Le pari fou de Néolithe : transformer les déchets non recyclables en matériaux de construction

Deux ans après avoir mis au point un procédé de fossilisation des déchets non-recyclables, la startup Néolithe va disposer d'un terrain de onze hectares pour déployer un site industriel près d'Angers. Objectif : passer à la phase d'industrialisation en déployant vingt-cinq fossilisateurs dans les centres de tri français dès 2023.
le fossilisateur développé par Néolithe est capable d’absorber 5000 tonnes de déchets non recyclables par an, valorisables par les collectivités, soit l’équivalent de la production de déchets non inertes et non dangereux d’une ville de 20.000 à 30.000 habitants.
le fossilisateur développé par Néolithe est capable d’absorber 5000 tonnes de déchets non recyclables par an, valorisables par les collectivités, soit l’équivalent de la production de déchets non inertes et non dangereux d’une ville de 20.000 à 30.000 habitants. (Crédits : Néolithe)

Si l'intérêt de convertir du plomb en or n'est pas encore démontré, certains ont, en tout cas, réussi à transformer des déchets non recyclables en cailloux, probablement sonnants et trébuchants. Un granulat de 6 à 30 mm, recyclable, pouvant être utilisé dans du béton de construction ou des sous-couches routières. L'idée de la fossilisation des déchets issus des ordures ménagères non recyclables (barquettes, restes alimentaires...), non inerte et non dangereux ou provenant des chantiers de construction (plastique, bois, carton, isolants...) vient de la tête de William Cruaud, tailleur de pierre de formation, spécialiste des bétons depuis quatre décennies, médaillé d'or du salon des inventeurs de Genève pour un béton innovant.

L'invention lui a permis de créer sa propre entreprise il y a quinze ans et de poursuivre ses recherches. Jusqu'à ce qu'il partage l'idée de fossiliser les ordures ménagères avec son fils, Nicolas, ingénieur en mécanique, diplômé de l'Ecole Polytechnique et Isae-Supaero, et Clément Benassy, ingénieur à AgroParisTech où il a suivi une double formation en ingénierie de l'environnement et en gestion d'entreprise. En 2019, le trio fonde la startup Néolithe, à Chalonnes-sur-Loire, près d'Angers.

Un marché très ouvert

« Le secret de fabrication, c'est le liant qui permet de rendre les déchets inertes », explique Nicolas Cruaud, président de Néolithe. Le principe : broyer les déchets non recyclables en une fine poudre de 0 à 600 microns, associer le liant bas carbone et extruder (compresser selon une forme) cette « pâte à modeler » pour la transformer en granulat minéral, normé. « C'est plus de la plus de la chimie que de la mécanique », concède l'entrepreneur, qui finalise un premier fossilisateur, fruit d'un process (convoyeur, broyeur...) étendu sur 400 m² et destiné à équiper des centres de tri en France. Le marché est estimé à 400 millions de tonnes en France. Baptisé Anthropocite, ce nouveau matériau a d'ailleurs été testé par le collectif de startups, de TPE et PME Empreinte qui expérimente de nouvelles méthodes de construction à Beaucouzé (49) pour réduire l'impact environnemental des chantiers de construction.

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« L'objectif est de produire quatre fossilisateurs cette année et vingt-cinq l'an prochain », indique Nicolas Cruaud. Chaque unité, commercialisée 1,2 million d'euros, est capable d'absorber 5.000 tonnes de déchets par an, valorisables par les collectivités. L'équivalent de la production de déchets d'une ville de 20.000 à 30.000 habitants. « Le produit obtenu se comporte comme un caillou. Il peut alors être vendu a des centrales à béton au même prix qu'un granulat de carrière. C'est une solution moins coûteuse que l'enfouissement et qui présente un vrai intérêt environnemental», souligne l'instigateur du projet qui vient de recevoir un soutien de poids pour passer à l'échelle industrielle.

Un site industriel de 11 hectares

Fondée en 2005 à l'initiative du département du Maine-et-Loire pour gérer le développement technique, le financement et le portage immobilier d'entreprises privées, la société d'économie Mixte (Sem) Alter Eco a décidé de mettre à disposition de Néolithe un terrain de onze hectares pour déployer un site industriel. Sur un espace de 10 hectares, Alter Eco va investir 9,2 millions d'euros dans cette opération et piloter la construction de 3.000 m² de bureaux, 1.700 m² de laboratoire, la première tranche d'une unité d'assemblage des fossilisateurs sur 4.800 m². La Livraison est prévue pour juillet 2023. Le permis de construire doit être déposé d'ici la fin du semestre.

Depuis sa création, Alter Eco dit avoir investi 143 millions d'euros dans trente-et-une opérations d'immobilier d'entreprises, qui ont permis d'héberger 3387 emplois. Neuf projets sont en cours de développement sur le territoire. « En permettant à Néolithe de s'implanter dans les meilleures conditions sur la communauté de communes Loire Layon Aubance, territoire de naissance de deux des fondateurs, nous soutenons la startup dans son développement ambitieux et lui garantissons de pouvoir créer et fixer des emplois durablement en Maine-et-Loire », indique dans un communiqué Gilles Grimaud, Président d'Alter Eco et Conseiller Départemental de Maine-et-Loire.

Une levée de fonds de 15 millions d'euros

En deux ans, Néolithe a recruté 42 collaborateurs. « Pour atteindre l'objectif de quatre fossilisateurs en 2024, nous envisageons le recrutement de 60 personnes cette année. Des ingénieurs, des opérateurs, des monteurs, des soudeurs, des techniciens de laboratoire... », précise Clement Benassy, directeur général de Néolithe. Sur l'hectare restant, la startup va créer une unité de production de liant sur 1.000 m². « Le liant, c'est le consommable de notre modèle économique, qui s'appuie aussi sur la vente de fossilisateurs », précise le co-fondateur de la startup, où sont entrés les fonds d'investissements Polytechnique-Ventures et Andurance.

Avec l'ambition de vendre cinquante fossilisateurs par an, elle estime pouvoir générer 80 millions d'euros de chiffre d'affaires (hors liant) d'ici à trois ans et porter son effectif à 200 ou 300 personnes. C'est le pari fait par Alter Eco. A l'issue d'une première levée de fonds de 500.000 euros en 2019, Néolithe qui bénéficie des conseils stratégiques et des réseaux de Jacques Attali a levé 2 millions d'euros auprès de Business Angels et d'industriels en mars dernier. Elle s'apprête, cette fois, à lever 15 millions d'euros pour accompagner sa croissance. Et transformer ses cailloux... en or.

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Commentaire 1
à écrit le 02/02/2022 à 17:25
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Super, également il doit être possible d'utiliser de la vase comme matériau

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