Le CHU de Nantes va expérimenter la semaine de 4 jours

A la demande du syndicat de la fonction publique hospitalière Acteurs santé CFE-CGC, le CHU de Nantes devrait expérimenter la semaine de quatre jours. Probablement dans un service de gériatrie à partir du mois de septembre prochain pour une période de douze mois. L’évaluation décidera de dupliquer, de généraliser ou d’abandonner l’idée voulue pour améliorer les conditions de travail des soignants et redonner du sens à leur métier.
le CHU de Nantes consacré une veloppe de 120.000 euros prise sur le Ségur de la Santé pour expérimenter la semaine de quatre jour dans une unité de soins.
le CHU de Nantes consacré une veloppe de 120.000 euros prise sur le Ségur de la Santé pour expérimenter la semaine de quatre jour dans une unité de soins. (Crédits : Reuters)

Elle ne dit, officiellement, pas son nom, mais c'est bien une organisation basée sur la semaine de quatre jours qui doit être expérimentée, vraisemblablement à l'automne prochain, dans un service du CHU de Nantes. Après dix mois de discussions, un protocole d'accord a été signé le 3 avril dernier entre le syndicat de la fonction publique hospitalière Acteurs santé CFE-CGC, porteur de ce projet, et la direction du CHU pour tester une nouvelle organisation du travail dans une unité de soins.

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« Il s'agit de trouver une meilleure adéquation entre vie professionnelle et personnelle et surtout d'améliorer les conditions de travail de métiers passionnants où les gens finissent par s'épuiser », explique Jacqueline Le Pennec, présidente de la section de Nantes du syndicat Acteurs santé CFE-CGC, à l'origine de cette première en France, où aucun autre syndicat n'a voulu embarquer.

Si les contours restent à définir, l'expérimentation pourrait démarrer en septembre prochain, pour une durée de douze mois. Vraisemblablement dans un service de gériatrie, là où les besoins seraient les plus criants. Il s'agirait de travailler neuf heures par jour, au lieu de 7h30 actuellement, ce qui permettrait de dégager une journée de repos supplémentaire par semaine et de résoudre la problématique des chevauchements de services, ces temps d'échanges et de transmissions des informations de plus en plus ramenés à la portion congrue.

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 Une vraie-fausse bonne solution pour la CGT

 « Dans la réalité, pour beaucoup, faute de personnel, les semaines s'enchaînent avec seulement une journée de repos tous les quinze jours et parfois jusqu'à des cycles de douze semaines », détaille la syndicaliste Acteurs santé CFE-CGC. Au CHU de Nantes qui emploie 10.000 personnes, le taux d'absentéisme oscillerait entre 10% et 12%. « Ce chiffre a doublé en dix ans. Sur cette période, cela représente 260.000 jours et 18 millions d'euros pour compenser l'absentéisme», atteste Patrice Le Luel, secrétaire général adjoint de la CGT et secrétaire général du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (F3SCT), qui a refusé de signer ce qu'il considère « comme une vraie fausse bonne solution. D'autant qu'ici, l'essayer c'est l'adopter... » redoute-t-il, demandant plutôt des effectifs supplémentaires, des moyens financiers et de meilleures conditions de travail pour les jours travaillés.

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Sortir des carcans rigides

 A la direction du CHU, le directeur des ressources humaines se dit ouvert à toutes les expérimentations. « Ce qu'on veut, c'est sortir des carcans un peu rigides et pouvoir proposer aux professionnels un panel d'organisations qui leur conviendraient dans la limite de la continuité des soins. En l'occurrence, la solution sur neuf heures sous-entend de remettre des moyens financiers supplémentaires... et ce modèle risque d'être compliqué à dupliquer », souligne Luc-Olivier Machon. L'établissement hospitalier a alloué un budget de 120.000 euros pour l'expérimentation, pris sur l'enveloppe du Ségur de la santé. Une somme qui permettra de financer deux postes supplémentaires pour faire fonctionner une unité d'une quarantaine de personnes.

