Le rachat d'Activision Blizzard par Microsoft est trop dangereux pour la concurrence, estime le Royaume-Uni

L'autorité britannique de la concurrence (CMA) n'a pas voulu prendre le risque de faire de Microsoft à la fois un géant du matériel avec sa console XBox, et aussi l'un des principaux éditeurs de jeux vidéo avec le rachat d'Activision Blizzard et de ses franchises cultes comme « Call of Duty ». Le géant américain fait appel.
Sylvain Rolland
(Crédits : DADO RUVIC)

Game over pour Microsoft dans son rachat de l'éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard, connu pour « Call od duty », « World of Warcraft » ou encore « Candy Crush » ? Mercredi 26 avril, la Competition and markets authority (CMA), l'autorité de la concurrence britannique, a décidé de bloquer l'opération à 69 milliards de dollars, record mondial dans la tech, annoncée en janvier 2022. La raison : des risques trop élevés de concentration qui pourraient nuire à la concurrence, à l'innovation et au développement du secteur naissant du cloud gaming. Dans son communiqué, le régulateur britannique dit craindre « moins de choix pour les joueurs britanniques au cours des années à venir » si la méga-fusion se faisait.

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La CMA conclut ainsi une enquête lancée en septembre 2022. Sa décision n'est pas vraiment une surprise : dans des conclusions préliminaires publiées en février, le régulateur estimait que Microsoft pourrait avaler Activision Blizzard uniquement si l'Américain démantelait sa cible, ou s'il renonçait à la licence « Call of Duty », la vache-à-lait de l'éditeur de jeu vidéo.

Microsoft fait appel, les arguments de Sony ont fait mouche

Immédiatement, le géant de Redmond a annoncé faire appel de la décision de la CMA. Car en rachetant Activision Blizzard, le champion de l'informatique, des logiciels et du cloud deviendrait aussi numéro 3 mondial des jeux vidéo, derrière le chinois Tencent et le japonais Sony, fabricant de la PlayStation. Microsoft est actuellement le numéro 4 mondial, et Activision le numéro 6. Le géant californien a bâti son empire dans l'industrie du jeu vidéo grâce sa console XBox, l'une des trois du marché avec la PlayStation de Sony et la Switch de Nintendo, ainsi que son Game Pass, une offre d'abonnement à des jeux sur XBox et Windows 10 et 11.

Les arguments du rival Sony, éditeur de la PlayStation, ont particulièrement fait mouche auprès du régulateur britannique. La théorie de Sony est que Microsoft finira inévitablement par rendre exclusif à sa propre console, XBox, les jeux de la série « Call of Duty », ce qui pousserait de nombreux joueurs à abandonner la PlayStation. Le groupe japonais craint que malgré ses garanties, Microsoft ajoute des bugs dans « Call of Duty » ou rende injouable le dernier niveau par exemple, pour dégoûter les gamers d'utiliser une autre console que la XBox pour jouer à des jeux d'Activision Blizzard.

Microsoft a tenté d'apaiser ces craintes en proposant à Sony un accord garantissant l'accès aux prochains jeux « Call of Duty » pendant dix ans, comme il l'a déjà fait avec deux autres leaders, Nintendo (éditeur de la Switch) et Steam (plateforme d'achats de jeux vidéo sur PC). « Plus de jeux, pour plus de joueurs sur plus de plateformes » a été l'argument principal de Microsoft ces derniers mois, pour convaincre la CMA de bénir la transaction.

Problème : Sony ne se satisfait pas des dix années offertes par Microsoft... et la CMA non plus. La PlayStation se vendant largement mieux que la XBox en Europe, il paraît naïf aux yeux de Sony de penser que Microsoft ne profiterait pas de sa mainmise sur les franchises populaires d'Activision Blizzard pour mener une guerre de catalogue et tenter de revenir dans la course aux consoles. À titre d'exemple, la PS5, dernière itération de la PlayStation, a vu ses ventes exploser de 369% au premier trimestre 2023 en Europe, alors que les ventes des Xbox Series X/S ont baissé de 10% sur la même période. Au total, Sony vend quatre fois plus de PlayStation que Microsoft de XBox en Europe...

Inquiétudes aussi aux Etats-Unis et à Bruxelles

« Microsoft a dialogué de manière constructive avec nous pour essayer de résoudre ces problèmes, mais leurs propositions n'ont pas suffi », a indiqué Martin Coleman, président du groupe d'experts indépendants chargé de cette enquête par la CMA, qui avait déjà bloqué l'an dernier l'acquisition de Giphy par Meta. « Le cloud gaming a besoin d'un marché libre et concurrentiel pour stimuler l'innovation et le choix pour les consommateurs. Le meilleur moyen d'y parvenir est de permettre à la dynamique concurrentielle actuelle du cloud gaming de continuer », a-t-il ajouté, cité dans le communiqué de la CMA.

De son côté, Microsoft n'a pas caché sa déception. « Nous sommes particulièrement déçus qu'après de longues délibérations, cette décision semble refléter une mauvaise compréhension de ce marché et du fonctionnement réel de la technologie cloud gaming », selon Microsoft.

La fusion suscite aussi des inquiétudes outre-Atlantique, où l'autorité américaine de la concurrence (FTC) a lancé en décembre des poursuites pour bloquer l'opération, et dans l'UE, qui a également ouvert une enquête pour savoir si l'acquisition rendrait les jeux d'Activision exclusifs à la XBox.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 27/04/2023 à 3:46
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Afin de garantir une saine concurrence et d'empêcher la formation de cartel financier à la Standard Oil, les régulateurs du monde entier feraient bien d'implémenter une règle interdisant toute fusion ou acquisition dont la valorisation de l'ensemb...

à écrit le 26/04/2023 à 17:30
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Oui, mais il faudrait que les Etats-Unis et l'UE suivent, ceci pour envoyer un message clair aux supers monopoles qui cherchent à s'accaparer toujours plus de pouvoirs (parts de marché) en tuant la concurrence. Ceci en opérant un lobbying phénoménal....

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