Une consultation internationale, une mission d'information et d'évaluation, des promesses de campagne et bientôt un référendum ? Depuis plus de trois ans, le périphérique parisien n'a jamais autant déchaîné les passions. Les uns veulent le détruire, les autres veulent le réaménager, les derniers le conserver tel quel. La boucle de 35 kilomètres inaugurée en 1973 est la propriété de la ville de Paris mais elle est utilisée quotidiennement par près d'un million de Franciliens.
En course pour sa réélection, la présidente (Libres !) de la région Île-de-France a dénoncé le projet de la capitale de vouloir « supprimer une voie sur le périph' ». En cas de réélection, Valérie Pécresse a promis un référendum régional sur la question, considérant que « cette infrastructure est une infrastructure régionale, elle ne peut pas rester uniquement la propriété de la mairie de Paris ». « 40% des trajets sont des trajets banlieue-banlieue », a-t-elle ajouté.
La nécessité de discuter avec IDF Mobilités
Pendant la dernière campagne des élections municipales, la maire (PS) Anne Hidalgo a effectivement émis deux fois ce souhait. La première fois en novembre 2018 dans une interview accordée à La Tribune dans laquelle elle songeait « réserver une des voies du périphérique, intérieur ou extérieur, aux mobilités partagées, y compris aux vélos, aux mobilités actives et aux taxis. Et de mettre l'autre en double sens ». Une seconde fois en février 2020 juste avant le premier tour du scrutin. La maire-candidate rêvait alors d'instaurer de chaque côté une voie dédiée au covoiturage, aux transports collectifs - dont les taxis - et aux véhicules propres.
Dans les deux cas, l'édile de la capitale ne comptait pas agir seule dans son coin. « C'est à étudier et il faut se concerter bien sûr, il n'y a pas de décision prise », nuançait Anne Hidalgo dans nos colonnes. De même, quatre mois plus tard, son adjoint (apparenté PS) chargé de l'urbanisme et du Grand Paris, Jean-Louis Missika, insistait sur la nécessité d'« ouvrir une discussion » avec l'autorité organisatrice des transports en Île-de-France, IDF Mobilités, dont la présidente n'est autre que... Valérie Pécresse.
« Répondre à l'accroissement de la mobilité et de la population »
En réalité, la maire de Paris n'a toujours fait que reprendre la position commune des quatre équipes finalistes des Routes du Futur, une consultation internationale impulsée en mai 2018 par le Forum métropolitain du Grand Paris, syndicat mixte qui réunit la Ville, la métropole, les départements et la région. Outre l'Etat qui a mis 200.000 euros au pot commun pour financer ces travaux, Paris comme le conseil régional ont apporté 1 million d'euros, les conseils départementaux, la MGP et les communes les 475 millions restants.
D'un côté, la démarche « New Deal », soutenu par la direction de la prospective de Vinci Autoroute, qui a raisonné à l'échelle de la région-capitale et demandé une gouvernance forte, a planché sur deux scénarios de moyen (2030) et de long (2050) terme « dans un souci écologique, énergétique et numérique ». De l'autre, le groupement SUN pour « Shared » (partagés), « Utility » (services à la ville) et « Network » (réseaux et interconnexions) jugeait prioritaire de « répondre à l'accroissement de la mobilité et de la population en Île-de-France », selon sa porte-parole Madeleine Masse, cheffe du pôle urbanisme de l'AREP, filiale de Gares & Connexions, groupe SNCF.
En attendant les arbitrages de l'Etat, Valérie Pécresse et Anne Hidalgo pourraient même tomber d'accord. Si la patronne du conseil régionale refuse la pérennisation de cette voie pour des bus ou du covoiturage, elle s'est dite « d'accord pour une voie olympique dédiée aux Jeux olympiques ». « L'intérêt des JO 2024 est que cela serve d'accélérateur », avait déclaré, l'an dernier, la maire de Paris. D'autant que les « Ateliers du périphérique » se poursuivent entre la capitale et les communes concernées. Après deux réunions à Malakoff et Neuilly-sur-Seine, une troisième a eu lieu en novembre dernier en mairie de Saint-Ouen-sur-Seine.
400.000 Franciliens exposés de près au bruit et à la pollution
Les deux meilleures ennemies sont en outre bien loin des propositions des autres candidats à la ville de Paris battus par Anne Hidalgo. L'ex-marcheur Cédric Villani imaginait « des moyens d'analyse et de prédiction du trafic [pour] simuler ce que ferait un doublement de bus, la piétonnisation d'une voie », tandis que le premier candidat officiel de LREM, Benjamin Griveaux, s'était rapproché des promoteurs immobiliers pour construire des logements par-dessus, à l'image du projet « Mille arbres » sur la gare routière de la porte Maillot.
En tous les cas, toutes et tous étaient à mille lieues de vouloir en finir avec l'infrastructure routière, sauf Gaspard Gantzer. « Il ne faut pas être dans la demi-mesure : c'est une source de congestion et d'augmentation des prix des logements, il faut s'en débarrasser ! », assénait à La Tribune l'ancien conseiller en communication de Bertrand Delanoë et de François Hollande, avant de rallier avant le second tour la candidature d'Agnès Buzyn.
Son objectif à l'époque: récupérer la surface disponible pour y aménager des espaces verts et des logements. Il se donnait alors dix-huit ans, soit trois mandats pour y parvenir : trois ans de concertation « mètre par mètre », avant un référendum dans les 131 communes de la métropole du Grand Paris, suivis de quinze ans de « travaux phasés » pour « offrir des alternatives ».
La pollution atmosphérique et sonore ne s'arrête pas non plus aux frontières administratives. Selon la mission d'information et d'évaluation du Conseil de Paris, près de 400.000 personnes habitant dans un rayon de 150 mètres autour du périphérique restent exposées à un bruit supérieur à 60 décibels, avec des pics à 80-85 décibels, et à des niveaux d'alerte de dioxyde d'azote et de particules fines.
Sujets les + commentés