Pourquoi le français Cedexis se vend à l'américain Citrix

La startup franco-américaine, détentrice de sept brevets qui lui permettent d'accélérer le temps de chargement des pages web, est rachetée pour un montant d'environ 100 millions de dollars par l'américain Citrix. Un exit en fanfare pour cette pépite de la French Tech adoptée par la plupart des géants du Net et par de nombreux grands groupes internationaux dans le cloud et le e-commerce, dont les solutions bénéficient à plus d'un milliard d'internautes tous les jours.
Sylvain Rolland
Julien Coulon, Pdg de Cedexis

100 millions de dollars. C'est le montant -approximatif- posé sur la table par l'américain Citrix, spécialiste des solutions de virtualisation de données et de services dans le cloud, pour acquérir la pépite franco-américaine Cedexis, cofondée fin 2009 par Julien Coulon à Paris et par son ami Marty Kagan à San Francisco.

Ce rachat marque un exit très juteux pour cette star discrète de la French Tech, dont les technologies bénéficient sans le savoir à plus d'un milliard d'internautes tous les jours. Et pour cause : de nombreux géants du Net, médias, acteurs du e-commerce ou mastodontes du cloud ont intégré sa technologie unique au monde, adoubé par sept brevets. Ainsi, en huit ans à peine, l'aiguilleur du Web a été adopté par Google, Facebook, Twitter, Airbnb, Slack, Microsoft, Air France, Accor Hotels, Hermes, Dailymotion, Samsung, Tencent, Huawei et beaucoup d'autres. De quoi faire monter les enchères...

Le "Waze" de la navigation sur le Web

Les solutions vendues par Cedexis comparent en temps réel la qualité de service des hébergeurs et des diffuseurs de contenus, puis aiguillent le trafic vers le plus performant d'entre eux. L'objectif : afficher les pages sur votre ordinateur, tablette ou smartphone en moins de deux secondes. Autrement dit, "nous sommes le Waze du trafic internet : on fournit l'itinéraire le plus court à l'utilisateur pour afficher une page", résume Julien Coulon, le Pdg et cofondateur de l'entreprise.

Qui poursuit :

"On exploite 16 milliards de données par jour, provenant des utilisateurs de nos clients partout dans le monde. Cette connaissance approfondie des réseaux nous permet de contourner toutes les dégradations qui ralentissent le chargement des pages, comme la saturation ou une panne d'un hébergeur cloud. C'est un confort pour l'utilisateur, qui a tendance à renoncer facilement lorsque le temps de chargement est trop long".

L'outil est surtout très utile pour les entreprises, qui paient un abonnement annuel à Cedexis. La startup a ainsi réalisé un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros en 2017. Elle emploie 70 personnes, la plupart en France et aux États-Unis. Ses clients sont surtout des acteurs du e-commerce, qui ont besoin d'offrir une expérience utilisateur optimale (dont la plus rapide possible) pour convertir les visites en achats.

Cedexis attire également les acteurs de l'hébergement des données (cloud), et des médias (Le Monde et L'Equipe en France, Bloomberg à l'international, entre autres), qui sont engagés dans une course à la valorisation de leur audience. Il serait aussi possible d'intégrer la technologie en amont, directement dans les terminaux comme les smartphones et les ordinateurs.

"Notre marché est colossal, et c'est aussi dans l'optique de réfléchir à une intégration de la solution dans le hardware que nous avons fait entrer Nokia et Ginko Ventures [le bras armé du manufacturier Foxconn en Europe, NDLR] lors de notre dernière levée de fonds. Cela ne s'est pas encore fait, mais ce serait possible", indique Julien Coulon.

Avec Citrix, améliorer l'expérience client de bout en bout

Le rachat de Cedexis par Citrix est logique : l'Américain, qui réalise 3,2 milliards de dollars de chiffre d'affaires en vendant des services dans le cloud pour les entreprises,  propose aussi l'équivalent de ce que fait Cedexis, mais "derrière le pare-feu des entreprises, c'est-à-dire pour les applications métiers, alors que nous le faisons devant, pour les clients finaux", indique Julien Coulon. "Nous associer permet de proposer des solutions complètes, de bout en bout", ajoute-t-il.

Le rapprochement entre les deux entreprises s'est fait en deux temps. L'Américain est entré au capital de Cedexis en 2013, sans obtenir de siège au conseil d'administration. Mais c'est seulement en 2017 que Julien Coulon a sérieusement envisagé l'option d'un rachat:

"Nous avons reçu 23 propositions depuis 2010, sans jamais céder, mais nous sommes arrivés à un moment critique : soit il fallait relever de grandes sommes d'argent pour faire ce que fait Citrix et rester compétitif dans un paysage du cloud en pleine évolution, soit on s'adossait à un grand".

Citrix confirme. "La combinaison des innovations de Citrix et de Cedexis permettra à nos clients d'offrir une expérience supérieure à leurs utilisateurs finaux, qu'il s'agisse d'applications BtoE (business to employee), BtoB (business to business) ou BtoC (business to consumer). De quoi augmenter la productivité et l'efficacité de l'infrastructure en réduisant les coûts du cloud et du réseau, dans des environnements hybrides et multi-cloud", indique l'entreprise.

Les équipes ont été prévenues il y a deux semaines. La plupart des salariés sont gardés par Citrix, "et beaucoup sont même augmentés", se réjouit Julien Coulon, qui a choisi de partir, un peu plus d'un an après son associé fondateur Marty Kagan. L'entrepreneur de 44 ans a décidé de reprendre des études (un exécutif de MBA à HEC), de s'investir dans le coaching d'entrepreneurs, de soutenir certaines pépites de la French Tech (il est notamment entré au conseil d'administration du leader du smartphone reconditionné Recommerce) et de s'engager pour la protection des lanceurs d'alerte, une passion de longue date.

Sylvain Rolland

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Commentaires 4
à écrit le 12/02/2018 à 21:45
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montebourg taubira et hollande doivent etre furieux car ils auraient bien recupere 75% pour leurs amis, tout en bloquant la vente et en enclenchant des procedures ' business friendly a la francaise', avec force impots et insultes la france decouvre ...

le 13/02/2018 à 8:06
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La France est un des plus gros investisseur étranger aux USA. Les multinationales n'ont pas de patrie. Le siège social d'une entreprise ne donne aucune information sur la nationalité des actionnaires. J'ai travaillé pour une entreprise financée (et l...

à écrit le 12/02/2018 à 19:33
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Encore un exemple qui doit pousser nos politiques à favoriser les fonds de pension français afin que nous puissions créer de puissants groupes tricolores. Nous avons la technologie mais pas les capitaux. Un peu normal, quant on sait que l'état capt...

le 13/02/2018 à 15:25
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Les Français savent inventer. Une fois le brevet déposé, plus rien. Ils ne savent pas produire et commercialiser

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