Comment Algaia veut s’impliquer dans la filière goémonière bretonne

Spécialisée dans la transformation des algues, l’entreprise Algaia vient de transférer son siège social sur son site de Lannilis en Finistère, où elle a également inauguré une nouvelle ligne de production. Après l’agro-alimentaire et la cosmétique, la PME s’ouvre aux marchés de l’agriculture innovante.
Le site d'Algaia, vu de l'extérieur.
Le site d'Algaia, vu de l'extérieur. (Crédits : Pascale Paoli-Lebailly)

Le potentiel de la filière des algues au niveau international est énorme et c'est sur cet or brun qu'Algaia entend faire fructifier ses actifs. En annonçant, le 27 juin dernier, le transfert de son siège social parisien à Lannillis (29), sur le site où se trouve son unité de production d'extraits d'algues, l'entreprise de biotechnologie marine confirme l'importance stratégique de cette usine, rachetée en janvier 2017 au groupe US Cargill et alors déficitaire.

C'est là, à 20 kilomètres du deuxième (derrière la Norvège) plus vaste champ d'algues brunes d'Europe, qu'Algaia transforme les algues fraîches récoltées, et en extrait des ingrédients et des actifs naturels pour l'industrie agro-alimentaire (80% de son activité), la cosmétique et les compléments alimentaires. Et demain pour les marchés AgTech, de l'agriculture et de la santé des plantes. L'usine vient en effet d'ouvrir une nouvelle unité de production dédiée aux extraits d'algues de spécialité.

En se structurant, l'entreprise s'est largement déployée. Forte d'un effectif de 95 salariés (dont 66 emplois sauvegardés à Lannilis), elle possède également un centre de R&D à Saint-Lô en Normandie et un bureau commercial à Paris. Dans la croissance d'Algaia, qui a réalisé 15 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2017 et prévoit une augmentation de 17% sur 2018, le rôle de Lannilis, une des deux usines d'alginate en France, est central.

"Auparavant, Algaia était une startup qui ne produisait pas. Le rachat de l'usine Cargill a joué le rôle d'un accélérateur de croissance", confirme Frédéric Faure, directeur du développement de la PME. "Le transfert de notre siège social à Lannilis marque un tournant dans le développement d'Algaia."

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(Le bon) Alginate en cours de production

(Alginate en cours de production. Crédit : DR)

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5 millions d'euros investis depuis 2017

Et le passage à une nouvelle ère. Depuis 2017, Algaia a investi 5 millions d'euros dans ses installations afin d'améliorer ses procédés de production et augmenter la capacité de l'usine. En mai dernier, elle a aussi reçu un apport en capital de 4 millions d'euros de son actionnaire israélien Maabarot Products dans le but de financer son développement, sa recherche et l'installation de la nouvelle unité. Aujourd'hui, le site de Lannilis tourne à plein et Algaia compte sur la qualité de ses algues et sur ses nouveaux extraits de molécules bio-stimulants pour aborder l'avenir avec appétit. Et se diversifier.

D'ici à la fin 2018, la PME commercialisera des solutions permettant d'améliorer le rendement et la qualité des productions agricoles tout en réduisant l'apport d'intrants chimiques. En étendant son catalogue de produits verts à de nouveaux clients comme les fabricants d'engrais, Algaia, qui réalise 75% de son chiffre d'affaires à l'export, veut aussi étendre sa présence géographique.

"Algaia est déjà implantée en Europe mais elle est aussi en pleine expansion en Amérique du Nord et Latine, où nous avons identifié un intérêt croissant pour les ingrédients d'origine marine", relève Frédéric Faure. "On se développe sur le secteur agro-alimentaire, mais aussi dans les domaines de la cosmétique et de la santé. Les biostimulants pour l'agriculture intéressent aussi beaucoup l'Amérique Latine."

