Une bombe médiatique. Elon Musk, propriétaire et directeur général de Twitter depuis 10 jours, a appelé les Américains, sur son compte suivi par plus de 114 millions d'abonnés, à voter pour le parti Républicain aux élections de mi-mandat, les cruciales « midterms » qui se dérouleront ce mardi. Le tweet se retrouve même épinglé sur son profil, ce qui signifie que c'est le premier message que voient les utilisateurs qui cliquent sur son compte.
« Aux électeurs à l'esprit indépendant : le partage du pouvoir gomme les pires excès de chaque parti, donc je recommande de voter pour un Congrès Républicain, car la Présidence est Démocrate. »
Twitter plus que jamais sous les projecteurs
Demain, les « midterms » mettront en jeu les 435 sièges de la Chambre des représentants -qui était à majorité démocrate depuis 2018- ainsi que 34 sièges du Sénat (sur 100) qui était partagé moitié moitié entre les deux partis. Une bascule de l'une ou des deux chambres dans le camp républicain aurait des conséquences lourdes sur les deux dernières années du mandat présidentiel de Joe Biden. Cette élection sert le plus souvent de sanction pour les deux premières années de la présidence, et il est courant que le nouveau Congrès soit d'un bord opposé, ce qui avait par exemple entravé les plans politiques de Barack Obama lors de son second mandat. Le camp Démocrate s'inquiétait donc déjà de l'issue du scrutin.
Twitter, en tant que réseau social crucial dans la sphère médiatique était déjà observé de près, par peur qu'il serve de relais à la désinformation d'un des deux bords ou bien de cible de tentative d'ingérence étrangère. Pour calmer les inquiétudes, Elon Musk venait d'affirmer qu'il était prêt à attendre la fin des midterms pour déployer les nombreux changements qu'il prévoit de faire sur Twitter.
Outre la volonté de répondre au grand public, le nouveau dirigeant doit rassurer les annonceurs -dont Twitter dépend pour la quasi-intégralité de ses revenus aujourd'hui- qui s'inquiètent de la modération. Avec sa prise de position publique, le milliardaire se tire certainement une balle dans le pied, et les annonceurs qui ont déjà quitté le réseau social pourraient être suivis par d'autres.
Elon Musk tombe le masque
« Pour que Twitter mérite la confiance du public il doit être politiquement neutre, ce qui signifie dans les faits agacer autant l'extrême gauche que l'extrême droite », déclarait pourtant Elon Musk peu après la signature de son offre de rachat pour Twitter, fin avril. Les mois suivant, l'homme d'affaires n'a cessé de matraquer ce message, se présentant comme prétendue figure de la neutralité, ni de gauche ni de droite.
Pourtant, ses interactions publiques sur Twitter exposent clairement un soutien clair aux idées des conservateurs américains, et un agacement récurrent face à « la gauche » [« the Left », ndlr]. Mais ces propos ne l'empêchent pas de se décrire encore aujourd'hui comme un « votant indépendant », différents des Démocrates et des Républicains « purs et durs ». S'il l'homme d'affaire n'a effectivement pas toujours été un soutien du parti Républicain, il s'en est en revanche rapproché très fortement ces dernières années. Il y trouve notamment un écho à sa vision radicale de la liberté d'expression qui a motivé son rachat de Twitter, dans laquelle tout peut être dit, tant que les propos s'inscrivent dans les limites de la loi.
Le soutien public aux Républicains n'était pas forcément attendu aussi clairement, mais il fait suite à 10 jours de joutes avec le bord démocrate depuis sa prise de pouvoir sur Twitter. Pour commencer, le milliardaire a partagé, en réponse à Hilary Clinton, l'article d'un site complotiste qui mettaient en doute les propos de Paul Pelosi, mari de la chef de file démocrate Nancy Pelosi, agressé à son domicile. Pourtant, tous les médias sérieux confirmaient de source policière que l'agresseur avait des motivations politiques et qu'il référençait des articles d'extrême droite (notamment de la mouvance complotiste QAnon). Si Elon Musk a supprimé son message quelques heures plus tard, il a tout de même indirectement qualifié le New York Times qui relevait son erreur, de « site connu pour publier des fake news ». Une attitude sans trop de surprise : ce genre de discours anti-médiatique, popularisé par Donald Trump, est devenu commun dans le bord de républicain.
Vers un Twitter pro-Républicain ?
Quelques jours après l'affaire Pelosi, l'homme d'affaires s'est de nouveau illustré. Cette fois, il s'est lancé dans une joute écrite contre la députée démocrate (et candidate aux « midterms ») Alexandria Ocasio-Cortez, suivie par 13,5 millions d'abonnés. Cette dernière s'est moquée de la volonté d'Elon Musk de faire payer 8 dollars pour certifier les comptes Twitter. « C'est hilarant de voir un milliardaire essayer de vendre aux gens que la liberté d'expression est en fait un abonnement de 8 dollars par mois. » Ce à quoi le principal concerné a répondu : « Votre retour est apprécié, maintenant payez 8 dollars » avant de se fendre d'autres tweets critiques. La chamaillerie s'est étendue dans le temps, Ocasio-Cortez accusant le lendemain Elon Musk d'être responsable de bugs d'affichage sur son compte Twitter, sans preuve concrète.
Si cette préférence du numéro 1 de Twitter pour le camp républicain inquiète, c'est parce que lors des deux campagnes présidentielles les plus récentes, les médias conservateurs américains -le puissant Fox News en tête- ont relayé de nombreuses fake news contre les candidats démocrates, comme le contenu des emails de campagne d'Hillary Clinton en 2016, ou l'histoire des documents récupérés sur un ordinateur portable de Hunter Biden, le fils de Joe Biden, en 2020. Or, la désinformation en provenance des mouvances de l'extrême-droite américaine continue d'abonder à flot, alors que le président sortant Donald Trump continue de refuser sa défaite à l'élection présidentielle, et pourrait se présenter en 2024. Reste à voir si la préférence politique d'Elon Musk va se refléter dans la nouvelle modération du réseau social. Autrement dit, si le milliardaire compte bien se servir de Twitter comme d'un outil de propagande pour ses idées.
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