C'est l'une des raisons qui a poussé le syndicat CFDT à refuser ce protocole d'accord. « On dépense de l'argent du Ségur qui n'était pas prévu pour cela. Syndicalement, c'est inconcevable. On ne signe pas parce que c'est à titre expérimental et que justement il faudra des renforts alors que nous n'avons déjà pas les effectifs suffisants. Et puis, les modalités de l'expérimentation sont encore assez flous, alors pas question de signer un chèque en blanc », indique Emmanuel Renaud, secrétaire général CFDT au CHU de Nantes.

 Les instances de Force Ouvrière (FO) ont elle lui aussi refusé de donner leur blanc-seing pour une expérimentation jugée imprécise. « Ça fait quarante ans que l'on subit des contre-réformes. Je veux bien qu'on me fasse rêver avec une semaine de 4 jours mais j'ai besoin de précisions. Or, ce que l'on demande, avant tout, à la direction, c'est de nous assurer du respect du décret 2002-9 relatif au temps de travail. Faire un effet d'annonce sur une semaine de 4 jours alors qu'on arrive à peine à faire respecter les trente-cinq heures à l'hôpital public, à un moment, il ne faut pas nous prendre pour des lapins de six semaines ! », ajoute Tony Gilbert, secrétaire général de FO au CHU de Nantes.

Pas de douze heures mais des solutions

Pas totalement convaincu mais favorable à l'expérimentation à venir, le Directeur des Ressources Humaines estime que, « de toute façon, les rythmes hospitaliers ne sont pas compatibles avec les trente-cinq heures. Les temps d'échanges se sont réduits avec la mise en place de la réduction du temps de travail», observe Luc-Olivier Machon, plutôt partisan de la mise en place de cycles de douze heures, de jour et de nuit. Une option réclamée par une frange de la nouvelle génération qui, quitte à travailler, y voit plutôt le moyen de concentrer des jours de repos. Cette hypothèse est , en revanche, totalement rejetée par l'ensemble des syndicats, Acteurs santé CFE-CGC compris. « Les douze heures, ça ne coûtait rien, c'était tout bénef... pour la direction. Comme tous les syndicats, nous nous y sommes toujours opposés. C'est un système délétère pour la santé qui provoque des problèmes de vigilance pour les soins et le retour à domicile des salariés dont les logements souvent très éloignés du CHU, en raison de la flambée des coûts de l'immobilier, devient dangereux », explique Jacqueline Le Pennec.

En revanche, entre 12 heures et 7H30 par jour comme c'est le cas aujourd'hui, il existe un delta sur lequel le syndicat veut travailler pour retrouver l'attractivité des métiers, fidéliser, éviter le turn over... L'objectif est de prouver que deux postes supplémentaires ou trois ETP (Equivalents Temps Plein) vont faire baisser l'absentéisme et donc réduire le nombre de remplacements . « Peut-être que l'on se trompe, mais on veut simplement vérifier notre théorie. A un moment, il faut arrêter d'être dans la lutte, se mettre autour de la table et trouver des solutions ! Car il y a plein d'endroits à l'hôpital où l'on aimerait travailler 4 jours à la logistique, à la pharmacie, dans les bureaux... », estime Jacqueline le Pennec, alors que le monde hospitalier souffre d'une désaffection profonde. L'expérimentation doit durer douze mois et être évaluée, en interne, pour voir ce qui fonctionne ou pas.

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Commentaires 3
à écrit le 19/04/2023 à 14:34
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Moins d'administratifs et de valideurs des commandes ou de systèmes de reporting qui s'autoalimentent. Ce sera plus efficace...

à écrit le 17/04/2023 à 18:14
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Le CHU de Nantes va expérimenter la semaine de 4 jours...et neuf heures par jour. Il y a qu'un seul syndicat de cadre chez eux ?, les autres syndicats en pensent quoi ? Qui va travailler les 3 autres jours ? ,seul les cadres pourront travailler qu...

à écrit le 17/04/2023 à 7:57
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Aucun intérêt, actuellement, en enchainant une journée complète, une garde de nuit (qu'il faut souhaiter "calme") et une autre journée, les soignants sont déjà dehors en un jour et demi.

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