Les Américains avaient eu droit à trois mois d'abonnement gratuit à Netflix au lancement de la Chromecast de Google en juillet, une promotion à durée limitée qui avait suscité un fort engouement : la petite clé à brancher sur la prise HDMI de son écran plat pour regarder en streaming YouTube et d'autres contenus vidéo, films, clips, s'était arrachée à 100.000 exemplaires en quelques jours. Pas de Netflix pour les Français - le service américain de vidéo à la demande par abonnement n'étant pas encore actif dans l'Hexagone, peut-être en septembre ou octobre. Mais Google s'est associé à SFR pour la sortie de la Chromecast en France « avec une offre à la Netflix » fait valoir Guillaume Boutin, le directeur marketing grand public de l'opérateur, puisqu'elle donnera accès au service de vidéo à la demande en illimité de Canal Plus, Canal Play, et son catalogue de 6.000 films et séries.
Vendue 35 euros à la Fnac, sur Amazon et la boutique en ligne Google Play, la Chromecast reviendra à 5 euros, après une offre de remboursement de SFR, pour les clients ayant ou souscrivant un forfait mobile Carré incluant des services « extras », comme Canal Play ou Napster, forfait qui commence à 33 euros par mois (appels illimités, 5Go de données, avec engagement de 12 mois). Une économie de 30 euros soit peu ou prou trois mois d'abonnement Canal Play gratuits en passant par son FAI (10 euros par mois, 7 euros uniquement sur ordinateur et tablette).
Alternative low-cost après le flop de la Google TV
« Nous pensons faire des volumes très importants sur la Chromecast, car sa simplicité d'utilisation et son prix accessible devraient séduire une cible bien plus large que les geeks » parie le directeur marketing de SFR, qui relève que près d'un million de clients mobiles ont déjà un forfait avec extras et sont donc éligibles au prix cassé de 5 euros. Google arrive bien mieux armé après le flop de la Google TV, ces télévisions connectées ou boîtiers dédiés signés LG, Logitech ou Sony, intégrant logiciels et services du géant de l'Internet, comme son moteur de recherche ou son site de vidéos YouTube, et qui ont cessé d'être commercialisés pour la plupart. La Chromecast s'est déjà vendue à « plusieurs millions d'exemplaires » aux Etats-Unis, a annoncé Sundar Pichai, le responsable d'Android et des produits Chrome chez Google le week-end dernier au festival SXSW d'Austin. Première raison de son succès, son prix très abordable : 35 dollars outre-Atlantique, 35 euros en Europe, soit cinq fois moins cher que les Google TV de Logitech ou Sony Google Box au lancement, dont elle est revendiquée comme une alternative low-cost…
Concurrent trois fois moins cher de l'Apple TV
Mais aussi trois fois moins cher que l'Apple TV (109 euros), aux applications proches même si techniquement le fonctionnement est différent. Le boîtier d'Apple permet de diffuser sur sa télévision en mode « miroir » un contenu en lecture sur son smartphone ou sa tablette (uniquement iPhone ou iPad), grâce à sa technologie de streaming sans fil AirPlay. La clé Chromecast est compatible avec Android et iOS d'Apple (et même les PC sous Windows) et fonctionne différemment : elle va chercher les contenus dans le « cloud » sur les serveurs de YouTube ou de SFR par exemple, en se connectant au WiFi de votre Box. « Chromecast est un pont entre ce que vous commandez sur votre téléphone et votre écran de TV, elle donne l'adresse et les droits, il n'y a rien d'installé ni de stocké sur la clé » explique un ingénieur chez Google. Chromecast serait rentable, son coût de revient étant évalué autour des 20 dollars par des sites spécialisés.
