Face à la pénurie de main-d'oeuvre, TK Elevator France a formé neuf réfugiés en alternance

Alors que les discussions sur le très controversé projet de loi immigration se poursuivent, certaines entreprises n’hésitent pas à former des réfugiés en alternance, telle une réponse à leurs problématiques de recrutement. C’est le cas de l'ETI TK Elevator France domiciliée à Angers.
Chacun des neufs alternants réfugiés a été encadré par un tuteur au sein de TK Elevator France.
Chacun des neufs alternants réfugiés a été encadré par un tuteur au sein de TK Elevator France. (Crédits : TK Elevator France)

Maintes fois reporté, durci au Sénat en novembre dernier, révisé en commission à l'Assemblée nationale, le très controversé projet de loi sur l'immigration est arrivé lundi dernier en séance au Palais-Bourbon pour finalement ne pas être discuté. Pour rappel, les députés ont voté pour la motion de rejet du groupe écologiste qui a été adoptée par 270 voix pour, 265 contre, et 13 abstentions. Le projet de loi immigration devait notamment ouvrir un débat sur la régularisation des travailleurs sans papiers.

Des méthodes de recrutement innovantes

Loin de ces débats politiques, et alors que les besoins d'une main-d'œuvre étrangère ne faiblissent pas en France (1), il y a la société d'ascenseurs TK Elevator France à Angers dans le Maine-et-Loire (30 agences, 4 filiales, 2.100 collaborateurs) qui est confrontée à des problématiques de recrutement. En effet, pour assurer la maintenance du parc d'ascenseurs existant en France, ce secteur embauche 1.000 à 1.500 techniciens de maintenance chaque année. « Il s'agit d'un métier très technique et spécifique qui est très recherché et nous sommes confrontés à une pénurie de candidats qualifiés », indique Christine Boisseau, directrice des ressources humaines.

Elle ajoute : « nous avons subi les aléas post-Covid avec un accès à l'emploi qui est devenu plus complexe. Aujourd'hui, le rapport au travail a évolué et le marché s'est tendu sur des métiers très concurrencés. » Pour faire face à ces difficultés, l'entreprise a déjà opté par le passé pour la méthode de recrutement par simulation en lien avec le Pôle emploi et a participé à la création d'un BTP ascensoriste (première promotion en septembre 2023) avec la fédération des ascenseurs. Pour aller un cran plus loin, elle a opté cette année pour des « méthodes de recrutement innovantes » en formant neuf alternants réfugiés au métier d'ascensoriste. « Il nous fallait réfléchir à une nouvelle approche du recrutement, innover pour trouver de nouveaux candidats. Notre partenariat avec Humando (entreprise de travail temporaire inclusive, ndlr) répond parfaitement à cette volonté d'intégrer de nouveaux profils de candidats, tout en étant en parfaite adéquation avec les valeurs fortes d'inclusion et de diversité que nous cultivons au sein de l'entreprise », explique Christine Boisseau.

Un an de formation

De novembre 2022 à novembre 2023, la société a donc accueilli 9 alternants refugiés. « En provenance d'Afghanistan, de Guinée Conakry, Mauritanie et du Soudan, ils ont entre 21 et 37 ans, sont en France depuis 2 à 3 ans en moyenne et ont obtenu le statut de réfugiés. À ce titre, ils bénéficient d'un titre de séjour et d'une autorisation de travail sur le territoire français », précise Damien Filluzeau, directeur de ce projet baptisé Lotus au sein d'Humando.

Ces 9 alternants ont donc intégrés 7 agences (Marseille, Angers, Paris, Lille, Strasbourg, Reims, Bussy- Saint-Georges) où ils ont été accompagnés par des techniciens de maintenance pour monter en compétences. Leur formation a démarré avec une remise à niveau de trois mois via un contrat de développement professionnel intérimaire (CDPI), intégrant des cours de français langue étrangère, la découverte du métier d'ascensoriste et de la culture de l'entreprise TK Elevator, ainsi qu'un accompagnement social et professionnel personnalisé assuré par Humando (régularisation administrative, recherche de logement, permis de conduire). Se sont ensuivis 55 jours de formation théorique au métier de technicien de maintenance dispensés à l'AFORP à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), complétés par des modules de formation en électricité dispensés au centre de formation TK Elevator à Angers. Avant d'entamer 150 jours de formation en agence.

