Des huîtres naturelles sinon rien

Les huîtres naturelles mettent quatre ans à arriver à maturation, contre deux ans et demi seulement pour celles nées artificiellement.
(Crédits : © LTD / BENOIT TESSIER/reuters)

Benoît Le Joubioux est un ostréiculteur militant. À la tête de l'exploitation fondée par son grand-père sur les bords de l'Atlantique au Tour-du-Parc (Morbihan), il vend chaque semaine sa production sur les marchés d'Angers. Tout allait pour le mieux jusqu'à ce que, pour lutter contre les maladies qui ont frappé les huîtres dans les années 2000, l'Ifremer en conçoive une en laboratoire aux chromosomes modifiés. Cette huître, dite triploïde, n'est plus fécondée naturellement au gré des marées avec un patrimoine génétique varié, mais née dans une écloserie à partir d'un nombre limité de gamètes. Problème : il est impossible de distinguer les deux sortes, même pour un professionnel, car elles sont toutes deux élevées de la même manière.

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Or si le label bio européen ne fait volontairement pas la différence entre les deux espèces, les huîtres naturelles mettent quatre ans à arriver à maturation, contre deux ans et demi seulement pour celles nées artificiellement. On comprend l'intérêt pour les ostréiculteurs, mais par crainte de voir les consommateurs bouder celles issues des labos, soit 50 % de la production française actuelle, le CNC (Comité national de la conchyliculture) refuse d'instaurer un étiquetage distinct. « C'est donc pour les différencier que nous avons fondé en 2007 l'association Ostréiculteur traditionnel [OT] », revendique Benoît Le Joubioux. Lui et les 70 autres adhérents font toujours naître les huîtres naturellement au début de l'été (les mois sans r), avant de capter les naissains et de les élever.

Pourquoi est-ce si important? « Parce que les huîtres non captées par nos élevages grandissent à l'état sauvage et constituent des récifs qui servent de socle à la pousse des algues indispensables à l'absorption du CO 2 en mer », insiste l'ostréiculteur. Mieux, chaque huître peut filtrer jusqu'à 190 litres d'eau par jour, ce que la ville de New York a bien compris puisqu'elle a lancé en 2014 le programme Billion Oyster Project, qui vise à réintroduire 1 milliard d'huîtres d'ici à 2035 afin d'assainir l'eau du port de la Grosse Pomme.

« Comme toutes les huîtres sauvages sont issues de naissains échappés des élevages, si on n'élève que des huîtres d'écloseries, leur patrimoine génétique va s'appauvrir, et à terme l'espèce disparaîtra... Nous ne sommes pas opposés aux écloseries, nous voudrions que les huîtres soient étiquetées pour les distinguer. » Ça paraît pourtant évident, mais jusqu'à présent les huîtres n'ont toujours pas de certificat de naissance.

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