Lacroix cherche à céder son activité historique de panneaux de signalisation

En pleine transition pour passer d’équipementier à acteur de solutions industrielles dans l’IoT et l’électronique, le groupe Lacroix a décidé de se séparer de sa branche signalisation. Une activité historique jugée déficitaire où les synergies techniques et commerciales se seraient avérées impossibles avec les autres activités du groupe. 315 emplois sont en jeu, dont 270 près de Nantes.
Lancée dans les années soixante-dix, la fabrication de panneaux de signalisation a  contribué à la réputation et à l'image du groupe Lacroix, aujourd'hui tournée vers l'électronique, l'environnement. et l'international.  A Saint-Herblain, près de Nantes, l'unité de fabrication emploie 270 personnes.
Lancée dans les années soixante-dix, la fabrication de panneaux de signalisation a contribué à la réputation et à l'image du groupe Lacroix, aujourd'hui tournée vers l'électronique, l'environnement. et l'international. A Saint-Herblain, près de Nantes, l'unité de fabrication emploie 270 personnes. (Crédits : DR)

A défaut d'être la plus rentable, c'était la partie de l'iceberg la plus visible du groupe Lacroix. Celle que l'on croise aux abords des routes et des autoroutes pour trouver son chemin. Celle aussi, qui fût épinglée et condamnée par l'Autorité de la concurrence en 2010 dans le cadre de l'affaire dite du « Cartel des panneaux routiers ». Trois ans plus tôt, celle-ci dénonçait une entente déloyale sur la répartition des marchés publics et les prix de marché, organisée entre 1997 et 2006, impliquant huit concurrents (Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Signaux Laporte, Aximum...). Sanctionné comme tous les protagonistes de cette affaire, le groupe Lacroix a été condamné à 7,7 millions d'euros d'amende. Les recours déposés par le groupe ont été rejetés par le Conseil d'Etat en 2020.

Activité traditionnelle, loin du monde des objets connectées et de l'environnement où gravite désormais le groupe Lacroix, la fabrication de panneaux de signalisation fait figure de caillou dans la chaussure. D'où la décision de vendre. « Ce n'est pas un projet financier mais un projet de recentrage pour le groupe et la Business Unit City. L'activité signalisation à une valeur que l'on va essayer de valoriser. Les candidats à l'acquisition devront avoir une surface financière suffisante pour acheter et continuer à investir dans un projet industriel et social permettant de poursuivre le développement de l'activité », mentionne Nicolas Bedouin, directeur général délégué et vice-président Finance de Lacroix qui justifie la cession de la branche « Signalisation », en raison de synergies techniques et commerciales trop limitées avec les autres activités et des résultats financiers déficitaires. Notamment en 2022, où le groupe, tributaire de marchés pluriannuels, n'aurait pas réussi à répercuter la hausse du coût des matières premières. Notamment de l'aluminium, dont le prix à la tonne est passé de 1.000 ou 2.000 dollars à 4.000 dollars.

 Management et choix stratégiques contestés

Pour les représentants du personnel et les délégués syndicaux CGT, inquiets, cette décision n'est, cependant, pas vraiment une surprise. « Ça fait dix ans que l'on est dans une situation critique. En raison de problèmes organisationnels, de gestion, de management, de turn over et de compétences... et de mauvais choix stratégiques que même la direction reconnait », pointe Ronan Paysan, délégué CGT de l'entreprise. En 2015, déjà, les pertes financières avaient conduit à la fermeture de quatorze agences, à la mise en place d'un plan social d'entreprise (PSE) et au licenciement de 64 personnes. « Nous étions presque revenus à l'équilibre après le Covid, mais depuis deux ans, on a replongé », dit-il.

Malgré des investissements répétés dans l'entreprise, les pertes, chiffrées à 1,5 million d'euros en 2021, auraient atteint 3 millions d'euros à fin 2022. Et représenteraient 500.000 à 700.000 euros au cours des deux derniers mois. « La trajectoire ne va pas dans le bon sens. Même sur le négoce qui représente 20% de l'activité, on perd de l'argent. La recherche de nouveaux produits n'a pas suffi pour redresser l'entreprise et a plutôt eu comme effet de déboussoler la clientèle. Si bien que certains s'en vont...», reconnait Olivier Moreau, secrétaire du comité social et économique (CGT). Signe de ces difficultés grandissantes, le directeur de la Business Unit « Signalisation » a été tout récemment remercié un an après son arrivée.

Des repreneurs français ou étrangers, un fonds ou un concurrent...

Pour tenter d'y voir plus clair, le groupe a diligenté un audit, mené en décembre et janvier dernier, par le cabinet spécialisée Dirigeants et Investisseurs. C'est lui qui doit faire office de directeur général jusqu'à la cession de l'activité, voulue d'ici à la fin de l'année 2023, et tenter de retrouver l'équilibre. Une date vécue comme un ultimatum par les salariés et leurs représentants à qui l'on a promis un plan d'actions et un point d'étape avant l'été prochain. «Que se passera-t-il si aucun repreneur n'est trouvé ? », s'inquiète Olivier Moreau, qui dit « ne pas pouvoir imaginer qu'un groupe comme Lacroix puisse vendre une boutique comme ça, à l'origine de la création du groupe ».

