus possible. Les entrepreneurs d'avenir sont de plus en plus nombreux. Les jeunes affluent maintenant, d'autres se convertissent face à l'évidence, et une marée de contributeurs positifs monte, se mettant au service d'une cause commune, à la surface d'une planète fragile à partager, à protéger et à aimer.

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BIO EXPRESS

1985 : Première édition de l'Université de la Terre à l'Unesco.
1989 : Lance la Cité de la réussite.
1990 : Cofondateur de l'agence de communication CHK
2009 :  Création du premier Parlement des Entrepreneurs d'avenir.

Philippe Mabille

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Commentaires 2
à écrit le 21/01/2020 à 18:56
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L’idée est la suivante : Pensez vous «  vraiment » qu’un avenir peut il être possible même en mode survie pour une humanité qui a pour fondement des mensonges , des souffrances , des inégalités, des injustices, des crimes et des abus ?

à écrit le 21/01/2020 à 8:55
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Faut il affirmer un avenir meilleur sous condition humaniste sachant que nous ne faisons que cela, surtout nous autres européens mythomanes repus de dirigeants politiques démagogiques et mythomanes, depuis des décennies avec tellement peu de résultat...

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