« La région Grand Est travaille avec tous ses voisins » (Franck Leroy, président du Conseil régional)

ENTRETIEN. La tournée « Transformons la France » au cœur des régions a fait étape à Strasbourg le 5 avril. Franck Leroy, président du Conseil régional du Grand-Est, a exposé la méthode qui permet à ce territoire frontalier de faire face, avec l'Etat, à des enjeux de sobriété foncière et d'attractivité économique.
Franck Leroy, président du Conseil régional du Grand-Est, a mis au point avec l'Etat « une agence des transitions qui permettra d'opérer la compensation sur des territoires qui ont des friches à faire disparaître ».
Franck Leroy, président du Conseil régional du Grand-Est, a mis au point avec l'Etat « une agence des transitions qui permettra d'opérer la compensation sur des territoires qui ont des friches à faire disparaître ». (Crédits : Georges Vignal)

LA TRIBUNE - La règle du zéro artificialisation nette (ZAN) s'impose dans toutes les régions. Quelles sont les conséquences de cette injonction dans le Grand Est ?

FRANCK LEROY-  Cette règle posée par la loi climat et résilience oblige tous les territoires à se réinterroger sur l'utilisation du foncier. On a tous conscience qu'on a un grand territoire, et qu'on a eu tendance à s'étaler un peu... Le ZAN est aussi le résultat d'injonctions européennes fondées sur la biodiversité. A chaque fois qu'on consomme des sols, on réduit leur capacité de séquestration, qui est aussi importante que celle des océans et des forêts. On n'a pas le choix si on veut arriver à la neutralité carbone. Dans le Grand Est, on essaie d'avoir un coup d'avance en permanence. Notre région a connu, par son histoire, un certain nombre de traumatismes. On a cette habitude de la résilience, on sait se relever. On a donc imaginé avec les services de l'Etat une agence des transitions qui permettra d'opérer la compensation sur des territoires qui ont des friches à faire disparaître, pour implanter de nouvelles activités sans empiéter sur la nature.

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A Epernay, la ville dont vous avez été le maire, vous avez été confronté à la fermeture des casernes. Dans un contexte de sobriété foncière, ces terrains militaires ont très vite été requalifiés. Quelles leçons ont été tirées de cette expérience locale ?

A Epernay, en 2002, on nous a annoncé le départ des militaires. Deux ans plus tard, les premières constructions arrivaient déjà sur ce site grâce à la coordination du travail de l'Etat et de la région. L'Etat ne nous a pas laissé tomber. Face à la crise Covid, la réaction a été la même à l'échelle du Grand Est. Plutôt que de travailler chacun dans son coin, mon prédécesseur Jean Rottner et la préfète de région Josiane Chevalier se sont vus immédiatement. Ils ont constaté que l'événement était tellement important qu'il fallait travailler différemment, aborder ensemble les problèmes. Nous avons devant nous un autre péril, celui de l'adaptation au changement climatique. On pourrait faire un bout de chemin chacun dans son coin. Mais en travaillant ensemble, c'est une habitude qu'on a prise, on va beaucoup plus vite, plus loin et on rassure l'ensemble des acteurs d'un territoire. On rassure également les investisseurs qui constatent que dans ce territoire, il n'y a pas de problèmes entre l'Etat, la région et les collectivités.

Cette méthode porte-t-elle ses fruits dans le développement économique ?

Parmi les dernières performances industrielles de la région Grand Est, il y a eu l'annonce de l'implantation de Loop à Saint-Avold. Ce projet d'usine de recyclage de PET (plastique) rassemble des capitaux français, canadiens et coréens et mobilise 450 millions d'investissements. En arrivant sur ce territoire, le premier commentaire des investisseurs a été de dire que la Communauté de communes, l'établissement public foncier du Grand Est, l'Etat et la région Grand Est parlaient le même langage. Tout le monde était aligné derrière les objectifs de l'entreprise. C'est sans doute ce qui a fait la différence par rapport à d'autres territoires. C'est vraiment une signature du Grand Est, on y tient, nos équipes ont cela en tête.

Dans l'est mosellan, à Hambach, deux projets d'implantation ont échoué récemment. Le fabricant de panneaux photovoltaïques REC Solar est parti aux Etats-Unis et Carbon s'implantera à Fos-sur-Mer. Les atouts frontaliers du Grand Est sont-ils encore recherchés ?

Il se prépare sur ce territoire de Hambach de très belles annonces qui montrent qu'il reste attractif. On a un foncier disponible, on se situe en bordure de la frontière allemande. C'est la caractéristique du Grand Est par rapport à toutes les autres régions françaises : on a 760 kilomètres de frontières. On travaille avec des Belges, des Luxembourgeois, des Allemands et des Suisses. Le Luxembourg et le Bade-Wurtemberg figurent parmi les régions les plus attractives d'Europe. C'est un atout formidable, ça rassure nos investisseurs. Le fait d'être au cœur de l'Europe physiquement, c'est un atout extrêmement important pour le Grand Est.

Comment pouvez-vous faire en sorte que ce dynamisme ne bénéficie pas seulement à la bande frontalière, mais aussi à l'intérieur du Grand Est, jusqu'aux vallées vosgiennes et à la plaine des Vosges ?

En France, 55 % des travailleurs transfrontaliers sont issus du Grand Est. On a environ 120.000 Mosellans, Meurthe-et-mosellans et Meusiens qui vont travailler tous les jours au Luxembourg. La dynamique des pays voisins sert notre dynamique. Cela crée parfois des pénuries de main-d'œuvre, mais nous sommes là pour y répondre. Tous les sujets auxquels nous sommes confrontés, tels que la décarbonation de l'industrie et des mobilités ou l'arrivée du numérique, sont des sujets communs avec nos voisins. Quand on parle de biodiversité, les nappes phréatiques ne s'arrêtent pas aux frontières. On travaille sur tous ces sujets en commun avec le ministre-président du Bade-Wurtemberg Winfried Kretschmann et le premier ministre du Luxembourg Xavier Bettel. Le dialogue existe mais il faut y passer beaucoup de temps. La complexité de nos gouvernances respectives fait qu'on n'est pas toujours sur le même tempo, ni sur les mêmes niveaux de compétence. Il y a un esprit, une envie de construire l'Europe par du terrain, par du concret.

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