40.000 tonnes traitées par an, maillon d'une filière pérenne

En déménageant son siège sur son site industriel, Algaia donne aussi des gages à la Région Bretagne, quant à son niveau d'implication dans le développement de la filière goémonière régionale. Depuis le rachat de l'usine de Lannilis, le Conseil régional a accompagné la PME dans sa croissance, sous la forme d'une avance remboursable de 500.000 euros et de 142.000 euros pour le financement de nouveaux produits plus écologiques.

À charge pour Fabrice Bohin, Pdg de l'entreprise, d'exploiter au maximum le potentiel des algues brunes de la mer d'Iroise et d'inscrire Algaia dans le programme régional Breizh'alg, lancé en 2012. Ce dispositif a vocation à structurer une filière pérenne, depuis la production jusqu'à la transformation des produits via les biotechnologies les plus poussées.

Actuellement, Algaia travaille avec des pêcheurs locaux pour la récolte des algues. Sur les 40.000 tonnes traitées par an, 80% sont d'origine locale, le reste étant importé du Chili. À cinq ans, l'ambition de l'entreprise est de parvenir à 100% d'algues bretonnes. Tout en minimisant le transport, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en éliminant le recours à des conservateurs, l'utilisation d'algues fraîches locales offre une excellente traçabilité des produits. Pour l'instant, les extraits d'algues concernent moins de 20% de la biomasse utilisée.

"L'objectif est de construire une vraie filière responsable capable de croître sur d'autres branches d'activités", fait valoir Frédéric Faure. "L'optimisation de 80% de cette biomasse entrant dans l'usine est l'un des enjeux de notre recherche. Nous travaillons en étroite collaboration avec les collectivités et la Région, avec les goémoniers eux-mêmes et avec des acteurs comme l'Ifremer, garant de cette ressource renouvelable. La participation à des projets européens nous permet aussi d'être à la pointe en termes de R&D."

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Nouvelle ligne de production Algaia

(La nouvelle ligne de production d'Algaia. Crédit : DR)

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Biotechnologies marines et produits biosourcés

Si l'agro-alimentaire demeure un marché de base pour les alginates, d'autres secteurs en attente de produits biosourcés sont en fort développement, qu'il s'agisse des segments de la santé et du bien-être (dispositifs médicaux) ou encore de l'emballage, en recherche de substitut au plastique. À cinq ans, Algaia a pour ambition de devenir le "leader des ingrédients de spécialité extraits des algues", mais d'autres acteurs bretons planchent aussi sur de futures offres de produits.

En partenariat avec l'Inra, Olmix Group, basé en Morbihan et spécialisé sur l'agriculture et l'élevage, exploite la qualité nutritionnelle des algues vertes et rouges pour améliorer l'immunité des animaux et réduire l'usage des antibiotiques dans les élevages.

À mi-chemin entre alimentation et bien-être, le rachat en 2017 de la PME agro-alimentaire Globe Export, spécialiste de la transformation des algues, par la conserverie de pâtés et rillettes Hénaff, ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine des protéines végétales et pour la commercialisation de spiruline fraîche.

Avec ses 800 espèces d'algues marines répertoriées, ses entreprises de biotechnologies et ses laboratoires, la Bretagne offre un vaste territoire d'expertise pour les marchés de demain.

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Par Pascale Paoli-Lebailly,
correspondante pour La Tribune en Région Bretagne

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Commentaires 2
à écrit le 24/07/2018 à 12:33
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Voilà le type de PME que l'on doit soutenir ! Mais où sont les investisseurs français, publics ou privés ? Une simple avance du Conseil départemental ... Arrêtons d'investir aux USA qui nous grugent de plus en plus (voir Alstom et autres) ou de soute...

à écrit le 24/07/2018 à 9:35
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"des ingrédients et des actifs naturels pour l'industrie agro-alimentaire (80% de son activité), la cosmétique et les compléments alimentaires." IL serait temps d'intégrer des produits sains au lieu de nous rendre malade... "Perturbateurs endo...

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