Déboucher une artère ou détartrer une cafetière... Le principe est le même pour les moteurs de véhicules. Il faut les nettoyer régulièrement au risque de consommer plus de carburant et d'entraîner des pannes coûteuses, sans compter l'augmentation des émissions de CO2. La startup bisontine Alpha Green propose un lavage en profondeur des moteurs thermiques via un système connecté à hydrogène. « Je me suis aperçu que de nombreuses pannes et augmentation de la consommation de carburant étaient dues à un problème de résidus de combustion qui s'accumulent partout dans le moteur. Comme de la suie dans une cheminée, ces résidus viennent obstruer le moteur », explique Ludovic Chevènement, fondateur d'Alpha Green.
Après quelques années de recherche, cet ancien technicien expert chez PSA trouve la solution. En reprenant un système de nettoyage des moteurs qui fonctionne à l'hydrogène - connu depuis une quinzaine d'année - Ludovic Chevènement imagine une connectivité entre la station et le système électronique du véhicule permettant de développer des procédures de nettoyage de l'encrassement sur-mesure. « Je me connecte sur la prise diagnostique du véhicule, je prends le contrôle du moteur avec ma station en analysant les mesures en temps réel, puis j'adapte le nettoyage en fonction du gabarit du véhicule et de son degré d'encrassement », explique l'entrepreneur. « C'est le véhicule qui nous indique qu'il est propre, et que nous avons donc bien fait notre travail », poursuit-il. C'est là que se cache tout l'innovation d'Alpha Green... Si la technologie de nettoyage des particules de moteurs à l'hydrogène existait (par injection puis combustion du gaz), il n'y avait toutefois pas cette connectivité qui permet de rendre un diagnostic précis pour chaque véhicule, d'assurer le suivi du nettoyage et de réinitialiser le moteur après nettoyage. « Avant, les véhicules étaient traités de la même manière, chez les garagistes, quelques soient leur taille et leur ancienneté, en une heure, sans données réelles sur le moteur », précise Ludovic Chevènement.
Un moteur comme neuf
Ludovic Chevènement a rendu son innovation mobile et se déplace directement sur le site de l'entreprise ou sur les chantiers. L'intervention dure entre deux et quatre heures selon l'importance du moteur. « L'appareil est connecté à l'électronique du véhicule. Pour chaque opération de nettoyage, nous analysons les gaz d'échappement avant et après », précise le jeune entrepreneur. Toutes ces interventions sont enregistrées et alimentent une base de données. Alpha Green est ainsi capable d'établir un diagnostic complet : « Avant d'intervenir, nous analysons la baisse de CO2 et la baisse de consommation que nous allons réaliser sur les véhicules pour établir une feuille de route, en ciblant en priorité les véhicules qui en ont le plus besoin », poursuit-il. Par exemple, pour le groupe Roger Martin (1.700 employés, 330 millions de CA) qui représente une flotte de 600 engins de chantier, 300 poids lourds et 500 véhicules utilitaires, Alpha Green est intervenu en priorité sur les engins de chantier et les poids lourds les plus anciens, car ce sont les plus forts émetteurs de CO2. « C'est sur ces véhicules que nous aurons les gains les plus importants en termes d'émission de gaz à effet de serre », précise Nicolas Monnin, chargé Energies chez Roger Martin. Le groupe de travaux publics vient de signer un contrat avec la startup qui l'engage jusqu'en 2030. « Lorsqu'Alpha Green repart, votre moteur est quasiment comme en sortie d'usine », souligne-t-il. Par exemple, « sur un encrassement d'échappement d'engin de chantier, nous sommes passés de 103 % de suie à 3%, c'est comme si on avait racheté une pièce ! », poursuit-il.
3.000 tonnes de Co2 en moins sur deux ans
Pour le groupe Roger Martin, l'étude réalisée par Alpha Green sur sa filiale en Auvergne-Rhône-Alpes montre une économie réalisable de 3.000 tonnes de CO2 sur la période 2022-2024. Cela représente 85 véhicules éligibles sur les 191 de la flotte régionale. « Notre raisonnement a été le suivant : sur 100 camions, nous sommes obligés d'acheter deux ou trois véhicules électriques pour accéder en Zone de faible émission (ZFE) comme à Lyon, Paris et Grenoble. C'est bien, mais en attendant, tout le reste de notre flotte continue à émettre, en ayant des moteurs de plus en plus encrassés. Alors que si nous faisons un effort sur l'ensemble de la flotte thermique dès maintenant pour nettoyer nos moteurs, les baisses d'émissions seront bien au-delà des trois véhicules électriques pour aller en ZFE », souligne Nicolas Monnin. Pour l'entreprise de travaux publics, cette solution permet d'agir en attendant de baisser l'incertitude qui pèse encore sur la pertinence des véhicules hybrides - que ce soit électriques ou au gaz naturel - et le manque de maturité commerciale des véhicules hydrogènes.
Un engagement à long terme
Le groupe Roger Martin s'est engagé dans le programme Alpha Green, validé par le ministère de l'économie, pour faire entretenir l'ensemble de sa flotte de poids lourds et engins de chantier. Ce programme lui permet de bénéficier d'une subvention. Et bientôt d'un certificat sur la réduction effective de ses émissions de gaz à effet de serre : « Ce document servira de faire-valoir pour les déclarations extra-financières, les appels d'offres et les marchés publics », précise Ludovic Chevènement.
Le chiffre d'affaire de la startup est passé de 85.000 à 500.000 euros en à peine un an. Le jeune entrepreneur a pour ambition d'implanter un centre à Lyon cette année. D'autres contrats sont également en cours de validation au niveau national. Son objectif est de décliner le modèle économique dans toutes les régions de l'Hexagone afin que chaque centre puisse intervenir dans un rayon de 150 kilomètres maximum.
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