À Strasbourg, la renaissance populaire de la Manufacture des tabacs

Dans le centre-ville de la capitale alsacienne, un ancien site industriel de 21.500 mètres carrés a été transformé en auberge de jeunesse, en annexe de l’université et en lieu de fête.
Le restaurant de l'auberge de jeunesse People Hostel met en valeur le passé industriel du lieu.
Le restaurant de l'auberge de jeunesse People Hostel met en valeur le passé industriel du lieu. (Crédits : Charles Urban / REA)

Reconstruire la ville sur la ville est quasiment devenu une règle d'or dans les métropoles où le foncier est de plus en plus rare du fait de la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols. À Strasbourg, la métamorphose de la Manufacture des tabacs en est la parfaite illustration. Situé dans le quartier de la Krutenau, où se concentre la vie étudiante, ce site industriel a cessé sa production en 2010. Enclavé en centre-ville, desservi exclusivement par les transports routiers, il comptait 227 salariés sur ses lignes de cigarillos à sa fermeture.

Érigé à partir de 1849, cet ensemble immobilier de 21.500 mètres carrés de surfaces de plancher autour d'une cour intérieure de 6.800 mètres carrés aura bénéficié, au fil des décennies, de mesures de conservation entreprises par ses propriétaires, la Seita puis Altadis et Imperial Tobacco.

Le bâtiment de forme carrée, en pierre de taille, bois et métal, se trouvait dans un bon état. Les promoteurs immobiliers ont évidemment flairé le potentiel d'un tel objet patrimonial, proposant jusqu'à 15 millions d'euros pour l'acheter, sous condition suspensive de pouvoir y réaliser des logements.

Mais les collectivités, dirigées alors par les socialistes Roland Ries (mairie) et Robert Herrmann (Communauté urbaine), ont refusé cette offre et menacé le propriétaire d'exercer leur droit de préemption. Les parties sont finalement parvenues à un accord pour une cession à l'amiable : 9,5 millions d'euros hors taxes.

Nouveau lieu de vie

Classée aux Monuments historiques en 2016, la Manufacture a pu faire l'objet d'une reconversion pilotée par la Société d'aménagement et d'équipement de la région de Strasbourg (SERS), société d'économie mixte chargée des grands projets de l'agglomération.

Huit ans plus tard, les promoteurs de la Manufacture ont inventé un nouveau lieu de vie qui héberge un écosystème alliant les arts, les sciences et l'entrepreneuriat. L'université de Strasbourg occupe ainsi près de la moitié des surfaces où elle a établi un pôle d'excellence autour des géosciences, de l'eau, de l'environnement et de l'ingénierie.

Un investissement de 33,3 millions d'euros qui s'inscrit dans le cadre du réaménagement de l'ensemble du campus, quelques centaines de mètres plus loin dans le quartier de l'Esplanade. La Haute école des arts du Rhin (Hear), portée par la ville de Strasbourg, accueille 750 étudiants depuis la rentrée 2023.

Lire aussiRénovation énergétique : une nouvelle école de génie climatique ouvre ses portes à Toulouse

Auberge de jeunesse, lieu de fête

L'auberge de jeunesse People Hostel propose 264 lits d'hébergement touristique dans la partie latérale du bâtiment, où elle s'est installée sur 2.755 mètres carrés. Montant de l'opération : 9,8 millions d'euros, financés par la SERS. L'incubateur public de startup Semia et la structure d'accélération de l'innovation Accro bouclent le tour du bâtiment sur 1.965 mètres carrés.

L'aménagement éphémère d'un lieu de fête dans la cour centrale de la Manufacture, entreprise à l'été 2018 par le restaurateur local Franck Meunier, attestait de l'intérêt des Strasbourgeois pour une réappropriation de cet immeuble emblématique du centre-ville : 200.000 personnes sont venues s'y désaltérer.

La municipalité écologiste élue en juin 2020 a choisi de poursuivre la politique d'animation de l'équipe précédente, en ouvrant les lieux à des porteurs de projets de proximité. La coopérative LAB, issue de l'agriculture biologique locale, exploite un restaurant et un magasin d'alimentation en circuit court sur 1.000 mètres carrés. Le tiers-lieu dédié à l'événementiel de 600 mètres carrés sera, lui, animé par la coopérative Tiers-Lab/Faktory.

Pour mener à bien cette reconstruction urbaine, dans un lieu emblématique, la collectivité a construit un mode de gouvernance collaboratif à trois niveaux. Le comité patrimonial a confié une mission de conservation à l'architecte strasbourgeois Antoine Oziol, spécialisé dans la restauration historique en secteur sauvegardé.

Le comité des maîtres d'ouvrage (SERS, ville et Eurométropole) a, lui, retenu un choix énergétique vertueux en raccordant la Manufacture au réseau de chaleur existant du quartier de l'Esplanade. L'utilisation de matériaux de réemploi a également été privilégiée à l'instar des pavés posés dans la cour intérieure.

De son côté, le comité des usagers s'est mobilisé pour garantir l'ouverture permanente au public de la cour intérieure de la Manufacture, fort de l'expérience favorable et festive de l'été 2018.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 15/03/2024 à 9:07
Signaler
Le tabac on pourrait continuer de le faire, nous avons abandonné tous les outils de production bêtement alors qu'avec un paquet de tabac à 25 euros, un tabac bio sans les 80 poisons ajoutés aurait un véritable succès à 5 balles le paquet. Les gens s'...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.