E-santé : la startup Lifen lève 7,5 millions d'euros pour changer le quotidien des médecins

Créée par Franck Le Ouay, ancien cofondateur de Criteo, Lifen est une messagerie sécurisée compatible avec tous les protocoles existants, permettant aux praticiens de s'échanger des informations depuis leurs logiciels interne. La startup lève 7,5 millions d'euros auprès de Daphni et de Serena Capital.
Sylvain Rolland
Les trois confondateurs de Lifen, dont Franck Le Ouay (au milieu).
Les trois confondateurs de Lifen, dont Franck Le Ouay (au milieu). (Crédits : D.R)

La transformation numérique n'est une sinécure pour aucun secteur d'activité. Pour celui de la santé, c'est même un véritable casse-tête. Les contraintes administratives et règlementaires, l'éclatement des acteurs sur tout le territoire, des contraintes, l'enjeu très sensible des données personnelles des patients, combinés à des pratiques de terrain qui restent "archaïques", donnent des migraines à ceux qui tentent de "simplifier" le parcours du patient ou des médecins. Le chantier est si complexe que le gouvernement a resserré son action autour de trois axes prioritaires à mener d'ici à 2022 : l'accessibilité en ligne des données médicales des patients, la dématérialisation des prescriptions et la simplification du partage de l'information entre les professionnels de santé.

Lifen (anciennement Honestica) arrive à point nommé pour relever ce dernier défi. Créée en 2015 par Franck Le Ouay, ancien co-fondateur et directeur technique du champion de la pub Criteo, la startup parisienne annonce jeudi 8 mars sa première levée de fonds, d'un montant de 7,5 millions d'euros, auprès des fonds Daphni et Serena Capital.

Communication chaotique entre les praticiens

La startup compte résoudre un problème que beaucoup de patients ont déjà expérimenté : le manque de communication entre les différentes structures de santé, qui fonctionnent toujours en s'envoyant des courriers par voie postale, avec son lot de pertes et d'informations mal rentrées, ou en confiant le dossier au patient qui ne pense pas toujours à l'amener.

"Vous faites une radio en ville, puis le lendemain à l'hôpital on vous refait l'examen car personne n'a eu accès à votre première radio. Le patient subit une double dose de radiations et l'hôpital perd du temps et de l'argent", explique Franck Le Ouay. De fait, "25% des actes en France sont inutiles ou redondants", indique l'entrepreneur. Plus grave, l'absence de coordination entre les établissements de santé peut aboutir à des erreurs de diagnostic ou à des traitements mal adaptés.

"Chaque établissement peut avoir une fiche sur vous depuis des années, mais elle est souvent incomplète et pas à jour. Comme il existe des centaines de logiciels différents en fonction des spécialités, et qu'ils ne sont pas compatibles les uns avec les autres, les informations des patients sont disséminées partout. Il arrive même qu'un patient ait plusieurs fiches dans le même hôpital. Cette complexité est absurde, d'autant plus que des vies sont en jeu. Si on permet à un médecin de disposer des bonnes informations, il peut prendre la meilleure décision médicale possible. Cela paraît évident, et pourtant le secteur de la santé fonctionne avec 30 ans de retard sur l'aspect informatique", ajoute Franck Le Ouay.

"Une prise universelle dans la santé"

En partant des usages de terrain, Lifen a donc conçu la première plateforme d'échange sécurisée entre praticiens, compatible avec 100% des logiciels du marché. Autrement dit, un radiologue ou gynécologue de ville peut envoyer un document via son logiciel métier directement à l'hôpital, qui l'intègre dans ses propres formats. Le coût moyen de l'envoi d'un compte-rendu est de 0,65 euros, soit moins cher que l'envoi postal. Le budget courrier de l'hôpital s'en retrouve divisé par trois, revendique Lifen.

La solution s'intègre en un jour aux systèmes informatiques existants et propose de fait le premier standard d'interopérabilité. "C'est comme une prise universelle dans la santé, précise Franck Le Ouay. La démarche est similaire à celle d'ajouter une nouvelle imprimante. Quand on veut transmettre un fichier, il suffit d'appuyer sur le bouton 'imprimer', de choisir Lifen et d'indiquer le destinataire, que l'on sait retrouver car notre annuaire est mis à jour en permanence"

Philippe Douste-Blazy en VRP de luxe

Les algorithmes d'intelligence artificielle de Lifen extraient les informations et les insèrent dans le logiciel du destinataire. Environ 40.000 comptes rendus et examens ont été envoyés via la solution, qui est actuellement testée par une vingtaine d'établissements de santé en France. Les données sont sécurisées et l'entreprise se revendique en conformité avec la réglementation RGPD sur les données personnelles.

Les 7,5 millions d'euros levés auprès de Daphni et de Serena Capital vont servir à la commercialisation, à la R&D et au recrutement d'une dizaine de collaborateurs supplémentaires d'ici à fin 2018, en plus de la "vingtaine" actuellement en poste.

Pour se déployer, la startup peut compter sur un allié de poids : l'ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy, qui fait office de co-fondateur, et, surtout, de VRP de luxe auprès des directeurs d'établissements, utilisant son réseau pour aider Lifen à s'implanter dans les usages - une difficulté majeure pour toute startup tentant de disrupter le secteur de la santé.

Sylvain Rolland

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.