Bouygues Telecom va supprimer 1.516 emplois

L’opérateur, qui veut s'inventer un avenir en solo, dit privilégier les départs volontaires et les reclassements au sein du groupe de BTP mais il procédera à des licenciements si besoin. Ni les boutiques ni les centres d’appel ne sont concernés, l’informatique et le marketing étant les plus visés.
Delphine Cuny
Les boutiques de l'opérateur ne sont pas concernées, tout comme les centres d'appel.

Le couperet est tombé : Bouygues Telecom estime avoir besoin de se séparer de 1.516 salariés. La direction a présenté cet après-midi en comité central d'entreprise le nouveau plan stratégique et le plan social qui l'accompagne. Un plan lourd, comme le redoutaient les représentants du personnel : c'est près de 17% des effectifs de l'opérateur, qui emploie environ 9.000 personnes. Ce sont les fonctions « support », l'informatique et le marketing qui seront les plus touchés. « Le plan de suppression d'emplois ne concerne absolument pas les boutiques ni la relation clients » a insisté le PDG Olivier Roussat, en dévoilant à la presse les grandes lignes de ce plan. Environ 2.000 personnes travaillent dans les 650 magasins « Club Bouygues Telecom », détenus en propre, et 2.500 dans les six centres d'appel internalisés de l'opérateur.

 « Le constat a été dressé début janvier que le modèle économique de Bouygues Telecom, avec son organisation et sa structure de coûts actuelles, ne tourne plus » confie le PDG de l'opérateur. « Notre projet c'est que Bouygues Telecom puisse vivre autonome dans un marché qui reste durablement à quatre acteurs. Aujourd'hui, c'est le projet de Bouygues Telecom, je n'en ai pas d'autre » a-t-il martelé. 

Un avenir en solo, l'espoir de consolidation s'éloigne ?

Ce chiffre de 1.500 emplois correspond à celui évoqué par un directeur en interne, mais se situe dans le bas de la fourchette des estimations qui avaient circulé (1.500 à 2.000). D'ailleurs, en Bourse, l'action Bouygues a décroché en fin d'après-midi et clôturé en recul de 6,3%. Les investisseurs, qui anticipaient des réductions d'effectifs générant de l'ordre de 150 millions d'euros d'économies par an, sont-ils déçus ? « Le marché, qui espère la consolidation et un retour à trois opérateurs, a surtout réagi aux propos du PDG sur les discussions avec Orange ou Free qui n'auraient pas abouti. De notre côté, nous pensons une consolidation toujours inéluctable » analyse Alexandre Iatrides, chez Oddo Securities. D'ailleurs toutes les valeurs télécoms françaises ont dévissé : Iliad (Free) a chuté de 6,8%, Numericable de 4,5%, Orange de 3,3%, au même moment en séance. Evasif, Olivier Roussat a en réalité déclaré que ces discussions n'avaient « manifestement pas abouti », tout en invitant à « aller demander au septième étage » du siège de la maison-mère, où se trouve le bureau de Martin Bouygues, l'actionnaire…

Des reclassements prévus

Il y aura « un important volet de reclassement interne au sein du groupe Bouygues » précise Olivier Roussat, sachant que la maison-mère a recruté, tous métiers confondus (BTP, routes, immobilier, TV, télécoms, fonction supports) 3.800 collaborateurs l'an dernier. Pour autant, il ne sera pas possible de reclasser tout le monde, comme Martin Bouygues l'avait promis en cas de rachat de SFR : « la situation est différente. Aujourd'hui, nous ne construisons pas un opérateur plus gros, au contraire » justifie Olivier Roussat. Or dans la structure actuelle du marché, il est impossible, selon lui, de faire croître sa base de clients rapidement autrement que par acquisition, chaque mouvement tarifaire étant aussitôt répliqué par la concurrence. Pour Bouygues Telecom, qui manque de taille critique et a échoué à racheter SFR, repris par Numericable, il faut désormais « réinventer totalement le métier, adopter une configuration beaucoup plus souple afin de continuer à vivre avec des Arpu (revenus moyens par abonné) plus bas » considère son PDG. 

« La clef c'est de dégager un niveau de cash suffisant car c'est un métier extrêmement exigeant en capitaux. Etre capable de continuer à investir, de l'ordre de 500 millions d'euros dans notre réseau chaque année, car c'est le nerf de la guerre » fait valoir le PDG de Bouygues Telecom.

« Des métiers dont on n'aura plus besoin »

Ce plan social sera négocié dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux, l'objectif étant de le boucler d'ici à la fin de l'année, le 15 janvier au plus tard. S'il n'y a pas assez de volontaires, il y aura des licenciements, pour la première fois dans l'histoire de l'entreprise : la direction ouvrira des négociations sur un plan de sauvegarde de l'emploi au premier trimestre 2015.

« Nous demandons qu'une solution de reclassement interne ou externe soit proposée à tous et que ces départs soient bien accompagnés » indique Bernard Allain, délégué central Force ouvrière.

