L'hypercroissance, un défi de taille pour les startups

Financement, internationalisation, gestion des talents et de la culture d'entreprise... Pour une startup, l'hyper-croissance est tout sauf un long fleuve tranquille.

Comment éviter les pièges de l'hyper-croissance, indispensable aux startups pour devenir des géants de leurs secteurs à coups de levées de fonds et de recrutements massifs ? Avant d'atteindre le statut de licorne -startup valorisée au moins un milliard d'euros- à l'occasion de sa neuvième levée de fonds, de 178 millions d'euros en mars dernier, la plateforme de vente de produits de luxe en seconde main Vestiaire Collective, a dû relever plusieurs défis.

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Le pivot, une nécessité à haut risques

Notamment organiser sa logistique -l'entreprise vend dans 80 pays- et innover en période de Covid-19. Ce qu'elle a fait avec l'Envoi Direct, une solution qui permet aux acheteurs européens d'être livrés directement sans que leurs articles soient physiquement contrôlés par Vestiaire Collective. Un changement qui a permis à la startup de surmonter la crise sanitaire.

« Il ne faut pas hésiter à se remettre en question, ce qui n'est pas toujours facile. Notre modèle repose sur l'authentification et donc la confiance dans la plateforme. Nous avons dû beaucoup réfléchir pour intégrer ce nouveau business model, en mettant l'accent sur le service client » analyse Clara Chappaz, la Chief Business Officer de la startup, interrogée dans le cadre du Think Tech Summit organisé le 29 mars au Grand Rex de Paris par La Tribune.

Ce pivot risqué s'est révélé une réussite pour Vestiaire Collective, qui voit dans son statut de licorne seulement "une étape". Pour d'autres startups, assurer un modèle économique pérenne dans le temps et capable de "scaler" est une autre paire de manches. C'est le cas de la startup Blade, connue pour le Shadow, un PC virtuel dans le cloud. Née en 2016, la jeune pousse a levé 138 millions d'euros en plusieurs fois mais a dû être placée en redressement judiciaire le 2 mars dernier. Octave Klaba, patron d'OVH, étudie la possibilité de la racheter.

« Rapidement, nous avons levé beaucoup d'argent auprès de divers investisseurs. Mais certains d'entre eux ne partageaient pas nos valeurs, ni notre stratégie. Ils avaient opté pour une croissance à la Uber, un modèle aujourd'hui dépassé : on recrute plein de clients, et même si on perd beaucoup d'argent, ce n'est pas grave, on trouvera toujours des investissements pour en attirer de nouveaux » évoque Emmanuel Freund, cofondateur de Blade, qui a dû céder son poste de CEO en 2019 avant de quitter l'entreprise en avril 2020 pour développer son nouveau projet, l'edtech PowerZ.

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Préparer les entrepreneurs à l'hyper croissance

Avec ses capex lourds (capital expenditures ou dépenses consacrées à l'achat d'équipement professionnel), Blade n'a pas su trouver un business model pérenne. Xavier Lazarus, cofondateur et managing partner chez Elaia, connaît bien ces problématiques. Depuis 20 ans, le fonds d'investissement français a choisi d'investir très tôt dans le capital de startups à forte composante technologique, comme celles de la deeptech. « Nous savons qu'après avoir amorcé une société qui décolle, il faut l'accompagner jusqu'au bout. C'est ce que nous avons fait avec Criteo, jusqu'à sa cotation au Nasdaq en 2013, ou plus récemment pour Mirakl, devenue une licorne en septembre 2020 » décrit Xavier Lazarus.

L'autre fonction d'Elaia est de préparer mentalement l'entrepreneur à affronter cette période de croissance rapide : bien recruter, bâtir une équipe, créer de la valeur, gérer l'internationalisation. « Certaines sociétés mettent des années à décoller mais quand ça démarre, c'est vertical. Pour d'autres, l'essor est immédiat. Et il y a aussi de très belles PME technologiques qui n'ont pas vocation à devenir des licornes » décrypte le cofondateur d'Elaia.

L'Etat, à travers la mission French Tech, est là pour aider ces jeunes pousses à grandir. Plusieurs outils ont été créés, comme le French Tech Visa, procédure simplifiée pour les investisseurs, fondateurs et collaborateurs de startups non-européens qui veulent s'installer en France, ou la simplification de la fiscalité des BSPCE (bons de souscription de parts de créateur d'entreprise). Le volet international est géré avec Business France et les réseaux diplomatiques français. « Le troisième point, c'est l'accompagnement direct pour les startups du Next 40 et du FT 120. Ce programme fonctionne comme une marketplace : les fondateurs ont accès au soutien d'une cinquantaine de correspondants à l'INPI, aux douanes, etc. via des chargés d'affaires qui gèrent un portefeuille de 40 à 50 startups » détaille Kat Borlongan, directrice de la Mission French Tech.

