Intelligence artificielle : la France peut-elle devenir un leader mondial ?

Pendant deux mois, dix-sept groupes composés d’experts de la société civile, de chercheurs et d’entrepreneurs ont planché, à la demande du gouvernement, sur des solutions pour que la France ne rate pas le virage de l’intelligence artificielle. Leur rapport, baptisé France IA, a été remis mardi 21 mars. Mais qu’en restera-t-il après l’élection présidentielle ?
Sylvain Rolland
Le rapport France IA, contenant une cinquantaine de propositions, a été remis au gouvernement mardi 21 mars.

Véhicule autonome, médecine préventive, outils professionnels d'aide à la décision, systèmes de sécurité intelligents, robots de compagnies et assistants personnels sur les smartphones... A en juger par le nombre de projets en cours, par les progrès fulgurants de la recherche et par l'éclosion rapide de startups partout dans le monde, l'arrivée de l'intelligence artificielle dans la vie quotidienne, que l'on fantasme depuis les années 1950, est pour bientôt. Et si l'on peine encore à percevoir quels seront précisément ses impacts sur la société et l'économie, plusieurs choses font tout de même consensus : le bouleversement sera profond, le rapport homme/machine reste encore à définir, et la France dispose de beaux atouts pour tirer son épingle du jeu dans la compétition mondiale qui s'annonce.

C'est pourquoi, en janvier, l'ancienne secrétaire d'Etat au Numérique et à l'Innovation, Axelle Lemaire, avait lancé l'initiative France IA. A la demande du gouvernement, experts, entrepreneurs, chercheurs et spécialistes de la révolution numérique ont planché, pendant deux mois, pour développer une véritable stratégie pour la France. Leur rapport, contenant une cinquantaine de propositions, a été remis au gouvernement mardi 21 mars.

     | Pour aller plus loin. Faut-il vraiment avoir peur de l'intelligence artificielle ?

Investissements massifs dans la recherche et dans les startups

L'objectif de cette stratégie est clair : « affirmer le leadership mondial de la France dans l'intelligence artificielle ». Et, au-delà des déclarations d'intentions, donner au pays les moyens de ses ambitions. Les propositions s'axent autour de cinq grands domaines : l'investissement dans la recherche et développement ; la formation aux nouveaux enjeux et métiers, et ce dès l'école primaire ; le transfert des technologies au service du développement économique ; la mise en place d'une « stratégie industrielle » pour intégrer l'IA dans chaque filière ; et la poursuite du débat public pour faciliter la compréhension des enjeux sociétaux et économiques par les citoyens.

Ces recommandations seront pilotées par un comité stratégique FranceIA (rassemblant les sphères académique, scientifique, économique et la société civile), qui devra être créé « au cours de l'année 2017 ».

Sept secteurs prioritaires font l'objet d'une attention particulière : la construction automobile (avec le véhicule autonome), la problématique de la relation client, le secteur de la finance, celui de la santé, des énergies renouvelables, de la robotique et de l'éducation numérique.

La France a des atouts forts mais aussi quelques faiblesses

Le rapport dresse aussi un état des lieux complet des forces et faiblesses de la France dans l'intelligence artificielle. Au rayon des atouts, la France dispose d'un réseau dense de plus de 250 équipes de recherche en IA pure et d'un total d'environ 5300 chercheurs, dont plus de 4000 répartis en dehors de la région parisienne, avec une « grande diversité des domaines de recherche », de l'apprentissage automatique à la robotique, en passant par l'interaction homme/machine, l'éthique ou le droit de l'IA. Le pays dispose aussi de 18 mastères spécialisés en IA, qui comptent plus de 1000 étudiants.

Au niveau économique, plus de 200 startups ont été identifiées, ainsi que de nombreux laboratoires publics et privés. La qualité mondialement reconnue des ingénieurs et scientifiques français est d'ailleurs la raison de l'installation des centres de R&D de plusieurs multinationales, dont Facebook ou encore Sony.

« Le diagnostic confirme que la France, avec son tissu foisonnant de laboratoires et d'entreprises, au premier rang desquelles les startups, dispose de tous les atouts nécessaires pour anticiper et exploiter le potentiel de progrès scientifique, social et économique porté par l'intelligence artificielle », affirme le rapport.

Mais les experts constatent également la faiblesse des grands groupes industriels dans la recherche en amont sur l'intelligence artificielle, contrairement à ce qui peut se faire dans d'autres pays. Et pointe du doigt les progrès à réaliser pour faciliter les transferts de technologies et les expérimentations.

Que restera-t-il de ce rapport après l'élection présidentielle ?

Si France IA a été saluée pour avoir réuni le secteur public et le privé ainsi que tous les experts du numérique, reste que l'initiative arrive (très) tard, à un mois du premier tour de l'élection présidentielle.

