Agro-écologie : pourquoi les aides environnementales cristallisent la grogne des exploitants bretons

Deux mois après la présentation par Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture d’un « plan de reconquête de la souveraineté française en élevage », le compte n’y est pas pour les agriculteurs bretons, qui manifestent ce mercredi. Il manquerait 51 millions d’euros pour les aides environnementales et climatiques (MAEC), un outil destiné au maintien de l’élevage et des prairies.
Selon une évaluation de la Région Bretagne, il manquerait 51 millions d'euros d'aides à la transition agri-environnementales et climatiques (MAEC) pour les agriculteurs bretons sur la période 2023-2027. Le gouvernement est prié de revoir sa copie.
Selon une évaluation de la Région Bretagne, il manquerait 51 millions d'euros d'aides à la transition agri-environnementales et climatiques (MAEC) pour les agriculteurs bretons sur la période 2023-2027. Le gouvernement est prié de revoir sa copie. (Crédits : Reuters)

« Origine des produits chez Lidl : 80% de produits NON français » : le 28 octobre dernier, la FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) des Côtes d'Armor a publié un tweet pour dénoncer le volume des importations agricoles dans les rayons de supermarchés.

Depuis un mois, les agriculteurs bretons sont en alerte pour défendre leur activité et notamment la place de l'élevage dans la planification écologique. Dénonçant la politique agricole du gouvernement, alors qu'un projet de loi d'orientation agricole est en préparation, ils ont multiplié les actions coup-de-poing dans les quatre départements bretons, et mercredi 6 décembre, ils manifesteront au volant de leurs tracteurs dans les rues de plusieurs villes.

En colère contre « les injonctions contradictoires » qui favorisent les produits étrangers, ils protestent aussi, au-delà même de l'inflation, contre les contraintes et les réglementations qui leurs sont imposées, notamment sur le plan environnemental.

Au coeur de ces revendications, figurent les MAEC : ces mesures agro-environnementales et climatiques destinées à inciter les éleveurs à utiliser plus de prairies et d'herbes sur leurs exploitations. Un dossier crucial pour changer le modèle de l'agriculture régionale.

Près de 51 millions d'euros de manque en Bretagne

Désormais gérées par l'État depuis le 1er janvier 2023, les MAEC sont, comme les soutiens à l'agriculture bio, des aides de la politique agricole commune (PAC) visant à accompagner le secteur agricole dans ses transitions.

Comprenant des objectifs environnementaux chiffrés à atteindre et une rémunération associée pour les agriculteurs engagés, elles ont été gérées par les régions entre 2014 et 2022, pour un total, en Bretagne, d'environ 6.000 fermes impliquées.

Or, selon les calculs de la Région Bretagne qui a demandé au ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, de revoir la position du gouvernement et d'abonder les ressources, « il manquerait près de 51 millions d'euros en Bretagne » pour la période 2023-2027.

« Comme nous avions alerté, nous constatons que les ressources que l'État et l'agence de l'eau Loire-Bretagne consacreront aux MAEC est bien en dessous des demandes des agriculteurs pour les accompagner dans la transition agro-écologique » souligne Arnaud Lécuyer, vice-président de la Région à l'agriculture, l'agro-alimentaire et l'alimentation.

« Le budget initial était de 89 millions d'euros, à date il s'élève à 95,2 millions d'euros mais avant le retour des instructions, le montant des demandes s'élevait à 146 millions d'euros. A l'heure actuelle, sur presque 2.900 exploitations ayant déposé une ou plusieurs demandes, ce serait près de 1.000 exploitations en Bretagne qui resteront à la porte du dispositif » s'étrangle l'élu.

Plus d'herbe moins de pesticides

Au, moment où la Bretagne doit faire évoluer un modèle intensif vers une production plus vertueuse, les MAEC permettent, petit à petit, de faire de la transition agro-écologique une réalité sur le terrain.

L'essentiel des demandes d'aides concernent la MAEC dite « système herbivore ». Elle vise les éleveurs laitiers, bovin et viandes, et leur permet de réduire la part de maïs, donc de pesticides, au profit d'une hausse des prairies et une évolution des systèmes de culture. À moyen terme, c'est aussi la sécurisation et pérennisation des activités d'élevage et laitière qui est en jeu.

Sur la période 2023-2027, la Bretagne, qui a rehaussé les cahiers des charges et les niveaux d'engagement, notamment au regard de la part de maïs utilisés par les éleveurs, sera la seule région agricole à maintenir un engagement dans les MAEC à hauteur de 1,5 million d'euros.

De même la Région Bretagne s'est vue autorisée par le gouvernement d'accorder une aide au maintien en bio (MAB) en 2024, comme elle l'avait fait en 2023. Mobilisant des fonds européens et régionaux, ce sont 5,5 millions d'euros qui aideront en 2024 les agriculteurs bio bretons, pour un total de 11 millions sur deux ans.

Pour la collectivité bretonne, les MAEC favorisent le soutien au bio et permettent de dépasser les clivages avec l'agriculture conventionnelle. « 26.400 fermes sont installées en Bretagne, l'enjeu est donc de massifier les engagements des agriculteurs bretons » illustre Arnaud Lécuyer.

Or, alors que la Bretagne souhaite installer 1.000 nouveaux agriculteurs par an en 2028, les contraintes environnementales font hésiter nombre de jeunes candidats.

« Certains éleveurs bretons se sont engagés en nombre en faveur de la transition, quitte à subir la baisse momentanée de la production, et maintenant il n'y a plus assez d'enveloppe » constate Cyrille Herbert, coprésident des Jeunes Agriculteurs d'Ille-et-Vilaine. Il attend lui aussi que se concrétisent les promesses émises par le ministre en janvier dernier selon lesquelles personne ne serait laissé au bord du chemin.

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Commentaires 3
à écrit le 06/12/2023 à 9:00
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Les éleveurs devraient penser à réduire le cheptel, la tendance n'est plus à la consommation de viande . La demande dans le futur et chez les jeunes en particulier sera moindre, pour des produits de qualités tendance Bio.

à écrit le 06/12/2023 à 7:39
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Il est difficile de comprendre un besoin d'argent pour passer à de l'agro-écologie sachant que cette dernière se repose d'abord et avant tout sur du travail, or les agriculteurs conventionnels sont travailleurs c'est juste changer complètement de pra...

le 31/01/2024 à 20:53
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Cela dépend de l'agro-écologie mise en place. Par exemple si tu plantes du blé entre des rangs de peupliers (espacés de plus de 12 m, et si cela existe), ton rendement de blé va diminuer sur les 25 prochaines années et tu ne collecteras la coupe des ...

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