
Les tests sérologiques rapides et fiables du Covid-19 sont-ils sur le point d'arriver sur le marché ? Si en France les autorités de santé restent frileuses, la Belgique vient de certifier puis d'autoriser la production en masse des tests sérologiques de la biotech ZenTech. Ceux-ci permettent d'identifier, en 10 minutes environ, les personnes immunisées contre le coronavirus et donc susceptibles de retourner au travail sans contaminer les autres. La startup basée à Liège compte produire un million de tests sérologiques par mois en mai, puis 3 millions à partir du mois de juin, détaille-t-elle à La Tribune. Elle les commercialisera au prix de 9,80 euros l'unité à l'Etat belge, qui les distribuera auprès des professionnels de santé dans les hôpitaux et les laboratoires du pays.
Fiabilité de 98% après des tests au CHU de Liège
Les tests sérologiques de ZenTech ne détectent pas la présence du coronavirus dans le corps -c'est l'objet des tests PCR réalisés dans le nez. Ils détectent plutôt si la personne a eu une réaction immunitaire et a donc développé des anticorps. Dans le détail, le test recherche la présence de deux immunoglobulines, baptisées IgM et IgG, et donne un résultat en 10 minutes environ.
"Les IgM sont la réponse immunitaire directe par rapport à un élément, ici le Covid-19. Comme des fantassins d'immunité, les IgM sont les anticorps que l'on fabrique dès l'infection et qui combattent le virus. Les IgG sont la réponse immunitaire secondaire ou réponse mémoire, c'est-à-dire les garde-frontière qui nous protègent contre le retour du virus", détaille Eric-Louis Poskin, le porte-parole et "corporate strategy advisor" de ZenTech.
Spécialisée dans les kits de dépistage des maladies du système immunitaire chez l'enfant et l'adulte, ZenTech travaille sur le Covid-19 depuis décembre et a mis au point son test sérologique dès le mois de janvier. Mais alors que de nombreuses solutions concurrentes ne sont pas jugées assez fiables avec un taux de "faux négatifs" très élevé, ZenTech revendique au contraire une fiabilité entre 97% et 98%. Ce chiffre provient d'une étude clinique sur la base de 1000 tests, réalisée par le CHU de Liège au début du mois d'avril. Cela signifie que le test détecte 97% à 98% des personnes présentant des anticorps au Covid-19. Il revendique en plus 100% d'efficacité sur ces personnes-là, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun faux négatif ou positif.
Eric-Louis Poskin estime que cette fiabilité est le fruit de la technologie unique de la biotech, et de son expérience de vingt années de recherche et de mise au point de tests sérologiques pour diverses maladies auto-immunes. "Notre solution est l'une des briques de la stratégie de déconfinement de la Belgique et nous sommes également en contact avec l'armée belge", nous précise le dirigeant. En revanche, si le test détecte l'immunité mémoire, on ne sait pas encore combien de temps celle-ci peut perdurer, d'où la nécessité "d'accompagner les tests sérologiques d'autres outils de détection et de prévention".
La France et l'OMS méfiantes sur les tests sérologiques
Si la Belgique prend donc la voie d'un testage massif de sa population pour faciliter le déconfinement, aider les soignants dans les hôpitaux, et mesurer la "séroprévalence" de la population -la proportion des citoyens ayant été en contact avec le virus-, l'utilité même des tests sérologiques fait toujours l'objet d'un débat vivace. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en garde sur le fait que la présence d'anticorps ne garantit pas que le porteur est immunisé, et, s'il l'est, que cette immunité est durable. De plus, il existe un grand nombre de tests sérologiques du Covid-19 dans le monde, notamment aux Etats-Unis et en Asie, mais la plupart présentent un taux de faux négatifs trop important (jusqu'à 40% et au-delà), pour être efficaces.
Ainsi, certaines personnes sont testées négatives alors qu'elles ont été hospitalisées à cause du Covid-19, et certaines sont testées positives sur un échantillon de sang antérieur à l'épidémie... C'est pourquoi le Premier ministre Edouard Philippe et le ministre de la Santé Olivier Véran ont appelé, dimanche 19 avril, à la méfiance concernant les tests sérologiques. La France n'a délivré aucune certification et déplore même "l'utilisation sauvage"de tests sérologiques non validés scientifiquement.
Les biotech françaises NG Biotech et Biosynex dans l'attente du feu vert des autorités sanitaires
Pour autant, cela n'empêche pas les initiatives de se multiplier sur le sol français, dans l'espoir d'élaborer et de diffuser des tests sérologiques fiables et rapides. En plus de l'Institut Pasteur, plusieurs biotech espèrent tirer leur épingle du jeu, à commencer par la bretonne NG Biotech. Cette pépite a reçu un financement d'un million d'euros de la part de la Direction générale de l'armement (DGA) pour l'aider à passer les tests de validation. La promesse de l'entreprise basée en Ile-et-Vilaine et spécialisée dans les tests d'analyse biologique rapide, est similaire à celle de ZenTech : détecter en 15 minutes, à partir d'une goutte de sang, la présence d'anticorps du Covid-19 dans l'organisme. NG Biotech a déjà reçu le marquage CE et a fait l'objet de plusieurs campagnes d'évaluations cliniques, notamment auprès de l'hôpital Lariboisière et de l'AP-HP Université Paris-Saclay. Mais elle n'a toujours pas la certification des autorités de santé françaises, ce qui empêche un déploiement massif sur le modèle du belge ZenTech.
Le même frein touche la biotech alsacienne Biosynex. Leader européen des tests sérologiques rapides, la startup alsacienne a développé en trois mois son propre autotest pour détecter la présence dans le sang d'anticorps du Covid-19. L'entreprise évalue la fiabilité de son dispositif à 98%, soit une proportion similaire à la solution belge, tandis que des tests sont encore en cours au CHU de Strasbourg. En attendant le feu vert français, Biosynex se tourne donc vers l'international : ses tests sont déjà vendus en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas, en Ukraine, en Tunisie et au Maroc, et plusieurs millions d'exemplaires sont en cours de fabrication en Chine pour soutenir cette demande et l'étendre éventuellement au marché français.
D'autant plus que Biosynex pourrait être sollicité dans les semaines à venir par la Région Grand Est, qui a décidé de "prendre les devants" pour mieux organiser le déconfinement qui devrait débuter le 11 mai. La Région vient de créer une société d'économie mixte (SEM) baptisée Dynamise, avec la Banque des Territoires et le Crédit Mutuel. Dynamise aura pour vocation de provisionner, commander et distribuer des stocks de tests sérologiques à la population. Trois tests sont actuellement en finalisation d'évaluation auprès de "fournisseurs régionaux".
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