E-commerce : Facebook peut-il concurrencer Amazon ?

Boutiques virtuelles pour les petites entreprises, cartes cadeaux numériques, partenariats avec des plateformes de livraisons à domicile... Autant de nouveaux services récemment proposés par Facebook. Si le plus grand réseau social au monde regardait le commerce en ligne du coin de l’œil depuis quelques années, ses ambitions se sont concrétisées au cours de la crise du coronavirus qui a fait bondir les ventes sur Internet.
Anaïs Cherif
(Crédits : DADO RUVIC)

Mesures de confinement et gestes barrières liés au coronavirus dopent le commerce en ligne depuis le début de l'année. Rien qu'aux Etats-Unis, pays le plus fortement touché par le Covid-19, les dépenses des consommateurs sur Internet devraient s'élever à près 710 milliards de dollars cette année (+18%), quand les dépenses dans les magasins physiques devraient chuter de 14% à 4,2 trillions de dollars, selon le cabinet d'études eMarketer. De quoi éveiller l'appétit vorace de Facebook, qui lorgne depuis des années sur le secteur, jusqu'ici chasse gardée d'Amazon.

Le plus grand réseau social est passé à l'offensive. Son approche : devenir incontournable pour les petites et moyennes entreprises qui souhaitent disposer d'une vitrine virtuelle afin d'exister sur Internet, sans pour autant dépenser des fortunes. C'est pourquoi le groupe de Mark Zuckerberg leur propose une myriade de nouveaux outils, censés être aussi faciles d'utilisation que son réseau social.

Copier les concepts éprouvés de la concurrence

Parmi ces outils, "Shops", une nouvelle fonctionnalité lancée sur Facebook et Instagram en mai. Elle permet aux entreprises de créer une petite boutique en ligne -entre 6 à 30 produits-, entièrement personnalisable avec leurs éléments de marque. Comme à son habitude, le groupe est allé piocher ses concepts chez la concurrence. "Shops" s'inspire entre autres de ce que propose des plateformes comme Shopify, qui a connu un bond de son activité au cours de la crise du coronavirus. La startup canadienne, qui propose aux petites entreprises de créer facilement des boutiques en ligne, a vu son chiffre d'affaires doubler, pour atteindre 714,3 millions de dollars au deuxième trimestre. A tel point que sa valorisation approche désormais les 113 milliards de dollars, soit plus que celles d'eBay et de Target réunies.

Facebook s'inspire de ce concept éprouvé jusque dans les moindres détails. Comme Shopify, "Shops" recourt à la réalité augmentée pour permettre aux clients d'essayer virtuellement des habits ou encore du maquillage. "De nombreuses petites entreprises sont en difficulté. Avec la fermeture des magasins [en raison des mesures sanitaires], davantage d'entreprises veulent être présentes en ligne", justifiait le groupe en mai dans une note de blog. Et de poursuivre :

"Notre objectif est de rendre les achats fluides et de permettre à quiconque, du propriétaire d'une petite entreprise à une marque mondiale, d'utiliser nos applications pour se connecter avec les clients", assure le géant américain.

A terme, "Shops" pourrait être déployé sur Messenger et WhatsApp, applications de messageries instantanées du groupe Facebook.

Développer les paiements intégrés sur Facebook

La plupart des fonctionnalités de cet outil sont gratuites pour les entreprises. Comme à son habitude, le groupe veut se rémunérer grâce à l'attention des internautes en leur proposant des publicités ultra-personnalisées. Mais Facebook veut aussi aller plus loin, en prélevant 5% de commission sur toutes les ventes réalisées via "Shops", selon le Wall Street Journal, là où Amazon prélève une commission variable selon le type de produit vendu.

"Le prélèvement de commissions par transaction est un très bon choix de business model pour le commerce en ligne", estime Cyril Vart, associé et vice-président exécutif du cabinet d'études Fabernovel. "Quand un géant comme Facebook commence à se battre pour prélever quelques centimes ou quelques dollars par transaction, cela peut rapidement faire des millions de dollars de revenus à son échelle."

L'idée est donc de permettre aux internautes de réaliser un achat de A à Z - du repérage de produit grâce à une publicité jusqu'au paiement - sans avoir à quitter son écosystème. C'est dans cette logique que le géant des réseaux sociaux a créé en août sa division "Facebook Financial", dédiée au déploiement de ses services de paiement et financiers. Depuis mai, le réseau social teste par exemple un bouton "checkout" (paiement), qui existe déjà sur Instagram, et qui permet de régler ses achats sans être redirigé vers le site marchand.

Jouer la carte du partenaire local

Au-delà de "Shops", Facebook a noué une multitude de partenariats pour proposer depuis mai aux entreprises de créer des cartes cadeaux virtuelles pour leurs clients, ou de faire livrer leurs produits - comme des repas - directement depuis Instagram. Des partenariats lui permettant de proposer des services additionnels, sans avoir à en supporter les coûts logistiques souvent faramineux. A titre de comparaison, Amazon peut s'occuper du stockage, de l'emballage et de la livraison des produits de ses vendeurs tiers. Cette proposition de valeur lui a valu des investissements colossaux depuis sa création en 1995 (entrepôts, centres logistiques, flottes automobiles...), à tel point que l'ogre du e-commerce a dégagé ses premiers bénéfices en 2005 seulement.

Pour Facebook, il s'agit donc d'une opportunité d'augmenter son chiffre d'affaires, sans investissements massifs. S'attaquer à ce secteur porteur est "une démarche stratégique, indépendamment de savoir si Facebook, ou même Google, peut prendre une place importante ou marginale dans le commerce en ligne", estime Cyril Vart, de Fabernovel. Depuis des années, ces géants ont "assis leur cœur de métier - la publicité - et leur proposition de valeur primaire pour leurs utilisateurs. Mais ils cherchent constamment à améliorer leur ARPU (Average Revenu Per User, ou revenu moyen par utilisateur). Cela passe donc par une diversification de leurs sources de revenus."

En ciblant les petites et moyennes entreprises, le réseau social veut jouer la carte du local et s'afficher comme un partenaire de proximité pour la transformation numérique des commerces - là où Amazon est souvent accusé de remplacer indirectement les échoppes locales. L'atout évident de Facebook : la montagne de données personnelles agrégées, permettant de mêler ultra-global et ultra-local. Ces précieuses informations lui assurent une connaissance très fine du goût de ses plus de 2,4 milliards d'utilisateurs dans le monde et donc, de pouvoir afficher des publicités en adéquation avec leurs centres d'intérêts pour un commerce de proximité.

Anaïs Cherif

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Commentaire 1
à écrit le 15/09/2020 à 9:04
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LA question étant surtout de savoir quelle autre entreprise est assez puissante, éveillée et dynamique pour concurrencer Amazon non ? FB l'est mais il va falloir la jouer fine.

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