Bourgogne-Franche-Comté : « Nous avons une carte à jouer sur le nucléaire et une autre sur l'hydrogène » (Laurent Fraisse, Banque de France)

Après la publication d’une enquête réalisée par la Banque de France, auprès de 1.283 entreprises régionales, entre décembre 2023 et janvier 2024, Laurent Fraisse, directeur régional de l'institution résume pour La Tribune les faits marquants en 2023, les projections pour 2024 et les défis à relever. Il s'agit de la seule région ayant connu une croissance négative en 2023 mais cette dernière compte sur sa production nucléaire et hydrogène pour se relancer en 2024.
Laurent Fraisse, directeur régional de la Banque de France.
Laurent Fraisse, directeur régional de la Banque de France. (Crédits : Amandine Ibled)

LA TRIBUNE - Que faut-il retenir de l'année 2023 ?

LAURENT FRAISSE - Le ralentissement de l'industrie en Bourgogne-Franche-Comté (la région enregistre une baisse de 1,7 % de son activité industrielle en 2023, NDLR) est un élément marquant puisqu'il s'agit de la seule région qui se retrouve en repli. Trois éléments peuvent expliquer ce ralentissement.

Cette baisse s'explique d'abord par les difficultés de la filière automobile, importante dans la région. Celle-ci doit se transformer pour aller vers l'électrique et a aussi souffert des pénuries de microprocesseurs qui ont pénalisé les constructeurs dans la fabrication de certains modèles de véhicules. Mais la région a aussi souffert de la mutation du secteur de l'emballage vers moins de plastique et d'emballage à usage unique. Enfin, les entreprises locales qui fabriquent des composants pour le bâtiment, tels que les menuiseries en aluminium, par exemple, ont aussi été impactées par le ralentissement de l'activité du bâtiment.

A noter, cependant, la construction tient toujours globalement avec une légère baisse de l'activité en volume, de 1%. En réalité, il y a surtout un ralentissement dans le gros œuvre dû à la baisse des achats neufs des particuliers qui s'explique, en partie, par la hausse des taux d'intérêt qui peuvent rendre difficile le plan de financement pour certains ménages. Du côté des entreprises, on constate également un ralentissement de certains investissements avec des projets qui sont différés. En revanche, l'activité de rénovation des bâtiments reste dynamique parce qu'il y a encore des incitations gouvernementales, telle que Ma Prime Renov' pour les particuliers et pour les entreprises, des incitations à améliorer le bilan énergétique des bureaux.

Les services aux entreprises restent toujours très dynamiques (le secteur enregistre une hausse de 7,8 % de chiffre d'affaires l'année dernière, NDLR), les activités hôtels-restaurants-loisirs augmente leur chiffre d'affaires de 7,1 % tout comme l'ingénierie (+10,1%) et les transports (+3,7%).

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Quelles sont les perspectives en 2024 ?

Les 1.280 chefs d'entreprise de la région interrogés nous disent que l'industrie devrait reprendre un peu de couleurs avec une légère croissance du chiffre d'affaires en volume et en valeur (+1,9% du chiffre d'affaires). Si le secteur automobile est en cours de mutation, des relais de croissance sont à venir, notamment dans le nucléaire ou énormément d'emplois sont recherchés. Les résultats de cette croissance devraient se faire sentir en 2024 et 2025.

L'hydrogène est également un secteur sur lequel la région mise fortement. C'est quelque chose que l'on ne voit pas pour le moment dans les chiffres parce que l'industrie reste un élément très important dans le paysage de Bourgogne-Franche-Comté. Pourtant le secteur représente déjà 24% des effectifs de toute l'industrie. Mais, avant de voir un effet nucléaire ou un effet hydrogène, il y a un effet de latence avec lequel il va falloir patienter.

Les services devraient rester dynamique en 2024 et se retrouver à nouveau en croissance.

Sans surprise, le secteur de la construction va se retrouver en repli et notamment le gros œuvre avec quand même toujours une certaine résistance du secteur du second œuvre, notamment lié à la réhabilitation des logements. Sachant que le parc de logement en Bourgogne-Franche-Comté est moins qualitatif qu'ailleurs, il y a un bon potentiel de marché sur la rénovation. Nous avons aussi un espoir sur ce secteur venant de la dynamique des taux d'intérêt. Sauf évènement géopolitique non prévisible, on s'attend à une baisse des taux d'intérêt, d'ici l'été, qui auront un impact sur l'investissement, à la fois des entreprises et des ménages. Ces derniers retrouveront de l'élan pour la construction ou l'achat de logements en seconde main. Cela peut être un élément bénéfique pour la construction qui aura des répercussions à partir de 2025/2026. 2024 restera une année de transition.

Quels défis la région doit-elle relever ?

La Bourgogne-Franche-Comté doit assurer la transition de son industrie et développer les nouveaux potentiels de croissance. Nous avons une carte à jouer sur le nucléaire et une autre sur l'hydrogène qui sont des secteurs qui offrent des opportunités intéressantes. Et puis, sans doute, développer aussi le secteur des services puisque c'est un secteur qui connaît une forte croissance.

Ce dernier ne doit pas pour autant être opposé à l'industrie car les deux secteurs sont finalement très liés. Souvent l'erreur était de considérer que les services pouvaient fonctionner tout seuls alors que c'est avant tout une base industrielle qui permet de pérenniser le secteur des services.

La Banque de France a développé un indicateur climat, comment comptez-vous le déployer en région ?

2023 était une année expérimentale. En 2024, nous allons commencer à mettre en place des indicateurs que l'on donnera uniquement aux chefs d'entreprises dans un premier temps, et dans un deuxième temps aux banques. Ainsi, les entreprises qui obtiendront de bons indicateurs, auront plus de facilités à bénéficier de prêts avantageux.

Nous allons travailler sur trois secteurs en 2024 : les transports routiers de marchandises et de voyageurs, la production de l'énergie et l'immobilier, notamment avec les sociétés de HLM. L'idée étant de connaître leurs plans de transitions pour faire évoluer la flotte de véhicule, par exemple, ou réhabiliter le parc de logements. Ensuite, nous élargirons notre périmètre d'actions sur d'autres secteurs, notamment à l'industrie. Notre idée principale étant de nous concentrer sur les secteurs les plus contributeurs de carbone.

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