Les futurs députés européens vont-ils continuer, pendant cinq ans, leurs transhumances mensuelles entre Bruxelles où s'effectue l'essentiel du travail du Parlement et Strasbourg, où se tiennent les trois jours et demi de sessions plénières ? La nouvelle présidente de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), Annegret Kramp-Karrenbauer, a fait souffler un vent glacial sur Strasbourg lorsqu'elle a publié, le 9 mars, une tribune dans laquelle elle plaidait pour le « regroupement du Parlement européen en son siège à Bruxelles ».
Ignorant, ou feignant d'ignorer que le siège, au sens institutionnel et dans les traités, se situe depuis 1992 à Strasbourg. L'Allemagne était, jusqu'à présent, l'alliée la plus fidèle des Français.
Un travail plus efficace
Le nouvel hémicycle strasbourgeois, lieu de travail des députés depuis 1999, fait l'objet de critiques de longue date pour sa mauvaise accessibilité. Certaines sont fondées : les lignes aériennes internationales vers Strasbourg sont trop rares. Les hôteliers, accusés de pratiquer des tarifs excessifs pendant les périodes de session, se défendent en évoquant le yield management, la loi tarifaire de l'offre et de la demande, mais n'ont pas modifié leurs mauvaises habitudes.
Les députés « pro Bruxelles » avancent aussi l'argument rationnel d'un travail plus efficace à proximité de la Commission européenne, dans la capitale belge. Les chiffres penchent en leur faveur : en 2013, un rapport de l'écologiste allemand Gerald Häfner portant sur la fixation des sièges des institutions européennes, défavorable à Strasbourg, a été approuvé par 73% des députés. Au terme de la législature sortante, les anti-Strasbourg représentaient les quatre cinquièmes des 751 élus.
Les Alsaciens sont sur la défensive. En 2011, une étude commandée par les collectivités locales a évalué les retombées des institutions européennes à 637 millions d'euros, notamment dans les industries touristiques. Mais quand ils montent au créneau pour défendre le siège, ces mêmes élus locaux peinent à être entendus. « Personne, à part les Dernières Nouvelles d'Alsace, ne s'offusque des attaques contre Strasbourg », regrette le député basrhinois Thierry Michels (LREM). Avec Éric Straumann (LR), un autre député alsacien siégeant à la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale, il a pris l'initiative d'un rapport d'information sur « l'action des autorités françaises pour l'attractivité de Strasbourg, siège européen ». Les résultats de leurs travaux seront présentés le 13 juin.
Les poids des pro-Bruxelles
« Nous voulons expliquer pourquoi l'ancrage polycentrique de l'Europe est important. L'Europe de Bruxelles est perçue comme technocratique. Strasbourg symbolise la séparation des pouvoirs », veut croire Thierry Michels.
Il n'est pas certain que les lobbies strasbourgeois, peu armés financièrement, fassent le poids face au rouleau compresseur pro-Bruxelles. Aucun plan B n'a été prévu pour une éventuelle réaffectation de l'hémicycle, qui appartient au Parlement.
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