Embouteillages : la métropole lilloise peut-elle s'en sortir ?

Des réseaux routiers saturés, une fréquentation des transports en commun en baisse... Comment la métropole lilloise compte-t-elle sortir de cette impasse ? Tour d'horizon des projets en cours.
Selon une étude de 2022, Lille se place à la 20e place des villes les plus embouteillées de France.
Selon une étude de 2022, Lille se place à la 20e place des villes les plus embouteillées de France. (Crédits : Reuters)

Le constat du GPS TomTom est sans appel. Selon une étude de 2022, Lille se place à la 20e place des villes les plus embouteillées de France, avec un temps de trajet moyen à Lille allongé de 30% pendant les heures de pointe du soir. Le taux de congestion aurait même augmenté de 4% par rapport à l'année précédente !

Pour tenter de remédier à cette situation catastrophique, la Métropole européenne de Lille a lancé en septembre dernier un éco-bonus, incitant un panel de 5.000 automobilistes à laisser leur voiture au garage, contre une compensation de deux euros par trajet (limitée à 80 euros par mois).

« Une application permet aux utilisateurs de déclarer les trajets évités et de choisir des alternatives, avec des notifications envoyées matin et soir. Le dispositif est en place pendant neuf mois, avec l'objectif de diminuer le trafic de 10% », commentait Damien Castelain, président de la Métropole européenne de Lille lors de la présentation du dispositif, qui mobilisera au total 11 millions d'euros. « Nous misons sur la confiance et le contrôle mais pas le flicage ».

Eco-bonus pour « effacer » des trajets

Pour Sébastien Leprêtre, vice-président de la Métropole européenne de Lille et maire de La Madeleine en charge des mobilités et des transports publics, il est encore trop tôt pour tirer un vrai bilan de l'éco-bonus lancé en septembre dernier.

« Tout ce que l'on peut dire, c'est que le dispositif monte en puissance, en atteignant 95% d'effacement des trajets entrants et 97% dans le sens sortant. Sachant que 650 véhicules supprimés permettent d'éliminer 6% du trafic », explique l'élu métropolitain.

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Reste que pour le groupe politique Métropole écologiste, citoyenne et solidaire, « l'urgence n'est pas à une politique "anti-embouteillage", qui pourrait conduire des automobilistes à simplement décaler leurs trajets automobiles en dehors des heures de pointe. L'urgence est aux changements de pratique en matière de déplacement : la MEL doit mettre toute son énergie et ses moyens dans la diminution de l'usage de voiture ». Le groupe politique pointe notamment le retard pris dans la mise en place de la ZFE (zone à faible émissions).

Régulation de vitesse

L'éco-bonus ne semble donc qu'être une goutte d'eau dans l'océan. En octobre 2022, la Direction interdépartementale des routes a mis en place un dispositif de régulation de vitesse sur l'A1, dans les deux sens de circulation Lille-Paris, par lesquels transitent chaque jour près de 200.000 véhicules.

La régulation de vitesse vise à rendre le trafic plus fluide et régulier sur les 26 kilomètres problématiques qui séparent Lille et Dourges, moyennant six millions d'euros d'investissement. Des tests déjà menés sur l'A25 reliant Lille à Dunkerque avaient permis de gagner six minutes sur un trajet Meteren-Lille, avec un respect global des nouvelles limitations de vitesse. Mais là encore, la régulation de vitesses ne pourra à elle seule résoudre le problème...

Pour desservir le territoire de près de 3,8 millions d'habitants, un projet de service express régional métropolitain (SERM) lillois, baptisé « étoile ferroviaire de Lille » a été engagé dès 2015, bien avant les annonces du président de la République au sujet des RER métropolitains.

« Le programme du SERM lillois repose sur un doublement des niveaux de desserte, avec un cadencement a minima au quart d'heure pour les missions rapides et omnibus au sein de l'aire métropolitaine de Lille et un doublement de la fréquence actuelle y compris pour les gares les plus éloignées », indique la Métropole européenne de Lille.

