À Strasbourg, le chantier du prochain tramway cristallise les oppositions

La septième ligne de tramway, qui desservira le nord de l'agglomération, mobilisera 268 millions d'euros d'investissements et sera opérationnelle en 2027. A Strasbourg, toutes les oppositions politiques se fédèrent déjà contre ce projet ambitieux de la municipalité écologiste, qui érige le tram et le vélo en fer de lance de sa politique de mobilités.
Les aménagements du tramway devraient conférer à l'avenue des Vosges l'aspect prestigieux d'une Prachtallee.
Les aménagements du tramway devraient conférer à l'avenue des Vosges l'aspect prestigieux d'une "Prachtallee". (Crédits : Atelier Alfred Peter)

C'est une coalition iconoclaste qui hausse le ton contre les écologistes cet hiver à Strasbourg. Autour de l'ancienne maire socialiste Catherine Trautmann (maire de 1989 à 1997 et de 2000 à 2001), du centriste Pierre Jakubowicz et jusqu'au conseiller municipal Jean-Philippe Vetter (LR), les élus de l'opposition ont établi un front commun contre le projet de « tramway Nord » porté par la maire Jeanne Barseghian (Verts).

Avec un budget prévisionnel de 226 millions d'euros hors taxes, auxquels s'ajouteront 44 millions d'euros pour le matériel roulant, la nouvelle ligne viendra compléter le réseau de tramways vers la commune périphérique de Schiltigheim. Sa mise en service en 2027 pourrait soulager, en partie, l'exploitation saturée sur les six lignes existantes en centre-ville. Avec des avenues et des places à réaménager sur cinq kilomètres, le chantier prévoit des mesures de requalifications urbaines (accessibilité automobile, espace pour les piétons et les cyclistes...) d'ampleur inédite.

Une promesse en 2020

« Le tramway Nord est un élément majeur de notre politique de mobilité promise et engagée en 2020, qui comprend également 100 millions d'investissements en faveur des réseaux cyclables, l'aménagement de pôles d'échanges multimodaux, la transformation du secteur de la gare et la participation au fonctionnement du RER métropolitain », rappelle Alain Jund, conseiller municipal (Verts) de Strasbourg et vice-président de la métropole en charge des mobilités.

La communication de l'équipe municipale a pourtant été maladroite. En phase de gestation du tram Nord, les écologistes tablaient sur un budget prévisionnel de 140 millions d'euros. Un réajustement brutal à 268 millions d'euros effectué lors du vote d'une délibération en décembre 2023 a entraîné une levée de boucliers.

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Un budget mal calculé

Le budget initial, trop restrictif, ne comprenait pas les travaux préalables sur les réseaux (22 millions d'euros), l'ingénierie (26 millions d'euros), les acquisitions foncières, les réaménagements annexes (parkings, aménagements paysagers) ni le coût des rames nécessaires à l'exploitation.

« On nous annonce aujourd'hui un projet à 268 millions d'euros, hors taxes. Mais avec l'inflation, en 2027, on va finir à 400 millions d'euros. Ce sera le tramway le plus cher jamais construit », fustige Pierre Jakubowicz.

Pour faire entendre sa voix, cet élu d'opposition centriste a organisé une réunion publique le 11 janvier, dans un foyer étudiants du centre-ville. « Les Verts vont cramer la caisse. Ils empêcheront tout autre projet de transport en commun dans les trente prochaines années », clame-t-il.

Présents à la réunion, les ténors locaux du PS, des Républicains et des représentants d'associations de quartier approuvent. Catherine Trautmann, artisan de la première ligne de tramway et de la piétonnisation du centre de Strasbourg en 1992, a saisi l'occasion pour distribuer des coups. « Ce tramway est trop cher. Il n'a rien de social », a regretté l'ancienne édile municipale.

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La fronde des riverains

Les critiques des riverains se focalisent sur des aménagements prévus avenue des Vosges, un axe structurant de la circulation automobile. Sa requalification au profit du tramway exclura de facto les voitures au profit des vélos et des piétons. Dans le même quartier, l'accès à l'ancienne autoroute A35 deviendra impossible, du fait de la refonte de la place de Haguenau transformée en vaste parc urbain.

« Cette coalition de grincheux n'a rien compris », s'amuse l'urbaniste strasbourgeois Alfred Peter, dirigeant de l'atelier de paysage en charge de l'insertion urbaine du tramway. Depuis trente ans, Alfred Peter a imprimé sa marque dans cette ville où les aménageurs ont toujours semé du gazon sur les plates-formes du tram. « Cette fois, avec le tram Nord, on va encore plus loin. Je veux rendre à l'avenue des Vosges, pièce maîtresse de la Neustadt classée à l'Unesco, son cachet initial de "Prachtallee" », explique-t-il.

« Le tram Nord coche toutes les cases du développement durable. Nous avons établi, par simulation, que la température allait être réduite de 6,5 degrés par temps de canicule, grâce au verdissement de l'avenue des Vosges. Le vélo aura toute sa place sur cette avenue qui est actuellement l'un des axes les plus accidentogènes à Strasbourg », promet Alfred Peter.

Les opposants du tram Nord ont promis d'exposer leurs griefs dans le cadre de la révision marginale du plan local d'urbanisme (PLUI) de Strasbourg, en cours jusqu'au 18 janvier. L'enquête publique, en mai 2024, leur offrira une tribune supplémentaire. La déclaration d'utilité publique est attendue cet automne, pour un lancement des travaux en octobre 2024. Les engins de chantier n'auront pas disparu du paysage strasbourgeois avant les prochaines élections municipales, au printemps 2026.

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Commentaire 1
à écrit le 18/01/2024 à 7:44
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Le tram est une valeur sûre pour les déplacements des citadins de façon agréable et rapide contrairement au métro qui nous traite comem des rats.

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