Simplicité d'utilisation, sans télécommande
Au-delà du prix, Google met en avant la large compatibilité et la facilité d'utilisation. « Chromecast est un appareil plug-and-play qui crée une expérience très simple et fait disparaître la complexité de la technologie : plus besoin de télécommande, on utilise tout simplement l'écran tactile de son téléphone pour mettre en pause, régler le volume » met en avant Majd Bakar, le directeur de l'ingénierie pour Chromecast, de passage à Paris. Il suffit d'avoir téléchargé l'application gratuite Chromecast sur son smartphone, qui demeure multitâche : on peut continuer à l'utiliser, prendre un appel, etc. En appuyant sur l'icône Cast symbolisant une télévision et une connexion sans fil, qui apparaît alors dans le contenu lui-même, la vidéo YouTube est envoyée depuis la clé sur l'écran de TV. Il est aussi possible de constituer entre amis dans la même pièce des playlists de clips à regarder ensemble, un partage d'expérience « social » qui devrait plaire aux jeunes.
On peut même regarder sur sa télévision une page du navigateur Chrome depuis son PC ou son Mac, par exemple un plan de Google Maps, en téléchargeant une extension en bêta. En revanche, impossible pour l'instant de basculer une vidéo filmée sur son smartphone ou ses photos de vacances qui y sont stockées, Google laissant entendre que des problèmes de droits et d'éventuel piratage se posent. SFR proposera d'ici à l'été une synchronisation de ses contenus stockés dans le « cloud. »
Des contenus « premium » recherchés
Surtout, la Chromecast arrive avec des contenus, « premium » et recherchés : CanalPlay mais aussi Pluzz l'application de TV de rattrapage de France Télévisions dans l'Hexagone, Netflix aux Etats-Unis mais aussi au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suède, au Danemark et en Finlande, sur les 12 pays européens où elle est lancée ce mercredi. Les contenus de la BBC seront aussi disponibles outre-Manche. Sans oublier évidemment les services maison du géant de Mountain View : ses sites de vidéo à la demande et de musique Google Play Films et Play Musique. D'autres applications tierces devraient arriver dans les mois à venir, plus de 3.000 développeurs s'étant inscrits en un mois pour rendre compatibles leurs logiciels. Mais a-t-on besoin d'une clé pour regarder des programmes souvent déjà accessibles sur sa Box, en particulier en France où la majorité des foyers est équipée d'une Box offrant des services de vidéo à la demande et de catchup TV ? Reprenant son slogan « le meilleur du Web sur la TV», Google cherche clairement à venir croquer le gâteau de ces services en option qui permettent de gonfler le revenu moyen par abonné (ARPU) des fournisseurs d'accès à Internet…
Rupture des modes de consommation
Ce que ne redoute pas SFR, qui se placera lui-même dans la position d'un « over-the-top », ces acteurs qui débarquent par-dessus le réseau : un client de SFR pour le mobile mais abonné à la Freebox ou la Livebox d'Orange verra s'afficher l'interface de l'application SFR TV sur sa télévision, grâce à la Chromecast ! De quoi peut-être l'inciter à prendre un abonnement fixe aussi chez SFR…
« Les Box des opérateurs aujourd'hui sont très fermées, leurs mises à jour sont lentes et compliquées. Nous sommes, chez SFR, dans une stratégie d'ouverture un peu en rupture par rapport à nos concurrents, et qui correspond à la philosophie de la Chromecast. Nous voulons nous différencier avec des contenus premium et en accompagnant la transformation de la consommation de contenus de nos clients, qui veulent du YouTube, du streaming et sur tous les écrans » argumente Guillaume Boutin. « Nous n'avons pas peur des acteurs de l'Internet, nous acceptons la concurrence : l'innovation dans les télécoms arrivera par la mise à disposition de ces services, par CanalPlay, par Napster, ou par Netflix demain, pourquoi pas. »
Pour SFR, actuellement numéro trois dans le haut débit derrière Orange et Free, mais voué à devenir numéro deux après la finalisation de la fusion avec Numericable, c'est à la fois un outil de conquête et de fidélisation. L'opérateur n'en est pas à sa première expérience avec Google : il a été le deuxième opérateur dans le monde, après le sud-coréen U-Plus à lancer en novembre un décodeur TV sous Android, à 3 euros par mois en option complémentaire d'un abonnement à la Box...
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