 Nouvelle liaison Lille et Hénin-Beaumont

Pour arriver à cet objectif, Lille Métropole détaille sa méthode : « Les études réalisées ont montré que cette ambition était atteignable, moyennant la création d'une nouvelle infrastructure entre Lille et Hénin-Beaumont, près de Lens (l'ex bassin minier étant densément peuplé) et des adaptations majeures du réseau sur l'ensemble des radiales de l'étoile ferroviaire lilloise, ainsi qu'une nouvelle gare traversante à Lille pour désengorger Lille Flandres ». Soit un projet estimé aujourd'hui à 7 milliards d'euros et qui pourrait atteindre les 9 milliards d'euros d'ici 10 à 15 ans.

Avant la réalisation de cette étoile ferroviaire à horizon 2040, le Schéma directeur des infrastructures de transports (SDIT) a voté, en 2019, la création de 27 nouvelles liaisons, dont cinq nouveaux tramways d'ici 2035 à l'échelle de la métropole. Reste que ce plan intégrait le doublement des capacités de la ligne 1 du métro et l'augmentation de 30% de la ligne 2, prévue depuis 2012... Sauf que l'épisode de l'adaptation de la technologie de pilotage automatique à des rames plus longues vient de connaître un nouveau rebondissement !

« En dépit des efforts de la MEL pour libérer d'importants créneaux pour les essais durant l'été, Alstom a de nouveau échoué à qualifier le nouveau pilote automatique en septembre 2023, avec la persistance de 65 anomalies bloquantes », a fait savoir la Métropole européenne de Lille dans un communiqué en novembre dernier. « Ce nouveau revers ne permet pas d'envisager la mise en service du pilote automatique et des nouvelles rames de 52 mètres avant 2026, soit un retard prévisionnel d'au moins 10 ans. »

Alstom en justice ?

La métropole compte carrément saisir la justice « pour contraindre Alstom à remplir intégralement ses obligations aux termes du marché de modernisation du métro de Lille et à indemniser la MEL pour l'ensemble des préjudices subis, y compris en termes environnementaux. »

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De son côté, Alstom s'est dit « surpris de l'annonce faite par la MEL de se retirer de la médiation concernant ce projet » et conteste les propos : « Alstom (...) estime avoir fait la démonstration du fonctionnement de son système de métro automatique lors des derniers essais à Lille. Le groupe fera valoir ses droits dans le cadre de la nouvelle procédure juridique annoncée ». Des nouvelles qui ne risquent en tout cas pas de convaincre les utilisateurs des transports métropolitains. Si en 2019, le réseau Ilévia avait dépassé le cap des 200 millions de voyages, l'année 2022 avait enregistré une baisse de 11% de trafic.

Grands investissements datant de 25 ans

La congestion restera donc identifiée encore longtemps comme un problème majeur ayant des répercussions économiques et sociales importantes, sans possibilité d'actions immédiates...

« Or les derniers grands investissements en matière de mobilité des personnes et des marchandises sur la Métropole européenne de Lille datent aujourd'hui de plus de 25 ans », constate le Medef Grand Lille, faisant référence à l'extension du métro jusque Roubaix et Tourcoing et la mise en service de la rocade nord-est. « Depuis, le territoire s'est transformé, ces réseaux n'étant plus aujourd'hui en adéquation avec les polarités économiques de ce territoire. »

L'organisation patronale regrette notamment que « les politiques de mobilité mises en œuvre et promues par la Métropole européenne de Lille ne portent que sur les mobilités internes de ce territoire, alors qu'il est aujourd'hui plus qu'urgent de s'inscrire sur un territoire élargi ».

L'antenne locale du Medef déplore également que « les politiques de mobilité sur la Métropole européenne de Lille soient portées par un très grand nombre d'acteurs, souvent peu à l'écoute les uns des autres. Cette situation contre-productive nécessiterait, pour être résolue, la création d'un "patron de la mobilité" ayant pour mission d'être le tiers de confiance dans la mise en place d'une politique de mobilité efficiente ».

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Commentaires 2
à écrit le 19/12/2023 à 8:28
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Et si nos dirigeants arrêtaient d'être nuls et homogénéisaient les horaires de travail ?

le 19/12/2023 à 12:52
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Décaler les horaires permet de répartir, étaler les passages de véhicules (mais en créent des complications aux gens ayant des obligations, crèches, etc). La circulation est un phénomène non linéaire, parfois 5% de véhicules en plus et ça sature/bouc...

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