Au terme de leur alternance d'un an, ces alternants ont validé leur formation par un Certificat de Qualification Professionnel de la Métallurgie (CQPM) « Agent de Maintenance Ascenseurs » reconnu par l'industrie de la métallurgie.

Quel bilan ?

La DRH ne nie pas certaines difficultés, comme la barrière de la langue ou un nécessaire temps d'acculturation. « Au démarrage, ce projet a pu aussi susciter de l'appréhension chez les managers mais aussi chez ces jeunes qui ont pu vivre des situations difficiles dans leurs pays et avoir la crainte de ne pas réussir à s'adapter. Mais il y a une telle détermination et un vrai investissement de leur part, un tel engagement de nos équipes, avec un accompagnement complet d'Humando que cette expérience ne pouvait être que gage de succès », assure Christine Bousseau.

L'entreprise se dit convaincue par ce programme et les bénéfices observant « une vraie dynamique positive ». L'un des réfugiés s'est vu proposer un CDI, 1 autre un CDD, 5 vont poursuivre leur formation en alternance chez TK Elevator, pendant un à deux ans, pour viser l'obtention d'un baccalauréat professionnel de Technicien de maintenance. « Et deux réfugiés n'ont pas poursuivi, soit par choix ou soit parce que nous avons estimé que la nécessité d'atteindre les attendus du poste étaient trop complexes pour pouvoir aboutir. Ils sont donc repris en charge par Humando pour les accompagner sur un autre processus d'emploi. »

De son côté, TK Elevator France relance une nouvelle séance de recrutement pour 2024 avec une dizaine de personnes. Aujourd'hui, la société serait le seul ascensoriste dans son domaine à avoir être séduite par cette méthode mais la DRH est convaincue qu'elle va faire des émules dans son secteur.

(1)  Avec une population active estimée à près de 3,5 millions de personnes en 2022, la main-d'œuvre immigrée occupe 10% des emplois en France, selon les dernières statistiques de l'Insee. Interrogé sur Franceinfo en novembre dernier, le ministre de l'industrie Roland Lescure a quant à lui estimé les besoins nécessaires à 100.000-200.000 au cours des dix prochaines années.

Le projet Lotus existe depuis 3 ans. En tout, il y a eu une vingtaine de promotions, soit 232 personnes accompagnées. Humando comptabilise 70% de sorties dynamiques (c'est-à-dire que le dispositif a débouché sur un CDD, un CDI ou une formation qualifiante). Les 30% restant sortent du dispositif. « Ce sont des publics fragiles. Certains ne sont pas prêts, pour d'autres cela va trop vite », justifie Damien Filluzeau qui pilote ce programme. « Le monde du travail a du mal à ouvrir les portes aux réfugiés. Il faut donc convaincre les entreprises à s'engager avec nous. Quelques acteurs l'ont déjà fait, comme Auchan, Sodexo, Suez, Volvo, Bouygues Télécom, Theolis Transport ou encore Transdev... Si nous arrivons à embarquer ces entreprises c'est parce qu'elles ont du mal à recruter et ont un réel besoin de compétences. » Mais il reconnaît qu'il n'y a pas pléthores d'entreprises engagées dans ce dispositif.

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Commentaires 6
à écrit le 17/12/2023 à 15:09
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Si on ne trouve pas la main d'oeuvre en France on la fera venir au lieu de délocaliser…au Luxembourg ;-)

le 17/12/2023 à 15:43
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C pas le genre de boite à faire de l'optimisation fiscale au Luxembourg…

à écrit le 17/12/2023 à 12:38
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…on verse un vrai salaire aux nouveaux salariés qui seront formés et coachés en interne pendant 18 mois. On reçoit beaucoup de CV

à écrit le 17/12/2023 à 8:05
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J'en connais qui serait prêt à accepter le poste pour avoir des papiers sans aucune rémunération.

à écrit le 15/12/2023 à 8:33
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Plutôt qu d'augmenter les salaires ou favoriser les conditions de travail. Mais qu'ils sont humanistes tout ces gens là ! LOL !

le 20/12/2023 à 13:01
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Doubler les salaires va créer des vocations. A voir (scientifiquement) si ça se concrétise (sans a priori, sans idée préalable sur l'efficacité). Boucher il parait que c'est un métier qui paie bien, mais certains sont 'repoussés' par cette activité (...

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