SNCM : L’État condamne Marc Dufour

Le conseil de surveillance de la compagnie maritime marseillaise, qui s'est déroulé au Parc Chanot à Marseille ce lundi 12 mai, a débarqué le président du directoire Marc Dufour, dont le mandat arrivait à échéance le 31 mai. En s’abstenant, l’État a indirectement donné carte blanche aux actionnaires privés. Transdev rassure. Le ministère des Transports apaise. Les élus grondent. Les salariés se sentent en danger. Prochain conseil de surveillance le 28 mai.
Marc Dufour, président du directoire, a été débarqué au cours du conseil de surveillance de ce lundi 12 mai.

Le choix du conseil de surveillance de ne pas reconduire Marc Dufour, le patron de la SNCM dont le mandat arrive à échéance le 31 mai, est lourde de sens pour l'avenir de la société tant l'homme, qui a été débarqué du directoire ce lundi 12 mai, incarnait la possibilité d'une continuité et d'une relance pérenne pour la compagnie maritime marseillaise.

Dans le nouvel affrontement qui s'est joué au Parc Chanot entre les 14 membres du conseil de surveillance de la SNCM - sept représentants de Transdev, quatre pour les salariés et trois pour l'État - ce sont ces derniers qui détenaient le rôle du juge de paix et d'arbitre.

Hostilité de Transdev à la stratégie portée par la direction

La position des salariés quant à leur soutien accordé à Marc Dufour ne faisait aucun doute, pas davantage celle de Transdev, l'actionnaire principal de l'entreprise (à 66 %), qui ne cachait plus son hostilité à la stratégie portée par la direction. En s'abstenant, l'État a condamné Marc Dufour et indirectement donné carte blanche aux actionnaires privés. Le non renouvellement du directoire n'est pas sans conséquence pour l'avenir de l'entreprise. La composition et l'identité du nouveau directoire seront à l'ordre du jour d'un conseil de surveillance, prévu le 28 mai.

Dossier complexe et épineux

Cette nouvelle étape dans le processus de réorganisation de la compagnie maritime, qui peine à trouver un nouvel horizon, clôt une phase d'affrontements entre la direction de la société et ses actionnaires, lesquels récupèrent la main après avoir, ces dernières semaines, tenté vainement de le faire, notamment en cherchant à destituer le président du conseil de surveillance, Gérard Couturier. Reste à savoir quelles sont désormais les intentions de l'actionnaire majoritaire Transdev et surtout de l'État (25 % du capital), dont les valses hésitations et tergiversations sur ce dossier complexe et épineux (compte tenu des contentieux aussi à l'égard de l'Europe) sont nombreuses.

« Ni liquidation, ni fuite en avant »

Le PDG de Transdev, Jean-Marc Janaillac, a voulu rassurer à l'issue du conseil de surveillance : « Nous souhaitons permettre à la SNCM de se construire un avenir, qui ne soit ni la liquidation, ni la fuite en avant. Nous allons donc désormais pouvoir travailler sereinement dans l'intérêt de la compagnie, de ses salariés et de ses clients », précisant que « l'état actuel de sa trésorerie, et compte tenu des prévisions qui ont été communiquées, la question n'est pas de placer la SNCM en redressement judiciaire, mais de réunir l'ensemble des conditions qui lui permettront d'assurer son avenir ».

« Diagnostic réaliste »

Le représentant de Transdev, filiale de la Caisse des Dépôts et Veolia, qui avait pourtant rallié, dès les débuts, la stratégie de Marc Dufour préconisant un nouveau schéma d'exploitation au moyen d'une nouvelle flotte, a ajouté vouloir « construire un projet industriel reposant sur un diagnostic réaliste de la situation économique et juridique de la compagnie ».

Comprendre la position de l'État

Roland Blum, adjoint au maire de Marseille, en charge notamment du port, ne la justifie pas à défaut de la comprendre : « Cet acte signe la disparition de la SNCM et avec elle, la suppression de 4 000 emplois directs et indirects à Marseille. Une fois de plus, le gouvernement a capitulé sous la pression de l'actionnaire majoritaire. Une fois de plus, il a montré son incapacité à gérer le dossier de la SNCM dont il a volontairement différé la résolution, pour des raisons bassement électoralistes (...). D'ailleurs cette décision était acquise avant les municipales. »

« Cette décision précipite un dépôt de bilan… »

