Formule 1 : la suprématie de Verstappen ne lasse pas les puristes

Le triple champion du monde éblouit les experts et les fans. Mais il serait bon que le suspense revienne cette saison, qui débute le week-end prochain à Bahreïn.
À Bahreïn, le 21 février, lors de la première journée des essais, qu’il a dominée.
À Bahreïn, le 21 février, lors de la première journée des essais, qu’il a dominée. (Crédits : © REMKO DE WAAL/ANP SPORT/PRESSE SPORTS)

La nouvelle mouture de sa Red Bull, dépourvue d'entrées d'air visibles pour refroidir son V6 hybride, interpelle ? La position de Christian Horner, l'historique team manager de l'écurie accusé de harcèlement sexuel, ne tient qu'à un fil ? Il en faudrait plus pour déloger Max Verstappen de la pole position dans la course à sa propre succession. Sans modification réglementaire ni transfert de pilote majeur, rien ne semble pouvoir stopper sa marche en avant. Faut-il s'en réjouir, considérant l'ampleur de sa domination la saison passée ? Dix-neuf victoires en vingt-deux Grand Prix, 75 % du temps passé en tête : du jamais-vu. Même à l'époque de l'hégémonie de Michael Schumacher ou de Lewis Hamilton...

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« Pour les affaires de la F1, ce n'est évidemment pas idéal, juge Vincent Chaudel, fondateur de l'Observatoire du sport business. Dans la formule gagnante pour attirer le grand public et les sponsors, il y a l'incertitude du résultat. » Jusqu'ici, les audiences télévisées, boostées depuis la série Formula 1 - Pilotes de leur destin (Netflix) et le confinement, ne semblent pas en pâtir : l'an passé, Canal+ a enregistré 1,13 million de téléspectateurs en moyenne par Grand Prix, proche du record historique de 1,21 million de la saison précédente. Selon une étude du cabinet Buzz Radar, les mentions sur les réseaux sociaux ont en revanche chuté de 70 % au premier semestre 2023 par rapport à celui de 2022.

Ses courses ne sont plus que la démonstration de sa maestria

Ce paradoxe met en relief le fossé entre la perception du grand public et celle des puristes. Le premier se lasse des scénarios répétitifs, les seconds se délectent d'assister au règne d'un champion hors norme, phénomène de précocité depuis toujours et né pour marquer l'histoire de son sport. Sa progression les éblouit. Au début de sa carrière, le Néerlandais pouvait se montrer aussi dangereux que le pilote de karting qu'il était quelques années plus tôt, fermant la porte à ses adversaires de façon irrégulière, et cela ternissait ses mérites de grand attaquant. Si Ferrari ou Mercedes n'ont jamais porté plainte pour des incidents de course, c'est seulement en espérant l'attirer un jour dans leurs filets.

Aujourd'hui, à 26 ans, il ne commet plus de faute, ni de pilotage ni de réglage. Ses courses ne sont plus que la démonstration de sa maestria. Sans pour autant sacrifier le panache : il est capable de rentrer aux stands alors qu'il a course gagnée, afin de chausser des pneus neufs et d'engranger le point supplémentaire du meilleur tour en piste. Au risque de partir à la faute et de tout gâcher. Les fans adorent. Lors du dernier Grand Prix du Brésil, Verstappen, largement leader, s'est permis d'admirer sur les écrans géants du circuit d'Interlagos la bataille extraordinaire que se livraient son coéquipier Sergio Pérez et Fernando Alonso (Aston Martin). « Je les regardais tellement que j'ai failli sortir de la piste », s'est-il amusé.

Idole dans son pays, le Néerlandais est aussi et surtout adoubé par les grands sages des courses en formule 1. À l'image de sir Jackie Stewart, qui n'a pourtant pas le compliment facile. « Beaucoup de grands pilotes malmènent leur voiture, note le triple champion du monde écossais du haut de ses 84 ans. Ce n'est pas le cas de Max Verstappen, qui sait tout faire. Il est très propre, très fort dans ses trajectoires, ses freinages, ses dépassements. Il pourrait devenir l'égal des plus grands, comme Fangio ou Prost. »

« Max est devenu le meilleur pilote de tous les temps »

Fondateur de la formule 1 moderne et spectateur privilégié du duel Prost-Senna comme de l'avènement de Michael Schumacher, Bernie Ecclestone a longtemps considéré le pilote français aux quatre couronnes mondiales comme le plus grand champion de l'Histoire. Pourtant, « cela ne fait pas l'ombre d'un doute à [ses] yeux », a-t-il assuré dans le Daily Mail, « Max est devenu le meilleur pilote de tous les temps ». Pour ces grands témoins comme pour les fans aguerris, l'ultra-domination de sa Red Bull ne remet pas en question sa supériorité intrinsèque : la manière dont il surclasse, jusqu'à humiliation, l'expérimenté et respecté Sergio Pérez clôt le débat.

Sa maîtrise sur la piste est le reflet de sa maturité grandissante. Depuis son premier titre dans la polémique en 2021, Max Verstappen a appris de ses erreurs et pris de l'épaisseur. Il se montre posé et pertinent en interview, n'insulte plus à tort et à travers, ne crie plus au scandale à la première occasion. Il n'est pas devenu lisse pour autant. Il reste capable d'altercations avec ses ingénieurs ou ses adversaires. Et n'a pas sa langue dans sa poche quand il s'agit d'évoquer les nouveaux formats mis en place par les promoteurs de la F1, comme les courses sprint qu'il accuse de nuire à la magie du dimanche. De quoi installer sa personnalité dans le paysage. « Il faut que le public identifie des stars, et Max Verstappen en est une, souligne Vincent Chaudel. Il sait faire fructifier ses nombreux atouts : il est jeune, son physique est agréable, il a un adversaire de taille avec Lewis Hamilton et assume le côté showbiz de la F1. »

Toutes les légendes de la discipline ont eu leur moment de grande domination, et presque toutes ont dû un jour s'adapter à une nouvelle adversité : une écurie soudain performante ou un règlement imaginé pour relancer le suspense. Lorsqu'il y sera confronté, Max Verstappen livrera son ultime vérité.
Mais est-ce pour cette année ?

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Commentaire 1
à écrit le 25/02/2024 à 15:09
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Dôles d'experts que les votres ! Donnez lui une Haas ou autres et vous verrez la suite. Il sera premier des 2 de l'équipe. Tandis que le "moyen" qui aura hérité de sa RB sera CdM. Pour rappel, on nous a déjà fait le coup avec Vettel.

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