Olivier Mathiot : "Il faut orienter la French Tech vers l'impact sociétal et environnemental"

ENTRETIEN. L'entrepreneur et investisseur Olivier Mathiot, ancien co-président de France Digitale et directeur non-exécutif de The Camp, explique à La Tribune son nouveau projet, le fonds d'investissement evergreen 2050, créé par Marie Ekeland, dont il prend la direction générale. Entretien.
Sylvain Rolland
Olivier Mathiot.

LA TRIBUNE - Pourquoi rejoignez-vous le fonds 2050 fondé par Marie Ekeland ?

OLIVIER MATHIOT - J'en étais arrivé à un point dans ma vie d'entrepreneur et d'investisseur où je ressentais un désalignement entre la nécessité de soutenir des projets à impact, et les logiques court-termistes d'investissement. 2050 incarne une solution qui permet de réconcilier ces deux logiques a priori antinomiques. A mi-chemin entre le fonds de placement et la fondation d'intérêt public, 2050 est un fonds evergreen, sans actionnaire, détenu à 100% par un fonds de pérennité, qui est un nouveau statut d'entreprise créé en 2019 par la loi Pacte. On ne fait pas de l'humanitaire car le but est aussi de créer de la valeur financière grâce aux projets que nous soutenons, mais on ne fait pas non plus de la finance dans le sens où notre but est de soutenir la startup sur le long terme, en s'affranchissant des logiques de retour sur investissement au bout de quelques années des fonds de capital-risque traditionnels.

Marie Ekeland et moi avons été co-présidents de France Digitale de 2013 à 2017. A l'époque, nos combats pour permettre aux startups d'avoir plus d'impact étaient surtout fiscaux, avec le mouvement des Pigeons qui visait à déverrouiller l'investissement dans les pépites technologiques pour créer cet écosystème de la French Tech et faire de la France une nation innovante. France Digitale m'a éclairé sur le rôle politique qu'on peut avoir quand on est dans entrepreneur. Puis je suis devenu président de The Camp, qui est une structure unique qui permet aux grands groupes partenaires de penser la transformation du monde et de se transformer eux-mêmes, d'accompagner les entreprises dans leur rôle citoyen. Désormais, il s'agit pour moi, maintenant que les conditions pour entreprendre sont réunies et que la société attend des technologies qu'elles résolvent les grands enjeux sociétaux et environnementaux, d'orienter la tech vers l'impact.

2050 sonne pour moi comme l'aboutissement de mon parcours personnel et professionnel. La révolution numérique, la transition écologique et la crise sanitaire entraînent de nouveaux besoins qui poussent à se poser encore plus la question du sens de l'innovation. Le monde de l'investissement a lui aussi besoin d'innover pour prendre sa responsabilité dans le financement de startups qui vont vraiment changer le monde. Nous nous intéressons particulièrement au climat, au développement durable, à la biodiversité, mais aussi aux solutions pour réduire la fracture numérique et les inégalités sociales, améliorer le travail, l'éducation ou encore la santé. Le fonds evergreen tel que pratiqué par 2050 est un véhicule d'investissement atypique qui devait être créé.

Lire aussi : "2050" de Marie Ekeland : le premier fonds d'investissement tech qui s'inspire de la fondation d'intérêt public

Quel sera votre rôle ?

Je deviens directeur général et associé dans la structure. Mon rôle est d'abord de convaincre et vendre ce nouveau produit financier à nos propres investisseurs -family offices, entrepreneurs, industriels, grands groupes, banques... Le but est de lever 1 milliard d'euros dans la prochaine décennie, soit entre 100 et 150 millions d'euros par an. C'est très ambitieux mais nous attirons beaucoup de family offices qui sont justement dans cette logique d'investissements qui ont du sens, d'entrepreneurs à succès qui veulent redonner à l'écosystème, ou encore des investisseurs étrangers et institutionnels. Mon rôle sera aussi d'être aux côtés des entrepreneurs pour les aider à repousser leurs ambitions, et bien sûr de gérer la structure en interne.

Où en est la première tranche de 150 millions d'euros et l'agrément de l'Autorité des marchés financiers, que vous n'aviez pas encore bouclés au moment de l'annonce de l'annonce du fonds, en novembre ?

Nous avons déjà mené quelques investissements, notamment dans la startup de santé connectée Withings l'été dernier, qui sont menés via un véhicule intermédiaire en attendant que l'agrément de l'AMF nous permette de lancer vraiment le fonds evergreen. Nous devrions l'obtenir au deuxième trimestre. Nous espérons aussi à cette date avoir bouclé la première tranche de financement de 50 millions d'euros, et 150 millions d'euros d'ici à la fin de l'année.

La thèse d'investissement de 2050 est très large. Comment repérer les bons projets ?

Marie Ekeland et moi-même avons beaucoup d'expérience de l'entrepreneuriat et de l'investissement, mais nous allons bien entendu nous appuyer sur des expertises multiples, dans tous les domaines. Nous allons recruter nos propres investisseurs, mais nous faisons aussi appel à des communautés d'experts, pour bien comprendre les enjeux et les nouveaux modèles dans des secteurs comme l'agriculture ou la santé. Ces experts peuvent être partout dans le monde, et faire des investissements ciblés avec nous.

Que va devenir The Camp et vos autres activités ?

Je reste président non-exécutif de The Camp, ce qui signifie que je ne suis pas impliqué dans la gestion opérationnelle. 2050 implique un engagement à temps plein, donc je vais devoir renoncer à certains autres mandats et projets. The Camp a tiré profit de la crise du Covid-19 pour repenser son modèle, réduire ses coûts d'opération et accélérer sa mutation numérique, pour aider les entreprises à se transformer par le conseil et la formation. Les grands groupes sont très intéressés par le futur du travail, l'informatique durable (le « green IT »), ce sont des axes qui deviennent centraux et sur lesquels ils mobilisent du budget.

Propos recueillis par Sylvain Rolland

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 29/03/2021 à 20:48
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Faut arrêter avec la fintech sociale à impact environnemental !! Cette novlangue à gerber qui associe tout et son contraire dans un charabia infâme et imbuvable.

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