De nombreux salariés qui ont fait toute, ou une grande partie, leur carrière « chez Lacroix » ont le sentiment d'être lâchés et « que l'on veut couper la branche pourrie » au profit de la branche Electronique. Malaise. « Nous sommes dans le flou. Que vaut la boite ? Qu'entend-t-on faire des murs ?... On aimerait savoir où l'on va pour éviter, aussi, les fuites de personnels en période de plein emploi », redoute Olivier Moreau.

Pour la direction, malgré les résultats enregistrés, la business unit « Signalisation » conserve un vrai positionnement, un vrai potentiel, un vrai savoir-faire industriel et de solides compétences dans la réponse aux appels d'offres. «On ne s'interdit rien en termes de potentiel acquéreur dès lors qu'il y a un projet industriel et social derrière, et non un projet qui viserait à fermer le site. Ça peut être des repreneurs français, des étrangers, pourquoi pas un fonds d'investissement, des industriels voire des concurrents...», balaye Nicolas Bedouin, pour qui la valorisation dépend du potentiel de l'activité, des résultats actuels et futurs, mais aussi des actifs, immobiliers notamment... « Redonner de l'autonomie à cette filiale lui permettra d'aller au bout de son projet et non pâtir des investissements fléchés vers l'électronique », prévoit-il.

270 emplois en suspens à Nantes

Dans sa configuration actuelle, la Business Unit « Signalisation » (315 personnes) s'appuie sur un site industriel (fabrication de panneaux de routier et de chantier, de panneaux lumineux et dynamique) de 270 personnes à Saint-Herblain, près de Nantes, des filiales de distribution à la Réunion, à Mayotte, en Nouvelle Calédonie et en Espagne, territoire doté lui aussi d'une unité de fabrication de 40 personnes. Fortement implantée auprès des collectivités et des exploitants routiers, Lacroix Signalisation revendique 25% de part de marché en France. Pour le groupe, elle assurait 55 (8% du chiffre d'affaires du groupe) des 109 millions d'euros générés par la branche « City », l'un des trois piliers du groupe. En 2022, perturbée par l'attentisme des collectivités face aux incertitudes liées au contexte international et à l'énergie, l'activité a redémarré au quatrième trimestre. D'une relative stabilité (-0,7%), l'activité City n'aura, cependant, pas connu le dynamisme des secteurs « Environnement » en hausse de 9,1% et « Electronique », portés par une croissance de 62,5% en 2022. « Notre centre de gravité se déplace. Les synergies que nous avons cherché à mettre en place en R&D et commercialement se sont avérées trop limitées avec les autres segments de l'activité City que sont la gestion de trafic et la télégestion de l'éclairage public», explique le directeur général délégué de Lacroix engagé depuis 2020 dans un plan de transformation stratégique Laedership 2025. Avec une ambition claire : passer de fabricant d'équipements technologiques et industriels à « leader global de solutions IoT industrielles et d'équipements électroniques pour applications critiques » en focalisant sur les marchés français, américain et allemand.

 Pas de sentiment

Pour cette ETI familiale (4.200 collaborateurs) entrée en bourse en 1992, c'est un véritable changement d'échelle qui doit lui permettre d'atteindre un chiffre d'affaires de 800 millions d'euros en 2025 avec un ebitda proche de 9%, contre un chiffre d'affaires de 441 millions d'euros (ebitda 5,9%) cinq ans plus tôt. Portées par l'intégration de la société américaine Firstronic où Lacroix a pris 62% du capital, les ventes de l'entreprise ont progressé de 41,1% en 2022. A périmètre constant, le groupe d'électronique affiche un chiffre d'affaires de 707, 8 millions d'euros, en hausse de +7,5%.

A en croire ces derniers résultats, malgré l'impact de la crise du Covid et la pénurie de composants électroniques, le groupe semble plutôt bien reparti pour atteindre ses objectifs. Quitte à devoir rogner sur les activités moins rentables, aujourd'hui plus éloignées de son nouveau cœur de métier. « Ce n'est forcément pas une décision facile à prendre mais c'est une décision qui fait sens et qui était nécessaire», estime Nicolas Bedouin, fils du fondateur de l'activité « Signalisation » en 1972. Le business a, visiblement, pris le pas sur les sentiments.

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Commentaires 4
à écrit le 27/02/2023 à 10:18
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On aimerait surtout savoir combien à coûter au contribuable la folie temporaire du 80, quelle société a obtenu ce juteux marché et à quel prix. Et savoir encore combien de départements sont repassés au 90, doublant encore la facture. Dans le privé, ...

à écrit le 23/02/2023 à 8:20
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Ah l'histoire des panneaux de signalisation. Je tiens justement à signaler que les premiers panneaux de signalisation, en pierre, que nous avons toujours dans le centre de la France, quelques uns du moins, sont encore en super état et ont peut être u...

le 23/02/2023 à 13:04
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Les panneaux Michelin ? Ça faisait de la pub à l'occasion, mais l’État était-t-il à la hauteur ? Voire a délégué à Michelin la signalisation routière. Ils ne sont pas très variés (y en avait 4 en 1909, je crois, lu y a peu), on en voit des quantités ...

le 23/02/2023 à 18:30
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Ils sont magnifiques et inusables ces panneaux en pierre, mais bon inusable forcément ça peut pas le faire hein, vendre de la super qualité c'est n'importe quoi.

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