Le rapport entend donner au prochain gouvernement tous les outils pour « ne pas perdre de temps ». Mais il a été commandé par le gouvernement de François Hollande et même s'il formule des propositions éclairées et consensuelles, rien ne dit qu'une nouvelle majorité ne relancera pas sa propre démarche.

Par ailleurs, aucune de ces propositions ne figurent dans les programmes des candidats. Si tous ont conscience de l'impact à venir de l'intelligence artificielle, aucun ne s'est exprimé dans le détail dans le cadre de la campagne. Seul Emmanuel Macron a inscrit noir sur blanc dans son programme la définition d'une « stratégie nationale » sur l'IA, qui, du coup, pourrait être redondante s'il choisit de ne pas s'appuyer sur ce travail.

Parmi les propositions phares, voici celles à retenir

- création d'un Centre français pour l'IA, qui serait « un lieu de rencontre entre académiques et industriels ».

- renforcement des liens entre les entreprises et les chercheurs, pour rapprocher la recherche des problématiques sectorielles.

- renforcement des financements dédiés à la recherche, au niveau national et européen, notamment pour lancer des « projets aux interfaces », c'est-à-dire des initiatives nécessitant une recherche entre l'IA et un autre domaine.

- lancement d'un enseignement « IA, traitement des données et sciences numériques » de l'école primaire au lycée.

- faire de l'Etat « un pionner dans l'adoption de l'IA » via le déploiement d'un Grand Projet public IA, comme un assistant conversationnel intelligent en soutien à la modernisation de l'action publique.

- soutenir l'investissement dans les startups de l'IA, via la mobilisation du Plan d'Investissements d'Avenir (PIA) et de Bpifrance.

- étudier les possibilités de défiscaliser le rachat de startups en IA par les grands groupes français, pour leur permettre de « s'approprier plus rapidement les technologies innovantes » et de « garder leur avantage compétitif »

- mobiliser la French Tech pour résoudre des problématiques concrètes de grands groupes avec le concours des startups

- adapter le code de la route aux voitures autonomes

- développer une plateforme souveraine d'intelligence économique

_______________________________

*Un graphique de notre partenaire Statista

Sylvain Rolland

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Commentaires 11
à écrit le 22/03/2017 à 18:28
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En avant la France et les nouvelles technologies avec Fillon !

à écrit le 22/03/2017 à 15:48
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Sligos son temps (désormais Atos) était un leader de l'IA; ils avaient même recruté Catherine Fogelmann une spécialiste. Mais comme toujours avec " l'élite" dirigeante en France et sa grande "lucidité", ces activités avaient été arrêtées. L'inno...

à écrit le 22/03/2017 à 15:47
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Sligos son temps (désormais Atos) était un leader de l'IA; ils avaient même recruté Catherine Fogelmann une spécialiste. Mais comme toujours avec " l'élite" dirigeante en France et sa grande "lucidité", ces activités avaient été arrêtées. L'inno...

à écrit le 22/03/2017 à 15:44
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Sligos son temps (désormais Atos) était un leader de l'IA; ils avaient même recruté Catherine Fogelmann une spécialiste. Mais comme toujours avec " l'élite" dirigeante en France et sa grande "lucidité", ces activités avaient été arrêtées. L'inno...

à écrit le 22/03/2017 à 15:44
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Sligos son temps (désormais Atos) était un leader de l'IA; ils avaient même recruté Catherine Fogelmann une spécialiste. Mais comme toujours avec " l'élite" dirigeante en France et sa grande "lucidité", ces activités avaient été arrêtées. L'inno...

à écrit le 22/03/2017 à 15:38
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Avec Nabila, Moundir et les Chtis vs les Marseillais, la France est bien en pointe sur l'intelligence artificielle....

à écrit le 22/03/2017 à 13:12
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Des grands mots, toujours des grands mots. J'ai demandé à Pôle Emploi de m'aider à financer une formation en IA quand je me suis retrouvé au chômage: refusé, formation non prioritaire. Par contre les formations de "conseiller en reconversion professi...

à écrit le 22/03/2017 à 12:04
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@churchil sachant que dans la majorité des cas, personne ne comprends rien aux enjeux des projets :)

le 04/04/2017 à 13:42
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pas faux c'est pour ca qu'en general on cherche des gens qui mettent en place des process ( oui, genre hadoop et consors), ca donne au moins l'impression de faire comme... le concurrent qui a passe une annonce pour recruter un specialiste hadoop ( s...

à écrit le 22/03/2017 à 11:26
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La grande difficulté de notre pays provient du fait qu'il est difficile ,voir souvent impossible de passer de l'état de la recherche à celui de l'industrialisation , de la commercialisation . Ce constat les industriels le font lorsqu'ils veulent exp...

à écrit le 22/03/2017 à 9:12
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les ingenieurs francais sont bons c'est pour ca que les americains les recrutent ( pas besoin d'etre ingenieur au passage, avoir fait maths sup/ maths spe suffit a etre recrute) pour le reste, c'est utopiste de croire que des gens vont investir dan...

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