À Strasbourg, des lobbies locaux sous-dimensionnés pour défendre le Parlement

Ne cherchez pas de lobbies aux poches bien garnies à Strasbourg. Pour défendre le siège du Parlement européen, et pérenniser les retombées économiques locales, les bonnes volontés strasbourgeoises n'ont pas souhaité (ou pas su) se doter de moyens financiers conséquents.
En 2013, les collectivités locales ont établi une task force apolitique, confiée à l'ancienne maire (PS) de Strasbourg et ex-députée européenne Catherine Trautmann, pour défendre le siège du Parlement européen à Strasbourg.
En 2013, les collectivités locales ont établi une task force apolitique, confiée à l'ancienne maire (PS) de Strasbourg et ex-députée européenne Catherine Trautmann, pour défendre le siège du Parlement européen à Strasbourg. (Crédits : Reuters)

« Il fallait professionnaliser le lobbying pro-Strasbourg, mais certains élus ne l'ont pas voulu », regrette Pierre Loeb, qui vient d'accéder à la présidence de l'association Strasbourg pour l'Europe. Repéré localement pour ses positions militantes en faveur du Parlement, Pierre Loeb est coauteur, depuis 2012, de trois études consacrées à la défense de l'institution. Pour boucler ses travaux, il a convaincu la sénatrice Fabienne Keller de puiser dans sa réserve parlementaire. « 15.000 euros de subventions pour une association comme la nôtre, ça rapporte plus que si on avait versé cet argent à un lobbyiste », estime Pierre Loeb, qui a notamment voulu démontrer que les chiffres qui circulaient sur le surcoût du siège à Strasbourg étaient erronés.

En 2013, les collectivités locales ont établi une task force apolitique, confiée à l'ancienne maire (PS) de Strasbourg et ex-députée européenne Catherine Trautmann. Avec un budget de fonctionnement passé de 50.000 euros à 200.000 euros, ce groupe d'élus locaux a validé le recrutement d'un lobbyiste bruxellois pour l'aider à défendre le siège à Strasbourg. Le lobbyiste en question, Daniel Guéguen, se présente comme « l'un des plus anciens » à Bruxelles. Il a été spécialiste des questions agricoles et de la comitologie. Les membres de la task force ont financé sa mission, estimée à quelques centaines de milliers d'euros. Selon les informations recoupées par La Tribune, son contrat strasbourgeois arrive à terme et ne sera pas renouvelé. « Il a produit deux ou trois rapports, qui sont des copier-coller de nos propres travaux », accuse Pierre Loeb. Mis en cause, Daniel Guéguen « ne souhaite pas s'exprimer », craignant les « caricatures ». Ambiance...

Les idées à défendre restent souvent au stade de projet

Exit le lobbying professionnel. Les défenseurs de Strasbourg préfèrent s'en remettre à la vigilance des députés européens originaires de la région, prompts à sonner l'alerte dès qu'ils détectent un amendement budgétaire susceptible de causer du tort à « leur » siège. Depuis son élection en 2014, Anne Sander (PPE) a souvent lancé l'alerte. Seule Fabienne Keller (liste Renaissance) figure en position éligible pour la seconder à la rentrée parlementaire en juillet.

Dans cette ville où de multiples associations, même locales, ont accolé le mot « Europe » à leur nom, la mairie tente aussi de fédérer des bonnes volontés citoyennes qui lui semblent favorables. Et c'est une adjointe au maire, Nawel Rafik-Elmrini, qui pilote le comité de bénévoles. « Les membres de nos associations vont à la rencontre des députés. Il faut montrer que nous sommes contents de les avoir. À Bruxelles, il n'y a pas d'équivalent », dit-elle. Certains optent pour un discours plus politique.

« Notre choix, c'est celui d'une Europe décentralisée, qui possède plusieurs capitales. La question de la démocratie européenne n'a pas la même signification si on se trouve à Strasbourg ou à Bruxelles », déclare Hervé Moritz, président du mouvement des Jeunes Européens.

D'autres semblent déborder d'enthousiasme, tel le restaurateur Jean-Louis de Valmigère. Coup sur coup, il a édité une bande dessinée et un livre pour faire connaître « la merveilleuse histoire » européenne de Strasbourg, puis érigé une statue à la gloire du chevalier Liebenzeller. Cet inconnu des livres d'histoire a été qualifié de « héros européen » du Moyen Âge.

Plus terre à terre, la préfecture coordonne depuis les années 1980, avec les collectivités locales, le contenu des « contrats triennaux » dont les financements (publics) sont supposés aider la ville à « assurer des fonctions et [...] assumer des obligations qui incombent habituellement à une capitale d'État ». Le contrat en cours (2018-2020) oriente les investissements vers les éternels problèmes de l'accessibilité aérienne et des transports en commun, l'extension d'un petit musée local appelé Lieu d'Europe, des manifestations ouvertes au grand public, ou encore l'extension du parc des expositions, pour un total de 185 millions d'euros.

Qu'il soit politique ou associatif, le lobbying local reste sous-dimensionné. La liste des idées à défendre est longue : relancer le projet d'axe ferroviaire entre Strasbourg et Bruxelles, aménager une desserte ferroviaire à grande vitesse vers l'aéroport de Francfort, obtenir la tenue à Strasbourg de réunions régulières d'instances de gouvernance européennes autres que le Parlement. Mais ces idées restent souvent au stade de projet. Les lobbies locaux n'ont pas réussi à éteindre la polémique, étendue à toute l'Union européenne, sur la présence du Parlement à Strasbourg.

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Commentaire 1
à écrit le 25/05/2019 à 12:01
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Mais pourquoi défendre une institution sans pouvoir qui n'est qu'une imposture oligarchique de plus ? Vous pensez pas que l'argent manque assez ailleurs ?

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