Après avoir échoué à faire naître un Google tricolore, la « start-up nation » chère à Emmanuel Macron ne veut pas rater le train de l'intelligence artificielle (IA). Les prochaines semaines seront d'ailleurs cruciales pour ne pas rester à quai : l'État va dévoiler des financements alloués dans le cadre du plan d'investissement France 2030 et, à peine nommées, les sommités du comité interministériel sur l'IA rendront leur verdict dans un rapport attendu mi-novembre. Il faut agir vite, car le temps presse. Grâce à la start-up californienne OpenAI, créatrice de ChatGPT, les États-Unis font en effet la course en tête dans l'intelligence artificielle générative, cette technologie capable de générer textes et images à partir d'une simple commande de l'utilisateur. La recette du succès ? L'argent. Grâce à ses investisseurs, et notamment à Microsoft, qui a injecté plus de 10 milliards de dollars depuis 2019, OpenAI a pu recruter des chercheurs de renommée mondiale et bénéficier d'un volume colossal de ressources informatiques, essentielles pour élaborer les grands modèles de langage (LLM) les plus performants au monde. Ces montants permettent aussi à l'entreprise d'absorber des centaines de millions de dollars de pertes par an, alors que la rentabilité demeure un doux rêve à ce stade. Tous américains, les challengers les plus sérieux comme Google, Anthropic ou Cohere jouent avec les mêmes armes.
1 milliard d'euros d'investissement sur cinq ans
Face à ces machines de guerre, la tech française, elle, n'est jamais parvenue à allonger de telles sommes. La France part-elle pour autant vaincue d'avance ? Pas sûr : la course à l'IA générative n'en est encore qu'à ses débuts et, cette fois, la France s'est placée dans les starting-blocks à temps. « Nous avons été beaucoup plus rapides à agir que lors des précédentes révolutions technologiques, et nous pouvons nous appuyer sur un écosystème déjà structuré », rassure Mehdi Triki, l'un des directeurs du lobby Hub FranceIA. L'État a mis les moyens dès 2018 en abreuvant le secteur de plus de 1 milliard d'euros sur cinq ans. Puis, en juin dernier, Emmanuel Macron a présenté lui-même un nouveau plan fléché vers la formation, l'achat de capacités de calcul et le financement des LLM français. Résultat : l'Hexagone est reconnu mondialement pour son vivier de talents et compte plus de 600 start-up dans l'IA, prêtes à surfer sur l'engouement actuel. Tête de proue de l'écosystème tricolore, Mistral AI ambitionne même d'aller sur le terrain des géants américains avec ses propres LLM. Lancée avec plus de 105 millions d'euros, elle suit une trajectoire de croissance inédite dans la tech française, lourdement appuyée par l'État. « Notre seul goulot d'étranglement pour arriver au niveau des meilleurs modèles actuels, c'est la capacité de calcul », affirme Arthur Mensch, le cofondateur de la start-up. L'entreprise projette de multiplier par quatre les capacités de son supercalculateur à court terme et aura besoin de lever plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires.
Consciente de ces enjeux de financement, LightOn, une autre jeune pousse française, a quant à elle décidé d'éviter la confrontation directe avec les géants américains. Plutôt que d'insister pour créer elle-même les modèles les plus performants, elle offre aux entreprises une boîte à outils leur permettant de construire des IA sur mesure correspondant à leurs besoins. De quoi répondre aux enjeux de souveraineté que ne peut adresser OpenAI. Le salut de l'écosystème français pourrait aussi venir de Giskard, qui se positionne comme un futur leader mondial de la certification des IA grâce à ses outils pour tester leur sûreté et leur efficacité. Autant d'entreprises qui font espérer que, cette fois, la France ne ratera pas la marche de l'IA générative.
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