Elevage : la vache normande n'a plus la cote

Moins productive que sa congénère hollandaise, l’emblème à quatre pattes de la Normandie a du souci à se faire pour son avenir. Bien qu’indispensable à la fabrication des fromages AOP, la vache aux yeux cerclés voit ses rangs se clairsemer.
François Foucault, éleveur à Briouze dans l'Orne, pose à côté de la nouvelle égérie 2024 du Salon de l'agriculture.
François Foucault, éleveur à Briouze dans l'Orne, pose à côté de la nouvelle égérie 2024 du Salon de l'agriculture. (Crédits : PParchet - SIA2024)

Le jury lui prête « un tempérament calme » et une « bonne capacité d'adaptation ». Avec sa robe rousse et blanche et ses « lunettes » joliment dessinées, Oreillette a été choisie pour devenir la nouvelle égérie du Salon de l'agriculture 2024 qui se tiendra du 24 février au 3 mars porte de Versailles à Paris. Agée de cinq ans, cette élégante vache normande élevée à Briouze dans l'Orne ne le sait pas, mais elle va offrir un coup de projecteur bienvenu à ses congénères dont le cheptel s'amenuise dangereusement.

Chaque année, entre 12.000 et 15.000 consœurs d'Oreillette disparaissent des pâturages français, selon les chiffres de l'Institut de l'élevage. C'est la plus forte baisse de toutes les races laitières. Même dans son berceau historique, la Normande perd du terrain. Avec moins de 150.000 têtes répertoriées en 2023 (contre 200.000 dix ans plus tôt), elle ne représente plus qu'un petit tiers des bataillons de vaches à lait et la Chambre d'agriculture se montre assez peu optimiste quant à l'avenir. « Il n'y a pas beaucoup de signes de redressement », a admis, la semaine dernière, l'un de ses conseillers devant un parterre d'éleveurs réunis à Caen.

« Holsteinisation »

A l'origine de cette hémorragie, la fin des quotas laitiers et la concurrence d'animaux à plus fort rendement à commencer par la Prim'Holstein : une race d'origine hollandaise mâtinée de gènes nord-américains. Le monde paysan a massivement adopté cette bête de course taillée pour les robots de traite. Le mouvement entamé dès les années 1960 a même donné naissance à un néologisme : on parle aujourd'hui de « holsteinisation du cheptel ».

Il faut dire que la « noire » ainsi que l'appelle communément les agriculteurs bat des records de productivité. « La noire fournit en moyenne 8.000 litres de lait par an, là où les miennes n'en donnent que 6.000. Autrement dit, il en faut plus dans un troupeau pour le même niveau de collecte », décrypte Laurent Leray, qui élève une petite centaine de vaches rousses au Sud de Domfront dans l'Orne.

Du lait et de la viande

La race normande n'est pourtant pas dénuée de qualités. Dévoreuse d'herbe, c'est un animal de plein air qui goûte peu l'étable industrielle. On lui prête des vertus en terme d'agroécologie dans le sens où elle permet un maintien des prairies sur lesquelles elle pâture par tous les temps pour donner un lait plus riche en protéines et matières grasses que celui de sa cousine noire et blanche.

Plus rustique que cette dernière, elle est aussi moins dépendante de compléments alimentaires, maïs et autres tourteaux de soja, souligne notre éleveur. « Elle mange moins. Une ration de base lui suffit, sans ajouts ou presque pendant l'hiver ». En outre, c'est une race dite mixte à la fois laitière et allaitante qui peut se vendre pour sa viande. Pour Laurent Leray, cet atout gagnerait à être mieux reconnu par la filière bouchère. « Parce qu'elle dépense moins d'énergie pour produire du lait, sa carcasse est plus lourde que celle d'une Holstein. Et sa viande est parfaitement adaptée à la fabrication de steaks hachés dont la consommation augmente au contraire de celles des pièces de bœuf », insiste t-il.

Vers une normandisation du cheptel

Dès lors, la vache « à lunettes » pourrait-elle regagner du galon ? Une poignée de militants s'y emploient depuis quelques années. Sous l'impulsion de l'Organisme de Sélection (OS) race normande, la Région a mis en place des aides à la « Normandisation du cheptel ». Pour chaque nouvelle tête, la collectivité verse un peu moins de 500 euros aux éleveurs. En sept ans, elle se flatte d'avoir favorisé la réintroduction de « 14.000 bovins pour un montant de plus de 2 millions d'euros ».

Le programme a pris une nouvelle tournure, l'an dernier. Inquiètes à la perspective de voir se raréfier le lait normand, composant essentiel des fromages, beurres et crèmes sous appellation d'origine protégée, trois coopératives laitières (Les Maîtres Laitiers du Cotentin, Isigny Sainte Mère et la fromagerie Reo) se sont engagées, par convention, aux côtés du Conseil régional pour aider au retour de la vache rousse dans les champs.  Objectif : aider à l'acquisition de 5.000 nouvelles têtes par an. De quoi, peut-être, freiner le déclin des congénères d'Oreillette.

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Commentaires 2
à écrit le 13/02/2024 à 10:37
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"La race normande n'est pourtant pas dénuée de qualités" quelle importance ? C'est quoi la "qualité" ? Il faut du rendement !! Le plus possible ! (ça n'existe pas les vaches OGM ? A traire plus souvent, vu les quantités de lait produites) Les vaches...

à écrit le 12/02/2024 à 22:39
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L'impression étrange que l'histoire se répète encore et encore... Nous n'apprenons rien de nos erreurs. Et nous préférons toujours la quantité pas cher à l'achat (mais au prix environnemental, sanitaire et social élevé) à la qualité au juste prix. Bi...

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