La sénateur-maire PS du 8e secteur de la ville de Marseille ne comprend pas davantage : « Le propriétaire de la SNCM et filiale de la Caisse des Dépôts dont l'État est l'actionnaire de référence a fait le choix incompréhensible de se séparer d'une équipe de direction qui se battait pour son entreprise. La SNCM avait pourtant mis en œuvre un plan de restructuration exigeant, engagé la nécessaire rénovation de la flotte et travailler à la cession éventuelle de la compagnie. La SNCM et ses 2 600 salariés mais aussi les collectivités qu'elle dessert, ne méritent pas d'être traités avec un tel cynisme. Cette décision précipite un dépôt de bilan que le gouvernement avait annoncé vouloir éviter. Comme élue marseillaise, comme sénatrice des Bouches-du-Rhône, j'en appelle au président de la République, au Premier ministre, au ministre Cuvillier pour que l'irréparable ne soit pas commis ». Le secrétaire d'État aux Transports, Frédéric Cuvillier, a pour sa part justifié la position de l'État en annonçant qu' « il était important de mettre un terme à la quasi paralysie qui menaçait la société ».

Propositions pour le financement de la future flotte

En marquant la défiance à l'égard de Marc Dufour - une défiance toutefois non assumée par les protagonistes - c'est aussi le plan d'avenir de la société qui semblait remis en cause, avec pour pièce maîtresse, le renouvellement de la flotte. Cela n'a pas été visiblement le cas puisque le conseil de surveillance a bel et bien consacré une partie de la réunion aux solutions de financement pour acquérir quatre bateaux en plusieurs phases et confirmé que le sujet n'est pas devenu pas caduc. Il devait examiner les propositions de financement de la future flotte au GNL sur la base d'un rapport établi par le cabinet d'avocats Linklaters pour le compte de la BPI et de la Caisse des Dépôts.

Deux hypothèses privilégiées

Le rapport présente notamment trois pistes : le financement direct de la SNCM par les banques ; le financement des navires par des crédits-bails fiscaux ; et l'acquisition de navires par des collectivités territoriales concernées par la DSP en vue de mettre les navires à disposition du délégataire de la DSP. Deux hypothèses semblaient privilégiées par les consultants : une société d'économie mixte (SEM) avec des partenaires privés ou une société publique locale (SPL) 100 % publique. Les actionnaires auraient marqué une préférence pour une société à actionnariat mixte (Caisse des dépôts et société privée).

Dichotomie entre les faits et les actes

Une dichotomie entre les faits et les actes qui n'a pas échappé aux salariés. Eux qui ne voient pas la non reconduction du directoire comme un signal d'apaisement : « La SNCM se retrouve donc à un tournant particulièrement dangereux de son histoire par la seule responsabilité de l'État actionnaire qui, après avoir perdu un temps considérable, avait encore les moyens de garder le contrôle quelques semaines pour organiser l'évolution actionnariale, seul gage de pérennité de la SNCM. »

Reniements et revirements désordonnés et successifs

Pour sa part, Marc Dufour restera l'homme de la résilience. Après des débuts difficiles et rugueux ponctués par 47 jours de grèves et des affiches cégétistes saluant son arrivée sous la douce incantation « Dufour, on aura ta peau », le dirigeant aura en effet beaucoup manœuvré à la barre de cette entreprise pour obtenir le renouvellement de la DSP (accordé aux prix de concessions importantes) et déjouer les tentatives de mise en défaillance préconisée par ses actionnaires privés. Il aura aussi évité moult écueils entre les reniements et revirements désordonnés et successifs de son actionnaire public, les coups de butoir de la collectivité territoriale corse qui défend l'idée de création d'une SEM avec ses propres navires, la pression (parfois à raison) de son rival Corsica Ferries, sans oublier les condamnations juridiques de l'Europe qui lui reproche les soultes versées par l'État.

Une révolution sur le port

Dans une entreprise réputée pour son dialogue social impossible, il est parvenu à obtenir l'adhésion de 57 % des salariés à son plan de restructuration qui induisait la suppression de 515 postes. Une révolution sur le port de Marseille puisque les organisations syndicales ne demandaient pas, cette fois, de l'argent pour en continuer à en perdre mais pour « faire le job » en s'alignant sur le plan industriel présenté… par la direction !

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Commentaires 2
à écrit le 08/10/2014 à 11:30
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Du mensonge organisé, une perte de temps de lire rapports parès rapports

à écrit le 05/07/2014 à 22:03
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Vous pouvez ajouter que le syndicat qui s'est opposé au plan de restructuration c'est le STC, syndicat nationaliste. Pourquoi? Parce ce qu'il savait que le but final recherché par les actionnaires (État, Transdev) était de couler la SNCM.

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