Même s'il s'agit d'un « plan d'accompagnement privilégiant le volontariat et le reclassement interne », le PDG ne cache pas qu'« il y a des métiers dont nous n'aurons plus besoin. » Typiquement dans l'informatique et le marketing, du fait de la simplification drastique des offres commerciales, encore pléthoriques : l'opérateur compte passer de 650 formules encore en vigueur à une "poignée" seulement à terme, en « migrant automatiquement les clients vers l'offre la plus avantageuse. » De quoi alléger le système informatique (700 personnes s'en occupe) mais aussi diminuer les équipes marketing. D'autant plus que « les clients trouvent que nos offres ne sont pas assez lisibles, transparentes ou comparables », selon la direction, et que « le système à points de renouvellement des téléphones, jugé opaque, va être abandonné. » A la place, un nouveau programme sera mis en place, permettant aux clients de changer de téléphone « tous les dix-huit mois, à un prix extrêmement attractif. »

Agressif dans le fixe, relocalisation des centres d'appel et boutiques plus grandes

L'accent sera désormais mis sur le contact avec les clients : Bouygues Telecom souhaite garder son réseau de points de vente et compte même « doubler ses investissements dans les boutiques » et en ouvrir de plus grandes boutiques, en développant des espaces dédiés aux objets connectés. Du côté des centres d'appels, « nous allons relocaliser la totalité de la relation client mobile, que nous avions délocalisée à partir de 2012. Nous voulons améliorer la qualité de service » confie Olivier Roussat : il s'agit de la partie externalisée auprès d'entreprises comme Teleperformance et Webhelp.

Selon la CFDT, les techniciens de maintenance et la branche entreprises ne seraient pas concernés par les réductions d'effectifs. En revanche, la direction Réseau ne serait pas épargnée. Pourtant, Bouygues Telecom se défend de vouloir devenir low-cost et veut se positionner comme « opérateur de référence de la 4G » - de nouvelles annonces sont attendues la semaine prochaine dans ce domaine - et surtout veut mettre le paquet dans le fixe, dans un marché de plus en plus convergent, où il est entré tardivement. Bouygues compte 2 millions d'abonnés dans l'Internet fixe, un peu plus que Numericable seul, contre plus de 5 millions chez SFR et chez Free, 10 millions chez Orange.

L'opérateur, qui rencontre un beau succès avec son offre triple-play à prix cassé, 19,99 euros (100.000 recrutements au premier trimestre, soit mieux que Free, Orange et SFR), prévient qu'il pratiquera « des prix très agressifs » dans le haut et très haut débit. Il commencera à commercialiser des abonnements à la fibre (jusqu'à l'abonné) le 26 juin et accélérera le cofinancement avec Orange en zones moyennement denses. Il va aussi mettre les bouchées doubles en matière de dégroupage, espérant installer ses équipements dans 1.500 centraux téléphoniques du territoire d'ici à la fin 2015, afin de couvrir 6 millions de foyers supplémentaires en ADSL.

Article mis à jour à 19h.

Delphine Cuny

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Commentaires 8
à écrit le 12/06/2014 à 21:45
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1516 ? ah bon parce que 1515 ça le faisait pas ? bon tant pis pour le 1516ieme... Sont rigolos tous ces libéraux ... on va les regretter

à écrit le 12/06/2014 à 7:41
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Et la courbe du chomage va s'inverser... comme le clame notre président. C'est beau la démagogie, cet état politique dans lequel les dirigeants mènent le peuple en le manipulant pour s'attirer ses faveurs, notamment en utilisant un discours flatteur ...

à écrit le 11/06/2014 à 19:15
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Bonjour La Tribune, vos articles sont sympas mais les vidéos qui se lancent automatiquement c'est juste l'horreur. Vous n'êtes pas le seul site d'info à le faire mais vous gagneriez à supprimer la lecture automatique ! Merci

à écrit le 11/06/2014 à 18:04
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Une honte. Bouygues telecom s'est gavé ces 10 dernières années en ayant des tarifs très elevés avec ententes sur les prix de ces concurrents. Il a versé des millions chaque années à ces actionnaires et maintenant il vire à tour de bras. Une gestion n...

le 11/06/2014 à 18:30
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l'addition normale envers un personnel digne de la mafia a la sortie des centres commercial pour faire signer des contrats

le 12/06/2014 à 5:44
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Vous avez raison, le mieux c'est de boycotter Bouygues Télécom afin qu'ils virent leurs 9000 salariés français. Vu le nombre de chômeur que nous avons actuellement, 9000 c'est une goutte d'eau ... Pathétique comme raisonnement !

à écrit le 11/06/2014 à 18:03
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Je ne jette pas la pierre à Bouygues Telecom... spécialement ... mais globalement on lamine tout vers le bas ... GMS et cie ... c'est un appauvrissement global ... qui dure depuis des décennies .... (ps je ne parle pas...

à écrit le 11/06/2014 à 17:45
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une belle analyse sous la plume de la CFDT, qui est loin d'être partagée par un grand nombre de collaborateurs.

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