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L'international, une dimension à intégrer très tôt

L'internationalisation est souvent clé pour faire grandir les jeunes pousses. Vestiaire Collective, par exemple, s'est pensée dès le départ comme une plateforme mondiale. Après trois ans, une des cofondatrices a déménagé à Londres pour ouvrir le marché britannique. Un acte fort qui a enclenché des ouvertures en Europe, aux États-Unis, à Hong Kong et plus récemment en Corée du Sud.

« Le vrai enjeu, c'est le recrutement. On ne peut pas se développer à l'étranger avec la seule équipe française. Il faut trouver des talents dans les pays où l'on s'installe » avertit Claire Chappaz. Mais "tout est une question de timing", avertit Xavier Lazarus. Blade, qui est partie trop tôt à l'assaut du monde, en a fait les frais. Pour sa nouvelle startup Power Z, qui édite un jeu vidéo pédagogique, Emmanuel Freund ne veut pas reproduire cette erreur : « il faut avoir des bases fortes. Et choisir les investisseurs avec soin ».

Enfin, la question de l'équipe fondatrice est cruciale dans cette problématique de croissance accélérée. Faut-il la faire évoluer ou au contraire chercher à la conserver telle quelle ? Pour Xavier Lazarus, « si, cinq ans après la création, le board n'a pas bougé, c'est que la société ne s'est pas développée. En revanche, s'il ne reste plus que des managers professionnels et des investisseurs « late stage », elle aura perdu son âme et sa culture ».

Évolution et complétion plutôt que changement, c'est la bonne recette pour Elaia. Exemple avec Vestiaire Collective, qui a un nouveau CEO depuis deux ans mais a conservé une partie de l'équipe fondatrice. « Nous avons ainsi gardé l'ADN de Vestiaire, qui est centrale à l'entreprise, et gagné l'expertise de Maximilian Bittner, notre CEO allemand, qui a lancé la plateforme en Asie » explique Claire Chappaz.

La nouvelle licorne compte continuer son expansion à l'étranger, recruter 150 techniciens d'ici fin 2021 et développer l'éco responsabilité, en s'engageant dans le Fashion Pact (coalition mondiale d'entreprises de la mode et du textile) et en déposant une candidature pour devenir B Corp (label RSE). « Grandir, oui, mais pas en perdant ses valeurs » conclut Emmanuel Freund.

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ReVOIR LA TABLE RONDE

La France est en train de dompter la "vallée de la mort" et de réussir à créer de plus en plus de scale-ups, avec l'objectif d'en faire des licornes ou des géants de leur secteur. Mais l'hyper-croissance reste un chemin très périlleux. Financement, international, gestion des talents et maintien de la culture d'entreprise : autant de défis considérables à relever.

Pour en discuter, La Tribune accueille la directrice de la Mission French Tech, Kat Borlongan, l'investisseur Xavier Lazarus (Elaia), et les entrepreneurs Clara Chappaz (de la licorne Vestiaire Collective) et Emmanuel Freund (Power Z, Blade).

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Commentaires 5
à écrit le 06/04/2021 à 19:03
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Ou l’hypercrasch? Comme spaceX( promis-juré - informations véridiques sur le web)

à écrit le 06/04/2021 à 18:31
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les hyper croissances a tout va, en general ca va... dans le mur ok, un tour de table resoud a court terme le pb financier, ca ne regle en rien celui du long terme.......et partir tous azimuts, ca ne cree que des pbs ce modele est valable aux etats...

à écrit le 06/04/2021 à 10:31
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c'est un métier avec des clefs, et comme je sais l'impotence conceptuelle qu'il y a ici (société de constat et non d'anticipatoin) du fait même de ne plus avoir de réserves éco, nous allons donc voir si ceux qui tiennent les "start up" feront du résu...

à écrit le 06/04/2021 à 10:00
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La start-up, ce parasite de l'innovation, ne vit que sur la financiarisation ambiante et sur le dos du progrès qu'elle prend pour camouflage!

à écrit le 06/04/2021 à 8:44
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Où l'hyperstress.

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